L’AVENT DANS LE RITE DES GAULES
R.P. Gilles Zuang


Semblable aux ornements de l’art gaulois, le temps de l’Avent dans la tradition de l’Eglise des Gaules laisse paraître un message en entrelacs et sans cesse en oscillation, comme un écho, dans une structure linéaire très simple.

La première évidence qui apparaît lorsqu’on observe ce temps de l’Avent, est la présence marquée de fêtes mariales s’intercalant de manière assez régulière entre les dimanches de l’Avent, formant un entrelacs de fêtes de deux natures différentes : fêtes dominicales et fêtes mariales.
Il est difficile aussi de ne pas remarquer que sur 6 dimanches de l’Avent 4 textes évangéliques sont consacrés au témoignage direct ou indirect de Jean le Baptiste, et un dimanche est consacré à la fête de l’Annonciation.

Ainsi la somme des textes des dimanches et fêtes du temps de l’Avent nous fait osciller entre le témoignage de Jean et l’accomplissement de la vie de la Très Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge, Marie.

L’OSCILLATION

L’appel au repentir de Jean le Baptiste, qui résonne tout au long des dimanches de l’Avent, contrastant étonnamment avec le caractère festif et joyeux des fêtes mariales qui viennent rythmer ce temps, nous éveille à la nature même du temps de l’Avent tel qu’il est vécu par les fidèles de l’Eglise Orthodoxe des Gaules selon la tradition antique : un jour de jeûne et un jour non jeûné pendant les 6 semaines de l’Avent (on ne parle que des jours de semaine, les dimanches ne sont pas jeûnés, et en semaine, les fêtes consacrées à La Très Sainte Mère de Dieu ne sont pas jeûnées non plus).

Nous vivons donc une alternance de textes évangéliques tantôt nous éveillant à la repentance, tantôt centrant notre attention sur les joies de l’illumination, comme nous vivons un temps tantôt de jeûne consacré à la pénitence et tantôt offrant non pas une relâche, mais au contraire une tension vers la joie d’une vie spirituelle en marche, un pèlerinage (car les pèlerins ne jeûnent pas).

Cette marche oscillant entre la repentance et la joie, entre la pénitence et l’illumination n’est pas sans rappeler le proto-évangile de Jacques consacré à la narration du pèlerinage forcé de Joseph et Marie vers Bethléem, du cheminement sur le lieu historique de l’Avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ : Chapitre XVII, verset 2. Et il sella son âne et la jucha dessus.

Son fils tirait la bride et Samuel suivait. Et ils entamaient le troisième mille quand Joseph se retourna et la vit fort rembrunie. " L'enfant qu'elle porte, pensa-t-il, doit la faire souffrir. " Il se tourna une nouvelle fois et vit qu'elle riait. Il lui dit : " Marie, qu'as-tu donc? Je vois tour à tour joie et tristesse sur ton visage. " Et elle lui dit : " Joseph, deux peuples sont sous mes yeux. L'un pleure et se frappe la poitrine, l'autre danse et fait la fête. "

Ainsi toute la structure du temps de l’Avent et de ses fêtes reproduit, fait écho, accompagne, chemine auprès de Marie et Joseph vers la Nativité, nourrissant les fidèles de ces deux visions, de ces deux mouvements, comme une oscillation.

LES ECHOS

Les deux Avènements

L’écho du temps de l’Avent le plus répandu dans l’église est l’écho du Second Avènement lors du temps de l’attente du Premier Avènement.

Aussi le temps de l’Avent est-il un temps privilégié à travers les églises catholiques pour annoncer le Second Avènement lors même qu’elles se préparent à célébrer le Premier Avènement. C’est pourquoi, selon la tradition de l’Eglise des Gaules, nous trouvons dans la succession des lectures des dimanches de l’Avent, la narration de la prédication de Jean par deux fois. Au deuxième dimanche (Matthieu III, 1-12) et au cinquième dimanche (Jean I, 19-28), nous consacrons la lecture de Jean Baptiste annonçant la venue du Christ : la première fois pour l’annonce littérale du Premier Avènement, la deuxième fois pour l’annonce mystique du Second Avènement.

Cet écho récurrent tout au long de l’Avent à travers les lectures de l’ancien Testament et les lectures des Epîtres, en plus des lectures des évangiles comme nous venons de le voir, donne au temps de l’Avent un caractère particulier. Il crée une tension entre le Premier et le Second Avènement qui immerge le chrétien gaulois dans un état de veille spirituelle. Aussi la tradition gallo-franque invite-t-elle ses fidèles, au cœur de l’Avent, au troisième dimanche, à se souvenir de la Venue Prochaine du Seigneur et à la nécessité de la veille spirituelle qui y prépare avec les paroles mêmes du Christ prononçant les deux paraboles de la Venue du Fils de l’Homme : Exhortation à la vigilance. Le voleur de nuit et Exhortation à la vigilance. Le serviteur fidèle et avisé. Matthieu XXIV, 42-51.

Selon l’Avent proposé jusqu’ici dans l’Eglise Catholique Orthodoxe Française, très proche du calendrier catholique romain, la Seconde Venue est bien annoncée, elle est même annoncée de manière beaucoup plus explicite, mais l’annonce ne revêt pas cette spécificité par rapport à l’attitude veille, l’éveil à la veille comme fonction de l’église, plus que comme nécessité personnelle, qui caractérise la spiritualité de l’église des Gaules.

Le plan du Salut

Tout ce que nous venons d’évoquer est déjà remarquable de structure et suffit à une théologie solide et riche du temps de l’Avent tel qu’il est vécu dans la tradition antique de l’Eglise des Gaules. Mais ce n’est pas le seul écho que cette église va vouloir exprimer.

Tout aussi admirable est la finesse de l’enchaînement de l’ensemble des textes de ce temps de l’Avent, qui forment une récapitulation pas-à-pas du Plan du Salut à travers les lectures évangéliques.
Car les chrétiens gaulois vivaient dans la conscience que le peuple d’Israël, en tant que prémices des peuples revenant à Dieu, constituait le modèle, le précurseur de tous les peuples. Et qu’en son histoire se récapitulerait l’histoire de l’ensemble des peuples revenant vers Dieu.

Ainsi, en rappelant pendant le temps de l’Avent toute l’histoire du Salut par la collaboration et la participation du peuple d’Israël, l’église des Gaules transmettait, de manière mystique et prophétique, l’histoire et la conscience de l’église chrétienne dans l’attente du Salut au Second Avènement. Cette manière d’appréhender l’église chrétienne et son enracinement, ou plutôt sa greffe sur un arbre historique constitue une spiritualité particulière que Saint Paul a offerte aux Romains dans l’épître qu’il leur adresse, développant l’image du greffon et de l’olivier :Mais si quelques-unes des branches ont été coupées tandis que toi, sauvageon d'olivier tu as été greffé parmi elles pour bénéficier avec elles de la sève de l'olivier, ne va pas te glorifier aux dépens des branches. Ou si tu veux te glorifier, ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te porte. Tu diras : On a coupé des branches, pour que, moi, je fusse greffé. Romains XI, 17-19.

Ici l’idée est de tirer profit de la connaissance de l’histoire entre Dieu et Son Peuple Israël afin de mieux comprendre le sens de chacune des épreuves à traverser sur le chemin de retour à Dieu et à la vraie destinée de l’homme. Il en découle une théologie, faut-il le redire, fortement centrée sur l’attitude de veille spirituelle.

Dans cette optique, on peut percevoir ainsi l’ensemble des lectures et l’entrelacs des fêtes du temps de l’Avent :

Premier dimanche (Jean I, 35-51) : Appel des premiers disciples

En ce jour est symbolisé et rappelé l’APPEL de Dieu à la participation à Son Plan de Salut. C’est l’appel reçu par les PATRIARCHES, et en particulier ceux qui ont œuvré aux grandes épreuves de l’humanité, les PERES DES ALLIANCES : Noé, Abraham, (Isaac, Jacob) et Moïse.

Deuxième dimanche (Matthieu III, 1-12) : Le témoignage de Jean

Le désert et la voix de celui qui crie dans le désert rappellent de manière très explicite l’exode du peuple hébreu et la voix de Dieu parlant à Moïse, et les voix de Moïse et Aaron parlant au peuple hébreu. Mais la dernière phrase de Jean Baptiste elle, récapitule les différents baptême de l’humanité à travers les Alliances justement : Pour moi, je vous baptise dans de l'eau en vue du repentir ; mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne d'enlever les sandales ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. Matthieu III, 11.

Car après l’appel vient le baptême. Baptême d’eau pour Noé, pour Abraham baptême d’Esprit Saint par l’action Duquel l’offrande change de nature au cours de la Très Sainte Epiclèse (Le don d’Abraham, sous la forme d’Isaac est changé en bélier ; le don des fidèles, sous la forme de pain et de vin, est transformé en Corps et Sang du Seigneur Jésus Christ), baptême de feu pour Moïse (à lui le buisson ardent, le feu du désert et le rayonnement de la transfiguration).

La fête de l’Entrée de la Vierge au Temple vivifie la mémoire de l’ENTRÉE DU PEUPLE D’ISRAËL EN TERRE PROMISE. Et, parce que Marie est la personne humaine qui incarne la sainte Arche d’Alliance, elle représente tout rapport au Temple. Ainsi la fête de l’Entrée de la Vierge au Temple symbolise aussi L’EDIFICATION DU PREMIER TEMPLE.

Troisième dimanche (Matthieu XXIV, 42-51) : La venue du Fils de l’homme

Ce dimanche nous recevons deux paraboles. C’est le Christ Lui-même qui parle aux foules, tout comme le Verbe, Fils de Dieu éternellement engendré parlait à son peuple par la bouche de Ses PROPHETES. C’est le temps des prophètes de l’hypocrisie et de l’adultère, c'est-à-dire l’époque des idoles, de l’IDOLATRIE de soi, ou de l’idolâtrie de ce qui n’est pas Dieu, alors que Dieu annonce la venue du MESSIE au sein de son peuple. Temps de l’oubli de Dieu alors qu’Israël devrait se tenir en éveil.

Il est à noter que ce temps correspond à la division du peuple d’Israël en deux royaumes : le royaume d’Israël et le royaume de Juda. Chacun de ces royaumes aura ses propres prophètes car chacun de ces royaumes péchera d’une manière différente devant Dieu. Dieu entamera alors un double dialogue avec Son peuple. Le symbole de ce double dialogue entre Dieu et Son peuple est appuyé ce dimanche par la lecture, non pas d’une parabole de la VENUE DU SALUT DU MONDE qui fait écho à l’ATTENTE DU MESSIE, mais de deux paraboles en une seule lecture. Le caractère non pas catastrophique des lectures, mais l’insistance du Seigneur sur la VIGILANCE nous rappelle l’endormissement du peuple d’Israël en terre promise, après avoir traversée tant de tribulations.

Quatrième dimanche (Matthieu XI, 2-15) : Le Messager de l’Avent

Jean-Baptiste est en prison. Il entend parler des œuvres du Christ… C’est le temps de l’EXIL. La déportation du peuple hébreu réparti dans les deux royaumes. Et, esclaves au milieu des IDOLES, comme Jean-Baptiste au sein du palais d’Hérode, les juifs prennent conscience de leurs fautes devant Dieu et de l’aliénation inhérente à l’adoration des idoles. Là, les prophètes proclament le RETOUR en terre d’Israël, tout comme les messagers de Jean-Baptiste lui annoncent la LIBERATION des foules de l’emprise des maux et des démons.

La fête de la Conception de la bienheureuse vierge Marie, Mère de Dieu, toujours en relation avec l’histoire du Temple, évoque la DEUXIEME édification du TEMPLE de Jérusalem.

Cinquième dimanche (Jean I, 19-28) : La voix dans le désert

Jean annonce (pour la seconde fois dans le temps de l’Avent) la venue du Messie, c’est-à-dire du Christ. (renvoyant à l’annonce du Second Avènement, comme nous l’avons déjà dit). Et les pharisiens viennent à sa rencontre. Nous avons déjà connu un tel dimanche, c’est le deuxième dimanche de l’Avent. Il y a une différence profonde entre ses deux témoignages. Au deuxième dimanche de l’Avent les pharisiens sont muets, c’est Jean qui les apostrophe. Ce cinquième dimanche ils ne sont pas muets, au contraire, ce sont eux qui l’apostrophent et le questionnent. C’est la naissance de la NOBLESSE SACERDOTALE.

Temps où les pharisiens, les saducéens, les lévites sont imposés comme autorités ecclésiales. Temps pendant lequel l’INFLUENCE DES PRETRES est plus puissante et plus imposante que celle des rois. Le Temple devient le siège, le trône du roi-prêtre, du Prêtre-Roi à venir, préparant cette fois-ci assidûment la venue du Messie.

Sixième dimanche (Luc I, 26-38) L’Annonciation

Avec l’Annonciation c’est l’accomplissement du Plan divin concernant l’église. La Vertu du Très-Haut couvrant l’humanité en Marie couronne la collaboration de celle-ci à Son Plan de Salut. C’est l’ABOUTISSEMENT des Alliances. Dans cette perspective que nous venons de décrire, les fêtes mariales durant le temps de l’Avent sont toutes liées au Temple de Jérusalem. Avec la fête de l’Annonciation nous célébrons l’annonce et l’accomplissement de l’homme en tant que Temple de l’Esprit-Saint, comme Jésus-Christ l’annoncera lui-même. Jésus leur répondit : " Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. " Les Juifs lui dirent alors : " Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras ? " Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Jean II, 19-20

Le Ministère du Christ

Autre écho : la tradition de l’église des Gaules partage le point de vue des autres traditions chrétiennes selon lesquelles les épisodes et événements racontés dans l’Ancien Testament sont annonciateurs du déroulement de la vie incarnée du Verbe. Ces dimanches et fêtes de l’Avent qui récapitulent le cheminement de l’humanité dans les Alliances de Salut, à travers le cheminement du peuple d’Israël, tracent aussi les contours de la vie et du Ministère du Christ dans Son œuvre de Salut.

Premier dimanche (Jean I, 35-51) : Appel des premiers disciples

LE BAPTEME DU CHRIST

Cet évangile du premier Dimanche de l’Avent est une référence au baptême du Christ. Les versets qui sont lus n’y font pas allusion. Le baptême du Christ dans les eaux du Jourdain a cependant eu lieu la veille. Et l’épisode qui est transmis ici est celui du témoignage de Jean qui exhorte ses propres disciples à devenir disciples du Christ.

Hier la voix du Père déchirait le ciel et se faisait entendre, désignant Jésus comme étant Son Fils. Aujourd’hui Jean-Baptiste rend son témoignage envers le Christ. Hier le ciel annonçait, aujourd’hui la terre témoigne. C’est de cette manière que l’Eglise des Gaules a choisi de transmettre la manière de l’action de Dieu sur le monde. Le saint évêque Jean de Saint-Denis nomme cela la dyade unitive : Dieu s’abaisse, descend ou condescend vers sa créature, et sa création s’élève vers Lui.

Pour Noé la pluie qui vient du ciel tombe sur la terre, et l’arche élève les créatures, pour Christ, le Verbe venu du sein du Père s’incarne et s’abaisse à une vie d’homme humilié et s’élève, à l’Ascension, jusqu’au trône de Gloire céleste. Il n’y a pas d’élévation possible pour l’homme sans appel du ciel, pas de chemin d’élévation humaine sans condescendance divine, et en même temps tout appel de Dieu attend une réponse, et sans cette réponse, sans la collaboration de la créature, le plan divin ne s’accomplit pas dans la plénitude.

Dieu a fait de nous des prêtres dont le rôle est de collaborer, avec Dieu, à l’union du ciel et de la terre à travers les mouvements de cette dyade unitive, en répondant, entre autres choses, à chaque louange chantée par les choeurs angéliques, par une louange humaine. A Noël, notre tradition gallo-franque témoigne à sa manière de ce mouvement de condescendance-élévation qui a pour but et pour sens l’union du ciel et de la terre, où chaque parole venue des cieux, attend une réponse venue de la terre, et nous allons lire l’évangile des anges et des bergers aussi bien que l’évangile de l’étoile et des mages.

Les anges du ciel descendent annoncer la naissance du Christ, les bergers vont élever leurs voix pour lui rendre hommage par des actions de grâce et le ciel et la terre sont unies en un seul chœur de louanges. Un signe brille dans le ciel annonçant la venue glorieuse du Verbe et les mages vont témoigner avec révérence de Sa Grandeur.

La lecture de l’évangile du premier dimanche de l’Avent montre du doigt ce mouvement et appuie fortement, non pas sur le baptême même du Christ au cours duquel le Père rend témoignage à son Fils, mais sur la réponse immédiate de l’Eglise qui, à travers Jean, va témoigner à son tour, répondant à Dieu, unissant le ciel et la terre dans cette affirmation de la présence du Sauveur.

En plus de l’éducation du cosmos au mouvement vertical de condescendance-élévation en vue de l’union librement consentie de la créature à Son créateur, Dieu sacralise sa Création la préparant à la réception de Sa nature divine et dans le but de rendre ainsi la nature cosmique divinisée compatible à Sa nature proprement divine, en un mouvement d’élection-exception : la dyade élective.

On retrouve ce mouvement d’élection-exception dès le chapitre 2 de la Genèse. L’Eden est le lieu choisi par Dieu, pour que Sa créature élue cultive un jardin dans l’exception (interdiction de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal).

C’est en ce jardin même que l’homme dédaignant les créatures que Dieu place devant lui va choisir et faire l’élection de sa femme pour laquelle il quittera (exception) sont père et sa mère. Par l’exception posée sur l’objet ou le sujet élu l’homme le sacralise. Et en le sacralisant il lui accorde une vertu qui dépasse sa fonction initiale ainsi que sa nature.

Et bien après même que le Père eut fait entendre l’élection du Christ portée par sa voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir » (Marc I, 11) la question est de savoir si l’humanité va obéir, et répondre à cette élection en en faisant une exception dans sa vie sacrée. Jean témoigne, et deux des disciples de Jean quittent leur maître pour s’attacher au Christ et l’appeler Rabbi, ils quittent Jean-Baptiste, celui qui les a engendrés par le baptême de l’eau, dans la vie à venir, pour suivre l’époux. Ainsi l’exception répond à l’élection, la terre répond au ciel, la créature au créateur et l’homme à Dieu. L’humanité sacralise Celui qui est sacré par Dieu.

Dans cet évangile, les deux mouvements de la création divine se croisent comme ils se croisent dans les chapitres 1 et 2 de la Genèse. Peut-on envisager un évangile autre que celui-ci pour définir l’Avent comme le principe d’une œuvre nouvelle et pourtant identique à la première, le renouvellement de la création par le Créateur ?

En Eden Adam et Eve ont désobéi à Dieu et s’est désunie d’avec Lui, au bord du Jourdain, une humanité a obéi à Jean inspiré par l’Esprit de Dieu, s’est unie au Christ sans défection jusqu’à la fin. C’est un nouveau temps en effet dans lequel nous fait pénétrer le mystère de l’Avent et la tradition de l’Eglise des Gaules en témoigne de manière lumineuse dans le choix, l’élection opportune, de cet évangile.

Deuxième dimanche (Matthieu III, 1-12) : Le témoignage de Jean

TENTATION AU DESERT

Jean arrivant dans le désert et prêchant le repentir, préparant les chemins du Seigneur, prévenant de ne pas tenter le Seigneur de faire des pierres de ce désert autre chose que ce qu’elles sont, en l’occurrence, des enfants d’Abraham, préfigure le Christ se retirant au désert. Tout de suite après son baptême le Seigneur Jésus-Christ y est conduit pour y être tenté, tenté de faire des pierres du désert des pains, entre autres.

De sa victoire sur la tentation dans sa chair humaine dépend sa victoire sur la mort qui demeure le but de l’incarnation du Verbe en Christ, afin de sauver le genre humain. Aussi est-ce un des événements incontournables de la vie du Christ. C’est pourquoi, récapitulant son ministère selon le plan du Salut, l’église ne pouvait pas ne pas célébrer cette victoire du Seigneur Jésus-Christ qui offre à l’église le modèle du jeûne de 40 jours avant sa victoire sur la mort par Sa Résurrection.

Mais là encore, notre tradition gauloise préférera un évangile témoignant de la participation de l’humanité à la vie du Christ. Et propose l’œuvre de Jean ascétique de Jean qui ébauche la victoire du Christ dans l’ascèse. L’Eglise des Gaules semble vouloir offrir à l’humanité l’image de son ouvrage au sein de l’œuvre divine, invitant ainsi, exhortant peut-être, encourageant dans tous les cas, les fidèles à se donner dans leur humble mesure à l’œuvre Divine. Chaque collaboration, si modeste, si simple soit-elle contribuant à l’érection d’un édifice de salut.

La fête de l’Entrée de la Vierge au Temple

NOCES DE CANA

La fête de l’Entrée de la Vierge au Temple annonce dans la vie du Seigneur Jésus-Christ, les noces de Cana. De même que la Sainte Mère de Dieu va s’avancer en dansant vers le Sanctuaire, et changer le chagrin et la pénitence d’Anne et Joachim en joie dansante, reproduisant la danse heureuse des Trois Personnes divines au sein de la Très Sainte Trinité qu’elle contemple assurément, de même Notre Seigneur va changer l’eau des ablutions en un vin d’une douceur exquise.

De même que la Toute Sainte Marie va d’un pas dansant donner à l’humanité une image de sa vie à venir dans l’ivresse de l’Esprit Saint, de même le Christ, Notre Seigneur, nous donne un avant-goût du vin enivrant qu’il donne à boire au banquet éternel qu’Il sert dans Son Royaume. Ici encore la tradition gallo-franque effleure le sujet de l’action du Christ à travers le témoignage des actions similaires de la part du genre humain, ici Marie, Notre Sainte Mère du genre humain nouveau.

Troisième dimanche (Matthieu XXIV, 42-51) : La venue du Fils de l’homme

TEMPS DES PARABOLES : LE MINISTERE

Après les noces de Cana le Seigneur Jésus-Christ va aller enseigner les foules c’est par des paraboles qu’Il va délivrer son enseignement qui nourrit encore aujourd’hui, et de manière tellement mystérieuse toutes les églises chrétiennes. Et même si ces deux paraboles, celle du Maître et celle du serviteur, annoncent au cœur de l’Avent, au cœur de l’attente de sa première venue parmi les hommes, sa seconde venue et le Second avènement, le fait même de choisir des paraboles en ce dimanche manifeste aussi le mode d’enseignement du Rabbi et l’ensemble de son œuvre magistrale.

Quatrième dimanche (Matthieu XI, 2-15) : Le Messager de l’Avent

LE TEMPS DE LA PASSION

Nous avons déjà rencontré cette image de Jean qui reflète les épreuves de la vie du Christ. Jean au désert figurait la tentation de Jésus au désert. Jean en prison avant d’être exécuté exprime par avance l’arrestation et la Passion de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, car Jean ne faillira pas et précédera son cousin en toutes choses. Avant que Jésus naisse naquit Jean. Avant que Jésus fût suivi et écouté par les foules, Jean qui était suivi et entendu. Avant que les disciples du Christ ne baptisent, c’est Jean qui baptisait. Et Jean en prison figure et préfigure l’arrestation et la Passion du Christ.

La fête de la Conception de la bienheureuse vierge Marie, Mère de Dieu,

LE TOMBEAU

Dans la grotte, dans le tombeau, dans le sein virginal, Tu T’es reposé, ô Créateur du ciel et de la terre, condescends à Te reposer en nous, ô Sauveur de l’homme. C’est par ces paroles que le diacre consacre les offrandes du peuple en pain propre à devenir le Corps du Christ dans la descente de l’Esprit-Saint pendant la Sainte Epiclèse. Aussi de la conception de Marie, la conception de celle qui servira de grotte à l’Inaccessible aux jours de la préparation de sa venue, émerge naturellement l’image du tombeau, creusé dans le rocher. C’est en quoi la conception de la naissance de la Très Sainte Marie Mère de Dieu et toujours Vierge fait allusion à la conception de la naissance de l’homme dans la mort, par la résurrection.

Cinquième dimanche (Jean I, 19-28) : La voix dans le désert

TEMOIGNAGES CONFUS DE LA RESURRECTION ET ANNONCE DE LA VENUE DE LA PROMESSE.

Cette recherche obstinée de l’identité de Jean par les lévites et les pharisiens, cette quête fervente de réponse à son sujet par les prêtres et la noblesse du Temple, autant dire par l’église institutionnelle de l’époque, nous la trouvons au sujet de Jésus-Christ de la part de ceux qui vont instaurer l’église et se retrouver eux aussi à sa tête après Son Ascension. Ce témoignage nous est rapporté dans l’évangile de Luc et connu sous le nom des compagnons d’Emmaüs.

La mort et le tombeau vide du Christ ont suscité un grand nombre de questionnements, d’inquiétudes, d’appréhensions au milieu de ses proches. Tout comme les discours de Jean troublent ses contemporains dans son approche des prophéties, les disciples et apôtres fébriles sont éprouvés dans leur foi et dans leur compréhension de l’enseignement du Maître.

Et le Seigneur ressuscité des morts va apparaître, mettant fin à toutes élucubrations et vaines discussions, et de même que Jean annonce à l’église de son temps la venue du Messie promis, la venue de Celui Qui vient derrière lui : Au milieu de vous se tient Celui que vous ne connaissez pas, Lui qui vient après moi (Jean I, 26-27) le Christ ressuscité des morts annonce à l’église du nouveau temps la venue de Celui qui sera présent dans le monde après Lui, le Saint-Esprit Qui procède du Père : Et voici que j’envoie sur vous ce que mon Père a promis. (Luc XXIV, 49)

Sixième dimanche (Luc I, 26-38) : L’Annonciation

LA PENTECÔTE.

Le verset 35 de cet évangile suffit à faire naître l’image de la Pentecôte dans les yeux de chaque auditeur : L’Esprit Saint descendra sur toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre, c’est pourquoi le saint qui va naître sera appelé Fils de Dieu. Et en effet l’Esprit-Saint s’est répandu sur le monde et a enfanté un grand nombre de Saints du sein de l’Eglise et engendrés par la grâce divine, enfants de Dieu à l’image du Christ et à la ressemblance du Père.

Le baptême du Christ, la victoire sur le Malin par le désert, les noces de Cana et l’annonce de la Grâce par delà la Loi, l’enseignement du Maître, la Passion, la mise au tombeau, la dissipation de toute ambiguïté et de toute méprises dans l’enseignement après l’épreuve de la foi vécue par les compagnons d’Emmaüs, l’annonce de l’Esprit-Saint, et Sa réception avec l’Annonciation, voici comment nos ancêtres dans la foi, les Gaulois, résumaient la manifestation et l’accomplissement du Plan de Salut de Notre Dieu à travers ces 6 dimanches de l’Avent.

CONCLUSION

Pour conclure j’aimerais poser un regard particulier sur la fête de l’Annonciation pour en expliquer la place dans ce calendrier de l’Avent et souligner le caractère authentique de cette place au sein de la pensée gallo-franque.

Il est vrai que le déplacement de cette fête du 25 mars et son replacement au dernier dimanche de l’Avent peut sembler un manquement à l’universalité des églises chrétiennes, qui préfèrent fêter l’Annonciation neuf mois avant Noël , marquant ainsi le caractère humain de la naissance du Christ.
Il reste à découvrir, et il est à espérer que ce document y contribuera, l’authenticité de la manière de penser d’un peuple.

Or, dans une structure tissée de lignes qui se font écho et s’appellent les unes les autres, structure qui peut sembler certes complexe, la narration gauloise est pourtant à la fois directe et linéaire. Ce qui est frappant dans ce temps de l’Avent ainsi visité, c’est que beaucoup de lignes se croisent, s’entrelacent, s’apostrophent et se répondent, cependant que chaque ligne lie un temps de l’église à un autre de manière très immédiate. Par quels procédés ?

En faisant fi, justement, de l’expression analogique des cycles, libérant le temps. Ce qui a pour conséquence de rapprocher le fidèle de l’événement qu’il fête et de lier les événements entre eux, leur donnant une densité et une profondeur particulières.

Le cycle naturel de neuf mois qui sépare l’Annonciation de la Nativité ne va donc pas s’exprimer au sein de ce peuple de manière analogique, séparant ces deux fêtes de neuf mois, mais de manière très rapprochée au contraire pour en souder le lien.

D’ailleurs, le vrai mystère temporel de l’Annonciation, ce ne sont pas les neuf mois qui la séparent de la Nativité, ces neuf moi n’étant évoqués dans aucun évangile. Le vrai mystère de l’Annonciation selon Luc, réside dans le nombre 6, plutôt que dans le nombre 9 : Elisabeth est enceinte de 6 mois. L’évangéliste Luc le signale au début de son témoignage, et l’Ange conclut son message en le révélant à Marie.

La fête de l’Annonciation ne doit donc pas trouver son mystère étant fêtée 9 mois avant Noël, mais bien 6 mois après la date de la Nativité de Jean : le 24 juin, plaçant l’Annonciations autour du 24 décembre. Le rétablissement de cette date au sein de notre calendrier est plus respectueux des mystères auxquels Dieu, à travers l’expression des Evangiles veut nous faire participer. Nos ancêtres dans la foi l’avaient assurément perçu.

Quant à nous, qu’allons-nous pénétrer comme nouveaux mystères en explorant les voies de leur spiritualité ? Il est fort à parier qu’au-delà d’une part essentielle et oubliée de nous-mêmes ce sont aussi les portes qui conduisent notre peuple au Royaume qui se dessinent. C’est seulement en empruntant le chemin qu’ils ont su nous tracer que nous le découvrirons…

Que Dieu, Notre Dieu, nous bénisse, qu’Il nous bénisse en surabondance.


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