CHRIST est la TÊTE du Corps de l’Eglise,
nous sommes ses membres
Diacre Marc de Bruxelles


Introduction

Notre Seigneur Jésus Christ est un mystère inépuisable. Il est à la fois la Personne la plus dense, la plus réelle, la plus incontournable de toute l’histoire humaine. Mais aussi la plus difficile à saisir dans sa profondeur et son mystère inépuisable.

Nous tentons, lors de ces partages théologiques, de l’évoquer avec nos pauvres mots, et parmi ces mots, les noms que Lui-même d’abord, la Tradition ecclésiale ensuite, lui donne. Car chacun de ses noms nous permet d’approcher un peu de Lui, nous lève un petit coin du voile. Ainsi, rappelons-nous des noms déjà évoqués lors des partages précédents :

JESUS, Dieu sauveur,
CHRIST (Messie) nom trinitaire : qui est oint de l’Esprit Saint par le Père,
GRAND PRETRE qui se sacrifie lui-même offrant sa vie pour nous,
AGNEAU – VICTIME
LE RESSUSCITÉ vainqueur de la mort qui nous donne la Vie
VERBE divin Parole qui sort du Silence (le Père) portée par le Souffle (Esprit)

Il en existe bien d’autres encore : Image du Père, Fils de Dieu et Fils de l’homme, Nouvel Adam, Maître (Rabbi, Enseigneur), et Vérité, Pain de Vie, Pierre angulaire et Pierre de faîte, Roi, Soleil de Justice…

Quand on nomme Notre Seigneur Jésus-Christ par l’un de ses noms, il est bon, il est important, en même temps, de garder présents tous les autres, dans notre intelligence et notre cœur.

C’est la richesse d’un autre nom que je vous voudrais partager avec vous aujourd’hui : Je vous propose de nous approcher d’un autre aspect fondamental de l’œuvre de la 2ème Personne de la Divine Trinité en commençant pas quelques textes de mon apôtre préféré : Saint Paul.

« Dieu l’a donné pour Tête à toute l’Eglise qui est son corps » (Eph. 1/22)
« Il est, Lui, la tête du corps, la tête de l’Eglise » (Col 1/18)
« Ignorez-vous que vos corps sont les membres du Christ ? » (1 Cor 6/15)
« Nous sommes tous un seul corps en Christ, étant membres les uns des autres » (Rom 12)

Si nous écrémons ces citations en y glanant les mots importants, nous garderons les mots : Eglise, Corps, Tête et membres. L’Eglise est le corps du Christ qui en est la Tête et dont nous sommes les membres .

Ce qui frappe d’emblée dans cette approche, c’est l’aspect organique, biologique, physique de cette vision du Christ, de l’Eglise et de nous. Vision bien éloignée des représentations habituelles du Christ et de l’Eglise qui sont, soit désincarnées, abstraites, soit (en ce qui concerne l’Eglise) trop incarnées (c'est-à-dire uniquement centrées sur les aspects humains, historiques, sociologiques, institutionnels de l’Eglise).

L’Eglise est mal aimée. Ce n’est un secret pour personne. Surtout à notre époque !

Mal aimée par ceux du dehors, qui ne voient dans l’Eglise que ses affreux défauts, ses nombreuses faiblesses, ses erreurs historiques et souvent toujours actuelles. L’Eglise est perçue comme une vieille maison antique qui semble tomber en ruine… Après des siècles d’oppression des consciences, d’intolérance et de colonialisme …

Mal aimée aussi de beaucoup de « ceux du dedans », c'est-à-dire nous les chrétiens qui ressentons la lourdeur de l’institution, son côté hiérarchique, pesant, parfois rigide, passéiste…

Ce qui signifie que, lorsqu’on parle de l’Eglise, cela provoque le plus souvent des réactions à fleur de peau, extrêmement superficielles qui passent complètement à côté de la réalité profonde de l’Eglise.
C’est cette réalité intérieure, organique de l’Eglise que je nous invite à redécouvrir aujourd’hui avec les yeux de St Paul et de la Tradition des pères.

Redécouvrir l’Eglise dans sa pureté, dans sa beauté, dans sa profondeur, dans sa jeunesse éternelle ! Fameux programme !

Que l’Esprit Saint nous inspire !

Car il nous est impossible de retrouver la pureté et la profondeur de ce regard sans la lumière de l’Esprit Saint (l’Esprit de vérité), sans la prière et sans l’humilité. L’Esprit Saint, la prière et l’humilité nous dépouillent de nos préjugés, de notre étroitesse, de notre rationalité limitée.

Car comme l’écrit St Jean Cassien :
« Pénétrer jusqu’au cœur et à la moelle des paroles célestes, en contemplant les mystères profonds et cachés avec le regard purifié du cœur, cela, aucune science humaine, ni la culture profane ne l’obtiendra, mais seulement la pureté de l’âme, par l’illumination du saint Esprit » (Conférences XIV – 9)

Et Origène :
« Ce qu’il faut avant tout pour obtenir l’intelligence des choses divines, c’est la prière » (Lettre à Grégoire le Thaumaturge).

Je nous invite donc à aller dans une attitude d’écoute réceptive, et en invoquant l’Esprit Saint, au-delà des apparences visibles et des clichés habituels et faciles, pour retrouver dans l’Eglise, la fiancée bien-aimée de Dieu, sa sainteté et sa vitalité ontologique. A contempler ce Corps, comme un organisme divino-humain qui contient et communique la vie même de Dieu, Ses énergies incréées.

Comme l’écrit Olivier Clément :

« L’Eglise ne relève pas d’abord, ni fondamentalement de la sociologie. L’institution n’est que la trace empirique du mystère. L’Eglise est avant tout puissance de résurrection, sacrement du Ressuscité qui nous communique sa résurrection. Dans sa profondeur, l’Eglise n’est rien d’autre que le monde en voie de transfiguration. » (Sources page 87)

Si je veux résumer l’enseignement d’aujourd’hui en quelques phrases je dirais :
L’Eglise est le lieu et le temps (à la fois dans et hors de l’espace et du temps historiques ) où commence notre déification. Elle est le nouvel Eden le nouveau Paradis, supérieur au premier comme disent les Pères.
L’Eglise a été plantée dans le monde comme un paradis écrit St Irénée (CH V-20)
L’Eglise est l’antichambre des noces de la créature avec Son Créateur.
L’Eglise est Le CORPS et l’épouse du Christ.
Elle est un organisme vivant constitué de membres (nous) reliés à leur tête (le Christ).

Nous pourrions nous arrêter ici si notre intelligence et notre cœur étaient unis. Si nous avions acquis de manière définitive « le troisième œil » dont parle Raymond Pannikar (à la suite de l’école de St Victor).

Cependant, ne nous faisons pas d’illusion : nous sommes des êtres partagés, capables d’illumination et d’éveil, mais aussi très souvent engourdis et lents à comprendre et à incarner les réalités divines dans nos vies concrètes.

La question suivante se pose donc : Comment concilier la perception négative habituelle que l’immense majorité des gens (et parfois nous aussi !) a (ont) de l’Eglise et cette vision profonde, enthousiaste de St Paul et des Pères ?

Je vous propose de répondre à cette question essentielle en 9 étapes, en tentant d’expliciter les différents aspects du Corps qu’est l’Eglise, tout en gardant la conscience que ce mystère de l’Eglise nous dépasse largement, tel un océan dont on ne peut percevoir toute la vie, la profondeur, le mouvement….

1- Première approche : L’Eglise vit d’une Vie divino-humaine

Tout d’abord, comme tout organisme vivant, l’Eglise doit être recevoir une vie qui l’anime, un courant vital qui nourrit ce gigantesque organisme invisible.

Ce flux d’énergie l’irrigue comme un champ, le traverse telle une pulsation continue lui est donnée par deux Personnes divines envoyées par le Père dans le monde :
- le Christ qui s’incarne dans la nature humaine et nous donne Son corps et Son sang,
- l’Esprit Saint qui donne le Souffle au Corps de l’Eglise (et à ses membres), l’inspire et lui (leur) communique les énergies divines incréées.

Le Christ réalise une transfusion sanguine de son Corps à celui de l’Eglise. Le Christ est le cœur de l’Eglise (pas seulement sa Tête). L’Esprit Saint c’est la respiration de l’Eglise, son souffle, ses poumons.

C’est le premier aspect fondamental à retenir : la vie divine (les énergies incréées) circule(nt) dans l’Eglise par le Verbe et l’Esprit.

Par ailleurs, ce grand corps, qui reçoit les énergies divines, est composé de membres, qui eux sont humains (au départ). Ces membres se rattachent à la Tête (le Christ), qui les guide et les nourrit (de Sa Parole, de Son Corps et de son Sang), les unit à Lui et sont mis en mouvement par l’Esprit qui les inspire.

2- Deuxième approche : L’Eglise plonge ses racines dans la Vie trinitaire car le Christ et l’Esprit sont « les deux Mains du Père »

« L’Eglise est incréée de même que Dieu est incréé…L’Eglise est une institution divine et en elle habite tout le plérôme de la Divinité…L’Eglise éternelle est constituée des trois Personnes de la Sainte Trinité… En entrant dans l’Eglise incréée, nous venons au Christ, nous entrons dans l’incréé…les fidèles sont appelés à prendre part aux énergies divines, à entrer dans le mystère de la Divinité…à être en Dieu. » (Père Porphyre)

« L’essence de l’Eglise est la vie divine qui se manifeste dans la vie créée. »
(Serge Boulgakov – Orthodoxie)

Le père Porphyre n’y va pas de main morte ! Il nous ouvre les yeux sur une réalité essentielle : l’Eglise n’appartient pas seulement au monde créé (vision banale et ordinaire qui est celle de tous) mais avant tout au monde incréée, c'est-à-dire à la vie divine de la Trinité.

La première Eglise, c’est la Divine Trinité.

C’est pourquoi l’on dit que l’Eglise est à l’image de la Divine Trinité, une et diverse. C’est le fondement même de l’ecclésiologie orthodoxe. Puisque le Christ et de l’Esprit, envoyés par le Père, fondent et animent l’Eglise de l’intérieur, l’Eglise puise son origine dans la Vie trinitaire.

« La vie du Christ est inséparable de celle de la Sainte Trinité, une et consubstantielle avec le Père et le Saint Esprit. Aussi, comme vie dans le Christ, l’Eglise est-elle vie dans la Trinité. Vivant de la vie en Christ, le Corps du Christ vit de la vie trinitaire…L’Eglise, Corps du Christ, devient participante de cet amour divin trinitaire : « Nous viendrons et nous établirons en lui notre demeure » dit Jésus » (Jean 14/23) (S. Boulgakov)

Nous pouvons donc affirmer que dans l’Eglise se rencontrent et se mêlent deux courants vitaux : la vie divine du Créateur et la vie humaine des créatures. Ce ne sont pas deux courants séparés et parallèles, mais deux rivières qui mêlent leurs eaux, semblables à la confluence de deux fleuves.

« Dans ce peuple de l’Eglise, dans ce monde sacramentel, la divinité et l’humanité se sont entrelacées. » (Métropolite Antoine Bloom page 112)

Cela ne vous rappelle rien ? Si, bien sûr ! Le mystère même de l’Incarnation du Fils de Dieu !
Cette interpénétration de deux vies (incréée et créée), de deux natures (divine et humaine) se réalise d’abord dans la Personne du Christ qui réunit en Lui les deux natures divine et humaine.

Il est essentiel de percevoir que l’Eglise, dans sa réalité profonde, n’est pas une institution, une organisation purement humaine (même si aux yeux extérieurs, elle apparaît comme une organisation parmi d’autres avec toute sa lourdeur, ses limites et ses tares…) mais le lieu de rencontre réelle, profonde, intime de Dieu et de l’homme.

« L’Eglise est le lieu où Dieu et l’homme se rencontrent, où ils vivent conjointement pour former une famille unie sacramentellement…l’Eglise est sur deux plans à égalité une société divine et une société humaine. L’Eglise nous apparaît comme incomparablement plus grande et autrement plus profonde que toute société humaine…Elle se présente à nous comme le sacrement de la rencontre et de l’union du Dieu unique en Trois Personnes avec sa créature…L’Eglise manifeste la présence de la Très Sainte Trinité au milieu de nous et en nous, elle est le lieu où la vivifiante Trinité agit dans ses créatures. » (Métropolite Antoine Bloom- Entretiens sur l’Eglise et la foi – p 96 et 181).


3- Troisième approche : les contradictions de l’Eglise

Vous vous dites peut-être : du calme ! Et si on revenait sur terre ? Foin de ces belles envolées ! Redevenons raisonnables et réalistes.

Il est bien beau de présenter l’Eglise comme la chambre des Noces du Créateur et de ses créatures, mais regardons la réalité en face : si l’Eglise est un organisme divino-humain dans sa profondeur, elle semble hélas, en surface, souvent bien trop humaine ! L’Eglise paraît la plupart du temps n’être constituée que de pécheurs qui s’égarent, cherchent, tombent, et se relèvent (dans le meilleur des cas !). St Ephrem le syrien va jusqu’à écrire qu’elle est « l’assemblée de ceux qui périssent » (voir plus loin - 9- la citation complète).

Je suis d’accord avec cette formule à condition que « celui qui périt » soit le vieil homme (qui cependant à la vie dure!)

Ne faisons pas l’autruche et admettons qu’il existe, à tout le moins, une contradiction, une forte antinomie entre l’Eglise visible et l’Eglise invisible, l’Eglise mystique dont la vie est cachée en Dieu.
Attention toutefois de ne pas forcer cette opposition : il n’y a qu’une seule Eglise à la fois visible et invisible !

Et cette contradiction est source, il faut le reconnaître, de grandes difficultés et de soubresauts, de rejets parfois violents. Car l’Eglise, Corps et Epouse du Christ, Temple de L’Esprit Saint, jeune épousée, apparaît bien souvent sous les traits d’un vieillard ridé et acariâtre, qui semble avoir raté sa vie et dont tout le monde se détourne !

Le corps de l’Eglise est travaillé par toutes sortes de forces contradictoires, de courants contraires comme la houle sur l’océan : ce grand corps se transforme, évolue, souffre, grandit, ou rétrécit, craque de toute part, comme un navire dans la tempête.

Oui, l’Eglise, Corps du Christ est constituée de pécheurs en marche et qui souvent s’égarent...
C’est pourquoi l’Eglise est tant décriée et tant méconnue. On n’en perçoit que des « effets secondaires indésirables ».

Mais, comme dans toute approche antinomique, il est essentiel de ne pas oublie que l’Eglise s’édifie aussi comme un Temple Saint, un Temple spirituel qui se construit avec ses membres qui sont des pierres vivantes comme l’écrit St Pierre (1 Pierre 2 , 5) . Elle est le Temple vivant de L’Esprit saint …qui la travaille de l’intérieur. Ce qui signifie que les pécheurs qui composent l’Eglise, malgré leurs erreurs, leurs égarements, leurs crimes parfois, peuvent aussi être transformés (comme on le voit si bien dans les romans de Dostoïevsky)

« Grâce au don du Saint Esprit, l’Eglise se trouve remplie de la Divinité, notre humanité peu à peu se modifie, va jusqu’à se transformer de fond en comble, tantôt de manière invisible, tantôt de manière tangible. » (Métropolite Antoine Bloom – entretiens sur l’Eglise, page 97)

Et cette transformation a lieu malgré notre faiblesse, et peut-être faudrait-il dire aussi « grâce » à notre faiblesse, quand nous prenons conscience de notre fragilité et appelons l’Esprit Saint :
« O Dieu viens à mon aide, Seigneur hâte-toi de me secourir ! »
Car c’est dans ma faiblesse que je suis fort, c’est pourquoi St Paul se glorifie de sa faiblesse qui permet à Dieu d’agir en lui, à travers lui (2 Co 12- 9).

« Nous formons un corps malade, nous sommes malades de la mortalité, nous sommes malades du péché, nous sommes malades dans nos hésitations…et malgré tout, nous formons un corps capable de faire des miracles, un corps dans lequel, malgré son impuissance…peut se manifester toute la gloire…A travers ce corps malade du péché, toute cette plénitude devient accessible au monde dans lequel nous vivons. Et cela c’est un miracle.

« Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans a faiblesse » (2 Co 12 – 9)…
« Il y a une faiblesse qui relève du péché, mais il y a une autre faiblesse qui est un simple abandon et qui laisse l’énergie agir en soi. » (Antoine Bloom - page 101)

C’est pourquoi, malgré les égarements de l’Eglise (qu’Il semble avoir prévus) le Christ dit que les portes de l’enfer (c'est-à-dire du non amour) ne prévaudront pas contre elle.

Et cela se comprend : comment imaginer que l’Eglise, qui est l’humanité ( la nature humaine) déjà unie de manière définitive au Christ et aux trois Personnes divines, puisse un jour sortir de la communion de la Vie trinitaire dans laquelle elle est entrée de manière définitive par l’Incarnation, la mort et la résurrection du Fils de Dieu ?

Lorsqu’au spectacle, parfois fréquent, des mesquineries, des rivalités, des étroitesses d’esprit, calomnies, ruptures de communion …qui déchirent le corps de l’Eglise depuis ses origines, et la fait apparaître comme une réalité étroite, parfois pénible, nous sentons poindre la révolte et le découragement, n’oublions jamais que l’Eglise dans sa réalité profonde, vit de cette vie trinitaire qui l’irrigue sans cesse, qui diffuse en elle sa chaleur comme la braise du feu divin couvant sous la cendre de notre humanité.

Sans ce feu et ce souffle divin, l’Eglise cesserait d’exister à l’instant même ! Et croyez- moi, ce n’est pas une image, une métaphore, mais la réalité essentielle de l’Eglise qui palpite de la vie divine et ne peut vivre sans être soutenue et nourrie en permanence par les énergies incréées.

Malgré ses erreurs et ses égarements, l’Eglise est et restera toujours sainte car c’est la vie divine, la vie du Christ, la vie de l’Esprit (et du Père) qui vit en elle et communique la sainteté à ses membres :

« Les choses saintes aux saints ! » proclame le prêtre avant la communion.

« Les fidèles sont appelés saints en raison de la chose sainte à laquelle ils participent et de Celui au corps et au sang duquel ils communient. Membres de Son Corps, chair de sa chair et os de ses os, tant que nous lui restons unis et que nous sommes en consonance avec Lui, nous recevons la vie, attirant à nous, par les mystères (sacrements) la sainteté qui découle de cette Tête et de ce cœur ». Nicolas Cabasilas Explication de la Divine Liturgie 36)

4- Quatrième approche : l’unité de l’Eglise fondée sur le Christ.

Nous avons eu l’occasion l’an dernier de contempler (ou plutôt d’effleurer) le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu dans notre nature humaine. L’essentiel à en retenir, pour notre sujet d’aujourd’hui, c’est que le Christ unit, en son Unique Personne, la nature divine et la nature humaine.

Confesser cette réalité inouïe constitue l’enjeu des luttes doctrinales et des conciles des 8 premiers siècles. Pourquoi les Pères se sont-ils tant démenés pour combattre les pensées qui déformaient cette réalité ?

Pour préserver la confession (c'est-à-dire la conscience et la proclamation) de l’union réelle et définitive des natures divines et humaines en Christ, c'est-à-dire de l’humanisation de Dieu (Son Incarnation dans un corps une âme et un esprit humains) et aussi (surtout ), de la déification de la nature humaine.

Pour simplifier (et mieux percevoir et d’exprimer en termes théologiques cette réalité incompréhensible qui dépasse notre entendement), la Tradition nous dit que l’oeuvre du Christ (son Incarnation) se rapporte à notre nature qu’Il renouvelle, restaure, rénove, déifie déjà de manière totale, définitive (quoique cachée aux yeux du monde).

« Dans le mystère du Christ existe cette indissoluble union de la Divinité et de son humanité…, la theosis ou divinisation qui est le dépassement du créé dans son union avec l’incréé…L’union de la nature Divine et de la nature humaine en Christ transmue la nature humaine en une nature immortelle et incorruptible. ». (Met. Antoine Bloom p. 178)

Si nous transposons cette réalité à l’Eglise, à la question qui nous réunit aujourd’hui: « qu’est-ce que l’Eglise ? », nous pouvons répondre : c’est la nature humaine déifiée par le Christ.

Et cette nature humaine purifiée, rénovée, restaurée dans sa vocation divine, et définitivement entrée dans la communion trinitaire, nous en sommes tous porteurs. Les heureux gagnants pourrait-on dire !
Que l’on soit chrétiens ou non, car c’est toute la nature humaine qui est renouvelée, transformée par l’Incarnation. Pas celle des chrétiens (qui n’ont évidemment pas une nature humaine différente de celle des autres hommes). Il n’existe qu’une seule nature humaine.

Et cette nature nous la recevons par le fait même de l’Incarnation et de l’union dans la Personne du Verbe devenu homme de la nature divine et de la nature humaine (et cela concerne toute l’humanité au niveau ontologique et inconscient, c’est objectif).

Prenons l’image d’un vase transparent qui contient de l’eau dans laquelle on verse de l’encre. L’eau devient bleutée car l’encre et l’eau ne peuvent plus être séparées. Il en va de même pour l’union définitive de la nature humaine et de la nature divine.

L’Eglise, nature humaine transformée par le Fils de Dieu est le prolongement de l’Incarnation de Dieu dans notre humanité.

« L’oeuvre accomplie par le Christ se rapporte à notre nature…C’est une nouvelle nature, une créature rénovée qui apparaît dans le monde, un nouveau corps, pur de toute atteinte du péché…C’est l’Eglise, milieu pur et incorruptible où l’on atteint l’unIon avec Dieu….C’est aussi notre nature, incorporée à l’Eglise, Corps du Christ auquel on s’intègre par le baptême.

L’unité du Corps apparaît comme l’homme unique (le Nouvel Adam) dans le Christ…Notre humanité devient consubstantielle à l’humanité déifiée, unie à la Personne du Christ. L’Eglise est le corps nouveau de l’humanité, sa nouvelle nature divino-humaine. »
(Lossky, Théologie mystique de l’Eglise d’orient )


5- Cinquième approche : l’unité profonde de l’Eglise (unité et catholicité)

L’union des membres (nous, les chrétiens) dans ce Corps qu’est l’Eglise est bien plus forte et plus profonde qu’il n’y paraît si on ne voit que les querelles, la petitesse, les divisions…

Des uns et des autres, le Verbe incarné réalise un corps unique dont les membres ne peuvent plus être séparés sur le plan ontologique, de la même manière que les fils d’un tissu ne peuvent plus être arrachés sans déchirer ou effilocher l’étoffe dans laquelle ils sont entrelacés.

« Tous reçoivent de l’Eglise une nature unique, impossible à rompre, une nature qui ne permet plus qu’on tienne compte désormais des multiples et profondes différences qui les affectent…Dans l’Eglise, nul n’est séparé de la communauté. Tous se fondent, pour ainsi dire, les uns dans les autres par la force simple et indivisible de la foi…Le Christ est ainsi tout en tous » (St Maxime le Confesseur – Mystagogie).

« Divisé en personnalités bien tranchées par quoi un tel est Pierre, ou Jean, ou Thomas, ou Matthieu, nous sommes fondus en un seul corps dans le Christ, en nous nourrissant de son Corps vivifiant. » (St Cyrille d’Alexandrie – Sur Jean)

C’est l’accomplissement de la prière sacerdotale du Christ : Qu’ils soient un, Père, comme toi et moi sommes un. C’est unité fondamentale de l’Eglise unie au Christ par toutes ses fibres, lui permet de traverser les tempêtes et les soubresauts de l’histoire sans se perdre ni se briser.

Mais cette unité profonde, ontologique, organique des membres de l’Eglise ne peut rester cachée. Elle est appelée à se manifester de manière concrète par une entraide fraternelle, un partage des joies et des peines…

« Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez le commandement du Christ » écrit St Paul.

« Faire notre entrée dans l’Eglise c’est nous unir avec nos frères humains, avec les joies et les chagrins de tous ; de les sentir tous comme des proches, de prier pour tous, de nous mettre en peine de leur salut, de nous oublier nous-mêmes. Dans l’Eglise, nous devenons un avec tout être malheureux, toute âme en peine, tout pécheur…Quand nous nous mettons à part des autres, nous ne sommes pas chrétiens. C’est quand nous ressentons profondément que nous sommes membres du Corps mystique du Christ, dans une relation d’amour continuelle que nous sommes vraiment chrétiens » écrit le Père Porphyre.

Réalisant ainsi la parole du Christ :
« C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples » (Jean 13 – 35).

Et cette union avec tous nos frères et sœurs est appelée à s’élargir encore à toutes les créatures :

« Le Christ a réuni le corps de l’Eglise avec le ciel et la terre. Avec les anges, avec les hommes et avec toutes les créatures, avec toute la création de Dieu, avec les animaux, avec les oiseaux, avec chacune des petites fleurs sauvages, avec chacun des petits insectes… » (Père Porphyre)

« Qu’est ce qu’un cœur charitable ? demande Isaac le syrien : « c’est un cœur qui s’enflamme de charité pour la création tout entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toutes les créatures à leur souvenir et à leur vue, il verse des larmes abondantes… »

Il est essentiel que percevoir que l’Eglise, Corps du Christ, a une dimension cosmique par nature.
On ne peut imaginer qu’une Personne divine soit réellement entrée et ait réellement vécu dans la matière, dans notre corps, sans que toute la matière cosmique n’en soit transformée.

« Il n’y a pas un brin d’herbe qui ne pousse dans l’Eglise, pas une constellation qui ne gravite en elle. Toute quête de vérité, de justice de beauté se fait en elle (même si les prophètes et les grands créateurs de vie ont parfois été persécutés par l’institution ecclésiastique), chaque parcelle de méditation, de sagesse, de célébration est recueilli par elle (même si la chrétienté, à certains moments, s’est constituée en société sacrale qui ignorait ou combattait les autres » (Olivier Clément – Sources- page 88)

Il ne s’agit nullement de magnifier sottement une institution humaine et d’avoir des visées impérialistes ! Encore moins d’entrer dans des rivalités ou des comparaisons avec d’autres traditions en vue de les discréditer ou de les dominer ! Mais « simplement » de percevoir que l’Eglise, ancrée dans la vie divine, nourrie du Corps et du Sang du Christ, est « catholique » au sens premier du terme (kat’ olon – « selon le tout ») c'est-à-dire porteuse d’une plénitude qui dépasse de très loin ses aspects visibles et simplement humains. Enceinte de l’univers en voie de transfiguration, ses énergies (incréées) rayonnent sur tout le cosmos et le travaille de l’intérieur.

6- Sixième approche : Nous séparer du Christ c’est mourir.

Nous retrancher de la source de vie c’est nous condamner à dépérir.
.
Si l’Eglise visible (car l’invisible demeure et ne peut disparaître puisqu’elle est ancrée en la Vie trinitaire), s’éloigne du Christ (de la foi en sa divinité, en sa résurrection, de ses sacrements…) elle ne peut trouver la vie en elle-même, elle perd sa raison d’être son sens, son Logos, elle perd le Souffle et la circulation sanguine… et tel un corps que ses forces abandonnent, elle serait vouée à la disparition

Si l’Eglise devenait seulement humaine (une institution, une organisation parmi d’autres avec ses rites, ses coutumes, sa hiérarchie, ses bâtiments…) elle ne serait plus Eglise, c'est-à-dire « l’assemblée de ceux qui sont appelés », le Corps du Christ mais une « peau de chagrin » (et quel chagrin !) .

« Pas plus que le corps ne peut vivre sans la tête, de même l’Eglise ne peut être pour Dieu un corps bien constitué sans la tête qu’est le Christ, Dieu Lui-même. Elle ne peut vivre de la vie incorruptible, si elle n’est pas nourrie par Lui chaque jour. » (St Syméon le Nv théologien - Ethique)

« Ne nous attachons pas seulement au Christ, accrochons-nous à Lui…Le moindre intervalle nous ferait mourir. Que rien ne s’intercale entre le Christ en nous. S’il venait la moindre séparation, nous péririons à l’instant. Peut-il y avoir un espace vide entre la tête et le corps ? Qui se sépare, même très peu, verra la brèche grandir et sera séparé… Est-ce qu’une branche, coupée de la racine, même délicatement, ne se dessèche pas ? Ce peu de chose, vous le voyez, n’est pas peu, c’est presque tout ! » (St Jean Chrysostome - Homélie 8)

Ici, nous retrouvons cet autre beau nom traditionnel du Christ : la Vigne dont nous sommes les sarments. Les sarments que nous sommes sont greffés sur le pied de vigne dont ils reçoivent la sève. S’ils sont détachés (et pas seulement émondés, taillés, ce qui représente le combat spirituel qui porte du fruit), ils meurent.

« (Le membre coupé du corps) est semblable aux sarments coupés de la Vigne…
Les sarments gisent là où ils sont tombés …La Vigne pleure partout ceux qui sont coupés. Elle dit à tous de revenir et de se rattacher à elle.
» (St Augustin – Contre les donatistes)

7- Septième approche : Le Christ et l’Esprit nourrissent l’Eglise par les sacrements.

Les sacrements nous sont donnés par Dieu comme une nourriture, des artères qui transfèrent en nous les énergies divines. En particulier, le baptême qui nous greffe au Christ mort et ressuscité et de l’eucharistie, qui nous communique sa Vie même par le don de Son corps et de Son sang.

Le baptême nous unit, nous incorpore au Fils de Dieu mort et ressuscité. Comme une petite plante greffée sur une autre, plus grande et plus vigoureuse, qui lui donne sa sève, le chrétien greffé sur le Christ accueille en ses membres une vie nouvelle, qui n’est plus seulement humaine mais divino-humaine.

Il s’agit d’une nouvelle naissance en Christ. Le vieil homme meurt et l’homme nouveau apparaît qui reçoit la nature divino-humaine du Fils de Dieu. Le baptême est le sacrement qui réalise la parole du Christ à Nicodème : « Nul ne peut entrer dans le Royaume s’il ne naît de l’eau et de l’Esprit » (Jean 3,5).

« Sortant de l’eau, nous portons le Sauveur Lui-même sur nos âmes, sur notre tête, sur nos yeux, dans nos entrailles mêmes, sur tous nos membres. Nous sommes réellement devenus membres du Christ par l’œuvre du baptême. L’eau baptismale détruit une vie et en produit une autre. Elle noie le vieil homme et fait émerger l’homme nouveau…Le baptême en effet est une naissance. C’est le Christ qui nous engendre et c’est sa propre vie qui nous est donnée. » (Nicolas Cabasilas – La vie en Christ)

L’eucharistie nous nourrit de Son Corps et de Son sang, réalisant dans l’Eglise deux paroles essentielles du Christ :

« Je suis le pain de vie qui descend du ciel. celui qui mangera ce pain vivra pour l’éternité et ce pain que je donnerai, c’est ma chair pour le salut du monde. » (Jean 6)
et
« Faites ceci en mémoire de moi » (paroles de l’Institution)

La communion à Son Corps et à Son corps nous unit de manière étroite à Son Corps divino-humain et nous rend consanguins à Lui. Jésus est devenu notre frère de sang ! Le Sang de Dieu incarné coule dans nos veines, se diffuse dans tous nos membres, notre âme et notre esprit.

Avons-nous conscience de cette réalité folle, incompréhensible ?

Cette transfusion sanguine nous unit étroitement au Christ, Grand Prêtre de son sacrifice pour le salut du monde et Agneau, victime innocence qui donne sa Vie pour nous. Nous sommes invités chaque dimanche à un banquet de noces, « car les Noces de l’agneau sont venues et l’Eglise son épouse s’est revêtue de lin, fin éclatant et pur », dit le diacre lors de la préparation des Saints dons.

Il n’est pas facile pour un être rationnel (ou plutôt rationaliste) d’admettre le réalisme des sacrements et, parmi eux, de l’eucharistie qui, au mieux paraît un rite purement symbolique, au pire, une superstition qui évoquerait une réminiscence du cannibalisme rituel. La Tradition nous enseigne pourtant que par le sacrement c’est l’énergie divine (incréée) qui traverse une humble matière (le pain, le vin, l’huile, l’eau…) et se communique réellement à ceux qui le reçoivent.

Le sacrement n’est pas un symbole mais il opère, il agit, il communique réellement la Présence de Dieu par les énergies incréées qui imprègnent la matière et passent en nous, dans notre être tout entier, corps, âme, esprit. Il transforme notre être en le greffant au Christ :

« Le Corps (humain du Christ) élevé par Dieu à l’immortalité, une fois introduit dans le nôtre, le change et le transforme tout entier en sa propre substance » (Grégoire de Nysse – Grande catéchèse 37)

« Apprenons la merveille de ce sacrement, le but de son institution, les effets qu’il produit.
Nous devenons un seul corps, selon l’Ecriture, membres de Sa chair et os de ses os.
C’est ce qu’opère la nourriture qu’Il nous donne Il se mêle à nous afin que nous devenions tous une seule réalité, comme un corps joint à sa tête
».
(Jean Chrysostome – Homélie sur St Jean)

« Le Ressuscité se donne pleinement à nous dans l’eucharistie, qui est ainsi une nourriture de résurrection.» (Olivier Clément – Sources p 97)

Si l’Eucharistie nous unit étroitement au Christ qui entre en nous, elle nous unit aussi entre nous, puisque nous recevons tous la même énergie incréée et la même nature divino-humaine du Christ ressuscité. Nous sommes soudés comme les pierres d’un mur par cette matière sacramentelle qui agit comme un aimant, un liant puissant qui crée entre nous un lien impossible à défaire.

« Si le sacrement est une union au Christ et en même temps une union les uns avec les autres, il nous procure l’unité avec ceux qui le reçoivent comme nous. »
(St Jean Damascène de la foi orthodoxe IV)

« Quand le Seigneur appelle Son corps le pain, fait de la réunion d’un grand nombre de grains, il montre l’unité de notre peuple (l’Eglise) Et quand il appelle Son sang le vin exprimé d’un grand nombre de grappes et de grain et formant pourtant une liqueur unique, il montre que notre troupeau est fait d’une multitude ramenée à l’unité. » (St Cyprien de Carthage – lettre 69)

Mais l’eucharistie (comme l’Eglise) a aussi une dimension cosmique car elle transfigure secrètement le monde.
Pour l’appréhender ce mystère, nous devons à nouveau nous départir de la perception du corps, étroite, matérialiste, rationaliste, qui divise, dissèque, sépare… comme nous le suggère ce beau texte d’Olivier Clément :

« Le corps eucharistique est celui du Jésus historique aussi bien que du Christ ressuscité. C’est le corps de l’enfant dans la crèche, le corps souffrant passion sur la croix – car le corps est rompu, le pain répandu - , le corps ressuscité et glorifié. Et quand on dit « corps », il faut entendre l’entière humanité. Depuis la Résurrection et l’Ascension, cette humanité de Dieu englobe le monde et le transfigure secrètement…. Le corps historique de Jésus, tout en se laissant contenir, par folie d’amour, dans un point de l’espace, dans un bref moment du temps, contenait en réalité l’espace et le temps car il n’était pas le corps d’un individu déchu qui brise la nature humaine pour se l’approprier, mais le corps d’une Personne divine qui assumait cette nature et tout l’univers pour les offrir. » (O. Clément Sources p. 98)

« Le Christ S’est élancé des abîmes dans une lumière éclatante et, laissant ici ses rayons, Il est monté jusqu’au trône céleste. Or c’est ce corps qu’Il nous donne à tenir et à manger » (St Jean Chrysostome - homélie sur la 1er lettre aux Corinthiens)

8- Huitième approche : la croissance du Corps du Christ

Comme tout organisme vivant l’Eglise grandit, se développe, avance, se transforme même si, en apparence elle réunit moins de fidèles et n’a plus le vent en poupe à notre époque qui se déchristianise (du moins en Europe occidentale).

A nouveau, il faut se départir d’une vision extérieure (sociologique, psychologique statistique…) de ces réalités mystérieuses qui nous dépassent infiniment, tel le mystère de l’Eglise.

L’Eglise, quel que soit le nombre visible de fidèles, est en devenir et en croissance. Elle est enceinte de tous ceux qui s’éveillent dans le Christ et l’Esprit Saint.

« L’Eglise est en croissance comme une femme enceinte et en travail jusqu’à ce que le Christ ait pris forme en nous, afin que chacun de ses saints, par sa participation au Christ devienne le Christ » (Méthode d’Olympe)

Les limites de l’Eglise ne nous sont pas connues car elle englobe non seulement les vivants, mais les défunts. Non seulement les hommes, mais les anges. Non seulement le créé, mais l’Incréé.

« La génération présente ne compose qu’une page du Livre de Vie…dans l’Eglise, il n’y a pas de distinction entre les vivants et les morts, car, en Dieu, tous sont vivants. Dieu est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants (Mat. 22-23)
Et ceux qui ne sont pas nés, qui sont à naître, vivent déjà dans l’éternité de Dieu…Et le choeur des anges aussi entre dans l’Eglise..Le Fils de Dieu a réuni ce qui est de la terre et ce qui est du ciel. Ila levé la barrière entre le monde angélique et celui des hommes.
»
(Serge Boulgakov – Orthodoxie p 12-13)

« En haut les armées des anges rendent gloire. Ici-bas dans l’église, les hommes groupés en choeur reprennent la même doxologie…La fête des habitants du ciel s’unit à celle des habitants de la terre : une seule action de grâce, un seul élan, un seul choeur de joie ! » (St Jean Chrysostome - Sur Osias hom. 4)

On pourrait ajouter : « une seule Eglise unissant le ciel et la terre », comme le jour de la Nativité lorsque le choeur des anges se mêlent à celui des bergers, comme dans notre liturgie terrestre qui unit ses chants à celui des anges qui célèbrent la liturgie céleste.

L’Eglise dans sa plénitude est la Jérusalem céleste. Elle est le Royaume de Dieu. Elle doit croître encore afin de contenir tous les justes, tous les saints, tous les pécheurs aussi qui, comme le larron en croix, se sont jetés dans les bras du Christ.

« Les chrétiens, c’est non seulement nous qui sommes ici, tous les chrétiens répandus par toute par toute la terre, mais encore tous ceux qui, depuis le juste Abel ont existé et existeront jusqu’à la fin du monde, tant que les hommes engendreront et seront engendrés… » (St Augustin – Sermon 341)

« Lorsque tous ceux-là seront enfin réunis dans le corps unique, celui du Christ, alors le monde d’en haut, la Jérusalem céleste elle même qui est l’Eglise, aura atteint sa plénitude…Le corps de la reine, de l’Eglise de Dieu, qui est aussi celui du Christ Dieu sera complet » (St Syméon le Nv théologien – Ethique 1)

9- Neuvième approche : la communion des saints

Cette extension du Corps du Christ au-delà de l’espace et du temps nous amène à une autre réalité essentielle de l’Eglise dans sa plénitude : la communion des saints. Les membres du Corps du Christ sont appelés saints parce qu’ils reçoivent les Saints dons du corps et de son Sang, et aussi la grâce, les énergies divines que répand en eux l’Esprit saint.
Ils sont saints par participation à la sainteté de Dieu.

« Les membres de Son Corps sont constitués par tous les saints…Le Corps de l’Eglise du Christ est le résultat harmonieux de la réunion des saints depuis l’origine des temps » (St Syméon le Nv théologien – Ethique 1/ et 1/8)

« Vous êtes devenus concitoyens des saints et de la maison de Dieu » (St Paul - Eph. 2/18)

Bien sûr, nous sommes aussi pécheurs et nous retombons sans cesse, mais nous ne devons pas avoir le nez collé à notre petitesse, ni nous y complaire. Nous ne devons pas oublier que la sainteté du Christ et de L’Esprit Saint habite en nous, que nous sommes devenus des temples, c'est-à-dire des lieux où Dieu peut être célébré, dans notre corps, notre âme et notre esprit.

« Le mystère de l’Eglise est d’être à la fois l’Eglise des pénitents et de ceux qui périssent (comme le dit St Ephrem le syrien) et la communion des saints, la communion des pécheurs aux « choses saintes », leur participation déifiante au « Seul Saint »

« L’état de péché personnel ne peut séparer le pécheur de l’Eglise et de sa sainteté. Ce qui est d’une importance décisive, ce n’est pas de s’être libéré du péché, mais de suivre la voie qui conduit à cette libération…Par là même, le pécheur qui vit la vie de l’Eglise est saint. Bien plus, l’Eglise ne connaît pas d’autre saint » »
(Paul Evdokimov -) Orthodoxie p 144)

Le Saint n’est pas un surhomme (ou une « sur-femme » !) mais un pécheur qui le reconnaît et qui ne se décourage pas, qui ne se désespère pas, qui se jette dans les bras de Dieu avec des larmes de repentir et de gratitude, qui s’ouvre humblement à la grâce.

 


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