ÉCOLE DE THÉOLOGIE SAINT HILAIRE DE POITIERS

Mémoire de fin d’études présenté par

Émile Meunier

Sous la direction de Monseigneur Grégoire

 

Grégoire Palamas 

Hérault de la grâce déifiante

« … Pour que nous entrions dans la communion divine (2P4) »

« Ta naissance O Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de ta connaissance… »

(Rite des Gaules - Antienne du cantique de notre Dame - vêpres de l’épiphanie-)

Introduction :

« Je dois avoir le courage de vous dire tout ce que je pense, je crains que vous n’ayez minimisé votre Christ en insistant sur le caractère unique des affirmations de Jésus, cette absolutisation des conditions dans lesquelles il s’est manifesté ajouté au manque d’intériorité réelle qui a affecté la majorité des chrétiens, constitue pour nous la principale pierre d’achoppement. Lorsque vous aurez découvert le Christ intérieur à la lumière de l’Esprit qui est en lui, alors c’est avec joie que nous viendrons vous faire part de notre expérience de l’intériorité de Dieu »    (lettre de Sivendra Prakash au pasteur Murray Rogers)

Grégoire Palamas est un père de l’Église de l’Orient byzantin de la première moitié du XIVe siècle qui a synthétisé et formulé théologiquement le fruit d’une longue tradition et expérience spirituelle remontant aux pères du désert dénommé hésychasme. Il a voulu éclairer la grande affirmation chrétienne que dans son Agapè infinie le Dieu trine se communique, faisant participer à sa vie sans pour autant cesser d’être en son essence même radicalement incommunicable (dans son « être profond »). Face à un humanisme rationnel « agnostique » naissant il va développer la question de la possibilité et les moyens d’appréhender Dieu… il va affirmer l’impossibilité pour la raison de définir et d’appréhender Dieu demeurant le TOUT AUTRE (le Saint) et en même temps paradoxalement il fonde la possibilité d’une communion de l’homme à Dieu en raison de sa grâce. Sa réflexion théologique s’enracine dans sa méditation de l’Ecriture et du mystère de l’incarnation de Dieu en Jésus Christ et du don de l’Esprit.

PREMIÈRE PARTIE

Eléments constitutifs de la spiritualité orthodoxe : héritage de Grégoire Palamas

 

1 L’hésychasme :

Le cœur du message est : le royaume de Dieu est en nous trésor caché dans le champ du cœur. Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. L’Esprit donateur de vie ouvre à chacun la voie de la déification. L’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous sommes de la race de Dieu, l’homme est apparenté à Dieu.

 Cette tradition spirituelle qui prend racine chez les pères du désert a eu ses foyers de vie dans les monastères du Sinaï à partir du VIe siècle, et du mont Athos, surtout au XIVe siècle, puis en Russie… Depuis la fin du XIXe siècle, elle s’est répandue en dehors des monastères grâce à un ouvrage, la philocalie [1] , publiée en1782 par un moine grec Nicodème l’hagiorite et éditée en russe par Païsi Vélichkovsky. Un autre ouvrage plus récent l’a popularisée, les récits d’un pèlerin russe fin XIXe siècle. 

La philocalie ne s’arrête jamais aux observances, aux pratiques de l’homme extérieur, mais insiste sur le réveil de l’homme intérieur. L’humanisme total et vrai c’est seulement lorsque l’homme est transfiguré par l’Esprit. Comment acquérir ce royaume ? Par la prière du cœur, en invoquant le nom du Seigneur (Jésus sauveur), à chaque souffle. Prier, respirer Dieu. Se confier en son Fils l’appeler sans cesse puisqu’aussi bien hors de lui on ne peut rien.

Que cherche cette prière sinon à actualiser la grâce baptismale et la communion eucharistique nous greffer au corps ressuscité de Jésus. Selon l’expression de Paul, le baptême nous a dépouillés du vieil homme pour nous revêtir de l’homme nouveau créé dans la sainteté. Au fond de son être, l’homme a retrouvé la condition paradisiaque et il est réconcilié avec Dieu, avec lui-même et avec ses frères. Elle ouvre à la communion, à la louange et à la joie. Le chrétien unit intérieurement et à tout être. Cette unification produit la paix ; l’hésychia.

 L’appel du désert pour retrouver l’hésychia

Le monachisme athonite de Grégoire Palamas s’enracine dans la spiritualité des pères du désert vivant dans la solitude le dépouillement, la prière perpétuelle… Nous pouvons décrire ces lignes de force à travers cet appel d’Arsène, un des grands Pères du désert  [2] :

Arsène (quatrième siècle) étant encore au palais, demande au Seigneur de le conduire sur la voie du salut. Il entend une voix lui dire : « Arsène, fuis les hommes et tu seras sauvé ». Et encore : « Arsène, fuis, tais-toi ; fuis, tais-toi et garde le recueillement. »

 

Fuir : retrait, sortir du monde et de ses mondanités, fuir le mal, le monde au sens johannique, fuir le monde des villes, de l’agitation des affaires, des querelles, des plaisirs de l’argent, le monde de la cour impériale…

Fuir ce qui entraîne au péché… C’est-à-dire retrouver le chemin de Dieu (péché= oubli de l’être, passé à côté du but).

La tradition hésychaste va développer le thème de la mémoire du souvenir de Dieu… (Tradition biblique)… Invocation du nom.

Le monachisme du désert est un refus de l’Église établie avec ses privilèges un refus d’identifier le royaume de Dieu avec un empire théocratique… le royaume de Dieu est la Présence même de Dieu et non une entité sociologique ou politique.

 

Tais-toi : Fuir dans le désert (physique et intérieur) pour être à l’écoute.

« Ecoute Israël… »

« Ecoute ô mon fils, le précepte du maître, et incline l’oreille de ton cœur, recueille avec amour l’avertissement d’un père qui écoute… » (Prologue de la règle de saint Benoît).

« Un jour, il entend le début d’un psaume : « Seigneur j’ai mis une garde à ma bouche… »Il partit au désert et revint dix ans plus tard ; maintenant dit-il je peux continuer à entendre le reste du psaume… »

« Celui qui domine sa langue domine son corps » (Jacques3, 2).

Dialogue entre un moine et un ancien :

« - va me chercher un dindon ! - Le jeune homme en trouva un, il le présente à l’ancien : « Maintenant, plume-le ! » Il obéit ; une fois le dindon plumé, l’ancien demanda au novice : « Maintenant remet lui ses plumes ! » le jeune homme étonné demande : « mais comment est-ce possible, on ne remet pas ses plumes à un dindon qu’on vient de plumer… ? Justement, ajouta le vieillard, on ne refait pas la réputation de quelqu’un qu’on a détruite par ses paroles… garde-toi de médire tes frères ! »

Se taire entraîne au silence intérieur et rapproche de cet abîme intérieur…

On peut se taire avec les lèvres, mais on n’en pense pas moins. Au désert, le silence extérieur est au service du silence intérieur. Or il suffit de se taire pour que se mettent en route les discours internes, les suggestions, les instincts… D’où tout ce thème de la lutte contre les pensées, la lutte contre les passions… l’ascèse.

 

Garde le recueillement : L’hésychia ce n’est pas seulement élimination des pensées c’est accueillir, recevoir la paix du ressuscité…

Il s’agit de se purifier pour être transformé par l’Esprit.

 

2 Le statut de la théologie

La théologie orthodoxe ne spécule pas sur Dieu. Elle part de l’expérience spirituelle. La philosophie occidentale comme quête de la rationalité a influencé la théologie latine. Enracinée dans l’Ecriture et dans la spiritualité des Pères de l’Église, la foi orthodoxe ne se définit jamais en termes d’adhésion intellectuelle. Personne ne peut connaitre Dieu si ce n’est Dieu lui-même qui l’enseigne. Il n’y a pas d’autres moyens que de connaître Dieu que de vivre en lui.

« Parler de Dieu est une grande chose, mais il est encore mieux de se purifier pour Dieu » Grégoire le théologien.

« Si tu es théologien, tu pries vraiment et si tu pries vraiment tu es théologien. »

« C’est l’Esprit qui fait d’un érudit un théologien, car il s’agit non de s’instruire intellectuellement sur Dieu, mais de se remplir de Dieu… afin que l’ayant reçu en nous, nous devenions ce qu’il est. » Saint Syméon le nouveau théologien

« Trouver Dieu consiste à le chercher sans cesse… c’est là vraiment voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer. » Grégoire de Nysse.

La théologie est enracinée dans la méditation de l’Ecriture comme Parole de Vie

3 la place de l’Ecriture :

L’Ecriture fondement de toute tradition chrétienne. Elle nous fait découvrir le Dieu vivant et permet un dialogue au cœur à cœur au-delà de lettre avec le Dieu Trinitaire. « Découvre le cœur de Dieu dans la Parole de Dieu » Grégoire le Grand. La lecture de l’Ecriture est rencontre avec Dieu et instauration de la communion avec lui comme cela se produit dans le sacrement eucharistique : « Qui ne se nourrit de la parole de Dieu ne vit pas. » (St Jérôme) je considère l’Evangile comme le corps de Jésus… et quand il dit ‘Celui qui mange ma chair’, bien que cela puisse aussi s’entendre du sacrement, c’est cependant le corps et le sang du Christ, en un sens plus exact, qui est la parole de l’écriture » (Origène) Pour saint Isaac « la méditation constante de l’Ecriture est lumière de l’âme »

La parole lue et entendue conduit toujours vers le Christ, comme personne vivante.

 Saint-Jean Chrysostome prie ainsi :

« Seigneur Jésus-Christ ouvre les yeux de mon cœur afin de comprendre et d’accomplir ta volonté… illumine mes yeux, par ta lumière… ».

La parole de Dieu est vivante par l’Esprit qui s’y repose.

Essaye donc, toi qui m’écoutes, d’avoir un puits à toi et une source à toi ; de la sorte, quand tu prendras le livre des Écritures, mets-toi à produire, même selon ta pensée propre, quelque interprétation et, d’après ce que tu as appris dans l’Église, essaye de boire, toi aussi, à la source de ton esprit. À l’intérieur de toi-même, il y a le principe de l’eau vive, il y a des canaux intarissables et des fleuves gonflés du sens spirituel, pourvu qu’ils ne soient pas obstrués par la terre et les déblais. (…)

« Purifie donc, toi aussi, ton esprit, pour qu’un jour tu boives à tes sources et puises l’eau vive à tes puits. Car si tu as reçu en toi la Parole de Dieu, si tu as reçu de Jésus l’eau vive, et si tu l’as reçue avec foi, elle deviendra en toi source d’eau jaillissant pour la vie éternelle (Jn 4,14). »

 

Origène (IIIe s.), Homélies sur la Genèse XII, 5, trad. L. Doutreleau (Sources Chrétiennes 7bis, Éd. du Cerf, Paris 1985, p. 307-309), modifiée.

 

4 Les théologiens mystiques du IVe siècle

 

Evagre le Pontique (quatrième siècle) : la purification des passions 

Originaire d’Ibora, dans la région du Pont (actuelle Turquie), Evagre a été ordonné lecteur par Césarée. L’évêque Grégoire de Naziance l’ayant ordonné diacre, il l’accompagna à Constantinople, où sa prédication connut un grand succès. En 382, Evagre quitta cette capitale et se retira d’abord à Jérusalem, puis en Égypte, où il devint disciple de Macaire de Scété. Il mena jusqu’à sa mort la vie monastique dans le désert de Nitrie, et gagnait sa vie en copiant des manuscrits.

Son œuvre est assez abondante. Il décrit les bases de la vie monastique et de la vie de prière…

Une de ses œuvres et la « praktikè », transmise en occident par Cassien, il indique une méthode spirituelle qui vise à purifier la partie passionnée de l’âme. C’est un lent travail de purification du cœur conscient et inconscient pour que celui-ci retrouve sa beauté première, sa santé ou son salut. Ce traité est un traité de thérapeutique de l’âme dont le but est de permettre à l’homme de connaître sa véritable nature « à l’image et à la ressemblance de Dieu » L’élément essentiel de l’ascèse et une lutte contre les passions, les pulsions, les pensées qui agitent l’être humain. Il s’agit de discerner dans l’homme ce qui fait obstacle à la réalisation de son être véritable, ce qui empêche l’épanouissement de la vie de l’Esprit dans son être. Evagre va distinguer huit passions, huit symptômes de la maladie de l’âme : la gourmandise, la luxure, l’avarice, la tristesse, la colère, l’acédie ; la vaine gloire, l’acédie ainsi que les remèdes pour en guérir.

La finalité de la vie chrétienne est la connaissance (gnose)-contemplation (theoria) de Dieu. Le chrétien tend à cette fin au cours d’une progression en plusieurs étapes : la praktiké qui doit amener à la domination des passions qui permet d’accéder à la connaissance de Dieu et cette connaissance suppose un dépouillement de toutes les pensées les plus hautes.

La connaissance dont il s’agit n’est pas une connaissance logique rationnelle. C’est un déchiffrage de toute la création à a lumière du mystère du Christ. Le père Dumitru parle d’une rationalité profonde de l’amour, l’amour communie avec la raison intime des êtres, une rationalité qui a le sens du mystère.

« L’intelligence (noûs) ne verra pas le lieu de Dieu en lui-même si elle ne s’est pas élevée au-dessus de tout ce qui demeure dans les choses. Mais elle ne s’élèvera pas au-dessus si elle ne dépose pas les passions qui la lient aux choses sensibles ; elle déposera les passions par les vertus, les simples pensées par la contemplation spirituelle et celle-ci à son tour lorsque se manifeste cette lumière qui au temps de la prière, sculpte le lieu de Dieu. »

Connaissance qui est adoration :

« Quand le noûs, ayant dépouillé le vieil homme, aura revêtu l’homme de la grâce, alors il verra son propre état au moment de la prière, semblable à la couleur du saphir ou du ciel ce que l’Ecriture appelle le lieu de Dieu qui a été vu par les anciens sur la montagne du Sinaï » (Evagre le pontique)

 L’anthropologie d’Evagre influencé par la philosophie platonicienne est dualiste (corps-âme) concevant l’homme emprisonné dans la matière, le corps ne pouvait pas avoir de place dans la spiritualité pas plus que le Verbe incarné… Ce correctif est apporté par Macaire.

 

Le pseudo Macaire : la divine vocation de l’homme 

La mystique des écrits macariens est fondée sur l’incarnation du Verbe et englobe l’homme tout entier corps-âme-esprit. La vie mystique est pour lui fondée sur l’incarnation du Verbe. La vie monastique n’est pas la restauration de l’activité propre de l’intellect, mais une réalisation plus pleine en nous de la grâce baptismale. La prière perpétuelle permet à l’homme d’accéder au Royaume de Dieu, qui englobe son esprit et son corps dans la divine communion. L’homme tout entier fut créé à l’image de Dieu et tout entier il est appelé à la gloire divine. « L’inexprimable et l’incompréhensible Dieu s’est abaissé, dans sa bonté ; il a revêtu les membres du corps que voici et a posé lui-même une limite à sa propre gloire ; dans sa clémence, et son amour pour les hommes, il se transforme et s’incarne, il se mélange avec les êtres saints pieux et fidèles et devient un « Esprit » avec eux selon la parole de Paul – âme dans l’âme et hypostase dans l’hypostase, pour ainsi dire- afin que l’être vivant puisse vivre dans sa jeunesse, ressentir la vie immortelle et participer » à une gloire incorruptible ? »(quatrième homélie)

La prière perpétuelle du moine n’a pas pour but de libérer l’âme des entraves charnelles, mais elle permet à l’homme, corps et âme, d’entrer dans la divine communion par la grâce du Christ, l’Esprit, qui accomplit en lui ce qui a été semé au Baptême. Le lieu par excellence de cette grâce est le "cœur", non pas compris comme organe biologique, mais comme centre de l’organisme et siège de l’intelligence.

II y a deux hommes en l’homme : l’homme extérieur et l’homme intérieur qui ont chacun leurs sens. Pour Macaire le premier est "le vieil homme", le second "l’homme nouveau". Comme Origène aussi, il emploie pour désigner la faculté principale de l’âme, soit le mot "intellect", soit celui de "cœur" pris au sens biblique, surtout dans la collection II. Quant au corps, Macaire s’oppose aux tendances manichéennes et il affirme qu’il n’est pas mauvais en lui-même : il est "la belle tunique de l’âme », et celle-ci doit se garder de la déchirer par les épines des soucis et de la brûler par le feu de la convoitise (II, 4, 3-4), car le corps est destiné à être transfiguré. 

Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme a donc une parenté avec Dieu, comme l’avaient relevé les Cappadociens). C’est ce qui fait sa dignité "Prends conscience de ta dignité", cette exclamation semblable à celle qui, plus tard, jaillira aussi du coeur de saint Léon, se retrouve encore ailleurs : "Connais ta noblesse, ô homme, ainsi que ta dignité et ta valeur : tu es un frère du Christ, un ami du Roi, l’épouse de l’Epoux céleste". Cependant il n’y a rien de commun entre les natures de Dieu et de l’homme.

Avec Macaire la prière pure est centrée sur le Christ se transforme en prière de Jésus ou tout progrès spirituel était lié non pas à une connaissance d’une Divinité impersonnelle, mais à une communion vivante avec le Sauveur dans l’Esprit. Le rôle du Christ et de l’Esprit sont importants.

Denys l’aréopagite : la théologie apophatique (pseudo-Denys)

Nul n’a jamais vu Dieu nous dit saint Jean et l’apôtre Paul nous enseigne que Dieu habite une lumière inaccessible que nul d’entre les hommes n’a vue ni pu voir. La théologie mystique de Denys va influencer les grands théologiens mystiques orientaux et occidentaux : en orient, Grégoire de Nysse, Grégoire de Naziance, Jean Damascène… et en occident Jean de la croix, maître Eckhart… La voie apophatique rappelle la transcendance de Dieu, son altérité, que ne peuvent saisir ni les sens ni l’intelligence.

« S’il arrive que voyant Dieu, on commente ce qu’on voit, c’est qu’on n’a pas vu Dieu lui-même, mais quelques-unes de ces choses connaissables qui lui doivent l’être. Car en soi il dépasse toute intelligence et toute essence. Il n’existe, de façon suressentielle, et n’est connu, au-delà de toute intellection, qu’en tant qu’il est inconnu et qu’il n’existe point. Et, c’est cette parfaite inconnaissance, prise au meilleur sens du mot, qui constitue la connaissance vraie de celui qui dépasse toute connaissance. » [3]

« Nous disons donc que la Cause universelle, située au-delà de l’univers entier, n’est ni matière… ni corps ; qu’elle n’a ni figure, ni forme, ni qualité, ni masse ; qu’elle n’est dans aucun lieu, qu’elle échappe à toute saisie des sens… Nous élevant plus haut, nous disons que cette Cause n’est ni âme ni intelligence ; qu’on ne peut ni l’exprimer ni la concevoir, qu’elle n’a ni nombre, ni ordre, ni grandeur, ni petitesse, ni égalité, ni similitude, ni dissimilitude ; qu’elle ne demeure immobile ni ne se meut ; qu’elle n’est ni puissance ni lumière ; qu’elle ne vit ni n’est vie, qu’elle n’est ni essence, ni perpétuité, ni temps ; qu’on ne peut la saisir intelligiblement ; qu’elle n’est ni science, ni vérité, ni royauté, ni sagesse, ni un, ni unité, ni divinité, ni bien, ni esprit, ni filiation, ni paternité au sens où nous pouvons l’entendre ; ni rien de ce qui est accessible à notre connaissance ni à la connaissance d’aucun être, mais rien non plus de ce qui appartient à l’être ; que personne ne la connaît telle qu’elle est ; qu’elle échappe à tout raisonnement, à toute appellation, à tout savoir ; qu’elle n’est ni ténèbres, ni lumière, ni erreur, ni vérité ; que d’elle on ne peut absolument ni rien affirmer ni rien nier ; que lorsque nous posons des affirmations et des négations qui s’appliquent à des réalités inférieures à elle, d’elle-même nous n’affirmons ni ne nions rien : car toute affirmation reste en deçà de la cause unique et parfaite de toutes choses, car toute négation reste en deçà de la transcendance de celui qui est dépouillé de tout et se tient au-delà de tout. » [4]

Dieu n’a pas de nom et il a tous les noms. Il n’est rien de ce qu’il et il est tout ce qu’il est, la connaissance est l’inconnaissance. Toute affirmation, comme toute négation reste en deçà de sa transcendance. Dieu est le mystère ineffable. Jean Damascène écrira « De Dieu il est impossible de dire ce qu’il est en lui-même, et il est plus exact d’en parler par le rejet de tout. Il n’est rien, en effet, rien de ce qui est. Non qu’il ne soit d’aucune manière, mais qu’il est, au-dessus de l’être même. »

La voie spirituelle, le chemin vers Dieu sera comparé à la montée de Moïse sur le Sinaï à la rencontre de Dieu.

« Dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit Moïse pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout, car il ne s’appartient plus lui-même ni n’appartient à rien d’étranger, uni par le meilleur de lui-même à Celui qui échappe à toute connaissance, ayant renoncé à tout savoir positif, et grâce à cette inconnaissance même connaissant par-delà toute intelligence. » [5]

Nous retrouvons ce thème chez Grégoire de Nysse dans le traité mystique : « La vie de Moïse ou Traité de la perfection en matière de vertu ».

 « Que signifient l’entrée de Moïse dans la ténèbre et la vision que dans celle-ci il eut de Dieu ? Plus l’esprit, dans sa marche en avant parvient, par une application toujours plus grande et plus parfaite, à comprendre ce qu’est la connaissance des réalités et s’approche davantage de la contemplation, plus il voit que la nature divine est invisible. Ayant laissé toutes les apparences, non seulement de ce que perçoivent les sens, mais ce que l’intelligence croit voir, il va toujours plus à l’intérieur, jusqu’à ce qu’il pénètre, par l’activité de l’esprit, jusqu’à l’Invisible et l’Inconnaissable et que là il voie Dieu. La vraie connaissance de celui qu’il cherche, en effet et sa vraie vision consiste à prendre part par son incompréhensibilité comme par une ténèbre. C’est pourquoi Jean le mystique, qui a pénétré dans cette ténèbre lumineuse dit que « personne n’a jamais vu Dieu » définissant par cette négation que la connaissance de l’essence divine est inaccessible non seulement aux hommes, mais à toute nature intellectuelle. Donc lorsque Moïse a progressé dans la gnose, il déclare qu’il voit Dieu dans la ténèbre, c’est-à-dire qu’il connaît que la divinité est essentiellement ce qui transcende toute gnose et qui échappe aux prises de l’esprit. « Moïse entre dans la ténèbre où Dieu se trouvait », dit l’histoire. Quel Dieu ? « Celui qui a fait de l’obscurité sa retraite »… Tout concept formé par l’entendement pour essayer d’atteindre et de cerner la nature divine ne réussit qu’à façonner une idole de Dieu, non à le faire connaître. »

Nous pourrions penser que Denys nie la possibilité de l’expérience spirituelle, mais il n’en est rien. Denys reste chrétien, car il ne nie pas la révélation. . Dieu mû par son amour sort de lui-même et se proportionne à l’homme ; il faut que la créature sorte de ses propres limites, ne reste pas enclose dans sa propre nature et accueille en elle la grâce divine. « En Dieu, l’éros est extatique. Grâce à l’éros, les amants ne s’appartiennent plus… Ce Dieu lui-même qui est cause universelle, par un amour passionné à la fois beau et bon envers tous les êtres, à cause de son amoureuse bonté sort de lui-même par ses providences à l’égard de tous les êtres qu’il a séduits par sa bonté, sa charité et son amour passionné. » [6]

Conclusion

Comme l’exprime si justement le manifeste de l’Église orthodoxe des Gaules : la foi de l’Eglise n’est pas une adhésion intellectuelle à des vérités à croire, mais l’expérience des mystères qu’elle confesse. Au cœur de tout et avant tout, il ya Quelqu’un : la Présence active du Christ pascal, mort et ressuscité, qui vivifie, dynamise et donne sens jusqu’au détail de notre vie quotidienne. C’est de cela dont Grégoire Palamas va rendre compte.

 

 

 


 

DEUXIÈME PARTIE

 

Vie et œuvre de Grégoire Palamas

1 Contexte social et politique

Depuis deux siècles l’Église d’Orient et l’Église d’Occident (« les latins ») sont séparées.

En 1296, l’Empire byzantin est extrêmement affaibli. Il ne s’est guère remis de l’occupation latine (1204-1269). Le commerce est contrôlé par Gènes et Venise qui le paralysent et le rendent vulnérable aux attaques des Turcs. Dans cet épuisement, la volonté centralisatrice du pouvoir en s’appuyant sur la haute aristocratie et les grands propriétaires terriens, accentue les inégalités sociales et s’oppose à de nombreuses révoltes. Le fossé s’est creusé entre une Église officielle inféodée au pouvoir et les mouvements des zélotes (mouvement de révolte sociale) forts d’un profond soutien populaire déniant à la hiérarchie établie toute légitimité. Dans ce contexte une réforme interne à l’Église est urgente [7] . La source en a été le mouvement hésychaste [8]  : vivant à l’écart des monastères décadents, enracinés dans une expérience contemplative (centrée sur l’unique essentiel) les hésychastes commencent à promouvoir une réforme dans les monastères byzantins mettant en avant la pauvreté évangélique et s’attaquant aux biens ecclésiastiques. Voici les grandes orientations de cette réforme :

-          L’importance du service social

-          Insistance sur le partage des biens

-          Indépendance de l’Eglise par rapport au pouvoir

-           Renouveau liturgique et refus de la pesanteur ritualiste

-          Purification du culte de l’icône

-          Accent porté sur la valeur du baptême et de l’eucharistie pour la vie du croyant donc une vie spirituelle personnelle.

Nous retrouverons cette spiritualité hésychaste avec cette volonté de réforme chez Nil de la Sora dans la Russie orthodoxe du XVe siècle.

2 Les étapes de la vie de Grégoire Palamas

C’est dans ce contexte qu’apparaît Grégoire Palamas.

Né en 1296, Grégoire reçut à la cour du pieux empereur Andronic II une éducation aristocratique (rhétorique, grammaire, philosophie…). Vers 1316, il décida d’interrompre ses études profanes pour répondre à un appel à la vie monastique. Grégoire fut initié à l’hésychasme au mont Athos. Les incursions turques l’obligent à quitter le mont Athos vers 1325. Le jeune moine séjourne à Thessalonique où il fut ordonné prêtre. Il se retire avec une dizaine de moines dans un ermitage des environs de Berrhée. En 1331, à cause des invasions serbes, il retourna à l’Athos où il s’installera dans l’ermitage de Saint Sabbas proche de Lavra. C’est la période de ses premiers écrits. Entretemps, vers 1336, un Grec de Calabre du nom de Barlaam étant arrivé à Constantinople avait très vite acquis une réputation de grand philosophe se donna pour tâche de remettre en question et de dénigrer l’expérience spirituelle de la tradition hésychaste. Grégoire Palamas devra donc répondre de l’expérience spirituelle reçue de la tradition face à un humanisme philosophique rationnel renaissant.

Grégoire Palamas vécut aussi au cœur du tourment politique et religieux de l’Empire byzantin. A la mort de l’empereur Andronic III en 1341, l’héritier Jean le Paléologue n’a que neuf ans. Ce fut le déclenchement d’une guerre civile qui opposa Jean de Cantacuzène, Grand Domestique (sorte de premier ministre) à un gouvernement provisoire présidé par Anne de Savoie, la veuve de l’empereur Andronic III, qui dura jusqu’à la victoire de Jean Cantacuzène. Durant cette période, le patriarche Jean Calécas persécuta Palamas en raison de sa sympathie politique pour Jean Cantacuzène, et accorda son soutien à Grégoire Akindynos (qui avait pris le relais de Barlaam), lequel s’empressa de réfuter la théologie palamite. Grégoire fut même excommunié. En 1347, un synode convoqué par l’impératrice Anne déposa le patriarche Calécas et réhabilita Grégoire Palamas. Dès l’arrivée au pouvoir de Jean VI Cantacuzène, Palamas fut sacré archevêque de Thessalonique.

Une révolte des zélotes avait éclaté depuis 1342 dans cette ville. Elle empêcha Palamas de rejoindre son siège épiscopal avant le début de 1350. En attendant, un groupe mené par le savant Nicéphore Grégoras (en continuité avec la controverse avec Barlaam) continuait de s’opposer à la doctrine de Grégoire Palamas.

L’arrivée de Palamas sur son siège épiscopal ne fut pas de tout repos. Il fut un pasteur zélé voulant rétablir la paix sociale dans la ville. En 1354, il fut capturé par les Turcs lors d’un voyage à Constantinople. Là, il put rencontrer les chrétiens et dialoguer en profondeur avec les docteurs de l’Islam. Ce fut le moment où Jean V le Paléologue accéda au pouvoir supplantant son ancien tuteur.

Sa rançon ayant été payée aux Turcs, il revint à Constantinople en 1355, où il rencontra le légat du pape réticent à l’égard de sa doctrine. En présence de l’empereur et du légat du pape fut organisée une discussion théologique entre Grégoire Palamas et Nicéphore. Cette discussion n’apporta rien. Palamas retourna à Thessalonique où il réfuta son adversaire Nicéphore  dans quatre traités. Il mourut à  63 ans en 1359 et fut canonisé en 1361.

Il est important de souligner aussi les tentatives d’union entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident. Vers 1335, Grégoire Palamas  écrivit à l’occasion de pourparlers d’union des Eglises, ses traités apodictiques [9] sur la procession du Saint-Esprit, un ouvrage sur la Trinité destiné à repousser toute tentative de compromis doctrinal avec les Latins sur le thème de la procession de l’Esprit (querelle du filioque). Il désirait éviter une union doctrinale facile dont l’enjeu n’était pas vraiment théologique, mais politique. Certains de ses contemporains étaient prêts à sacrifier la foi orthodoxe pour bénéficier de l’appui militaire de l’Occident contre les invasions turques. Il s’opposa ainsi au « relativisme » doctrinal de Barlaam affirmant les limites de la raison qui ne peut percevoir le divin.

Toute l’œuvre de Palamas est donc dominée par cette controverse sur la possibilité ou non de faire l’expérience du divin, les limites de la raison et la place de la révélation chrétienne. Ces controverses théologiques interfèrent avec les luttes politiques. Chaque parti théologique cherchait un appui politique, mais les rivalités politiques étaient sans motivation spirituelle.

3 La controverse

Au XIVe siècle, s’opposent le mysticisme orthodoxe et le rationalisme de la scholastique médiévale représentée par Barlaam un philosophe grec de Calabre pénétré de la renaissance italienne, de la philosophie aristotélicienne et nominaliste. Barlaam vint à Constantinople pour étudier les écrits originaux des philosophes grecs. Dans son enseignement, il commente le pseudo- Denys. Barlaam était sceptique quant aux possibilités propres de l’intelligence humaine dans le domaine de la connaissance de Dieu. Pour lui, toute connaissance même de Dieu n’a d’autre origine que la perception des sens (Aristote) et en second lieu que Dieu est inconnaissable puisqu’il transcende toute expérience sensible (Pseudo-Denys). Il réfuta et dénigra l’expérience spirituelle des moines hésychastes. L’expérience des moines du mont Athos n’était donc que pure illusion. Barlaam était un agnostique rationaliste. C’est ailleurs que dans le domaine théologique, vers les sciences profanes (et la philosophie grecque) que se portaient ses intérêts. Pour Barlaam, l’Ecriture Sainte n’était pas le moyen d’une communion vivante de l’Esprit de Dieu, les philosophes seuls pouvaient féconder l’activité réelle de son intellect et lui fournissaient les critères permanents de sa pensée. Pour lui, s’appuyant sur la pensée de Denys, Dieu reste inconnaissable, inaccessible. La raison reste séparée et autonome. Dieu se fait connaître à travers des symboles, toute participation réelle au divin reste impossible. C’est dans cette pensée qu’il trouvera le fondement métaphysique de l’union entre les Eglises (qui n’a pas abouti). Puisque Dieu est inaccessible, faut-il encore discuter sur la procession du Saint-Esprit ? Les Grecs affirment que l’Esprit procède du Père seul ; et les Latins répondent qu’il procède du Père et du Fils… Ce n’est là que présomption. Toute chose qui échappe à l’intelligence n’existe pas. Pétri de néoplatonisme (où le corps est considéré comme la prison de l’âme et de l’intellect), Barlaam était scandalisé d’apprendre que les moines de l’Athos pensaient que le corps participait à la prière comme l’intellect. « J’ai été initié par eux, écrit-il, à des monstruosités et à des doctrines absurdes qu’un homme ne peut dignement énoncer s’il a de l’esprit ou seulement un peu de raison, des produits d’une croyance erronée et d’une imagination téméraire. Ils m’ont livré leurs enseignements sur des séparations merveilleuses et des réunions de l’esprit et de l’âme, sur les commerces qu’ont les démons avec cette dernière, sur les différences qui existent entre les lumières rousses et blanches, sur des entrées et des sorties intelligibles qui se produisent par les narines simultanément à la respiration, sur des boucliers qui se réunissent autour du nombril, et enfin sur l’union de notre seigneur avec l’âme qui se produit à l’intérieur du nombril d’une façon sensible en pleine certitude du cœur… » (Lettre V à Ignace, cité dans Saint Grégoire Palamas, de Jean Meyendorff, coll. maîtres spirituels p. 91). Est-ce une mauvaise interprétation de la garde du cœur de Nicéphore l’Hésychaste, une corruption populaire de ces enseignements ou une caricature satyrique de Barlaam lui-même ? Pour Barlaam, l’expérience ‘directe’ de Dieu est impossible : « S’ils consentent à dire, écrit Barlaam, que la lumière intelligible et immatérielle dont ils parlent est le Dieu suressentiel lui-même et s’ils continuent en même temps à reconnaître qu’il est absolument invisible et inaccessible aux sens, ils se trouvent devant une alternative : en déclarant voir cette lumière, ils doivent la considérer soit comme un ange, soit comme l’essence même de l’intellect, lorsque purifié à la fois des passions et de l’ignorance ; l’esprit se voit lui-même et, en lui-même voit Dieu dans sa propre image. Si la lumière dont ils parlent s’identifie avec l’une de ses deux réalités, il faut considérer leur pensée comme parfaitement correcte et conforme à la tradition chrétienne ; mais s’ils disent que cette lumière n’est ni l’essence suressentielle, ni une essence angélique, ni l’esprit lui-même, mais que l’esprit la contemple comme une hypostase, je ne sais, en ce qui me concerne, ce qu’est cette lumière, mais je sais qu’elle n’existe pas. »(cité dans Saint Grégoire Palamas, de Jean Meyendorff, coll. maîtres spirituels p.94).

Barlaam s’inscrit dans la ligne de la théologie apophatique du pseudo-Denys, Dieu est au-delà de tout ce qu’on peut penser et imaginer au- delà des concepts tout en niant la possibilité d’une expérience spirituelle et érige la raison en seul instrument pour penser Dieu.

Tel est l’enjeu de la question. Face à cette remise en question d’une authentique expérience spirituelle au nom de la rationalité, Grégoire Palamas va puiser sur la tradition biblique, son expérience spirituelle et la relecture des pères de l’Église pour répondre de sa foi : à savoir que seul le Christ illumine le cœur de l’homme et lui donne la vraie connaissance de Dieu.

 

4 L a doctrine de la grâce déifiante de Grégoire Palamas

Sagesse profane – sagesse surnaturelle

Pour Barlaam donc, la connaissance des êtres, la philosophie [10] est la meilleure chose que nous possédions, elle est un don de Dieu et les sciences philosophiques seraient supérieures aux divines écritures, car elles purifient l’intelligence (la raison) des opinions fausses, condition préalable pour atteindre la pureté et la perfection. C’est par les méthodes de raisonnement et de l’analyse que l’être humain est un vivant et acquiert la ressemblance au Créateur. La sainteté est assimilée à la perfection de la connaissance purifiée par les sciences philosophiques. Ce rationalisme aboutira à reléguer la religion chrétienne dans le domaine de la morale et à faire de Dieu un concept inaccessible qui aboutira au théisme et à l’athéisme du siècle des lumières. La religion de Voltaire (philosophe du XVIIIe siècle) est philosophique, il croit en un Dieu – premier moteur- et sa religion est une religion sans dogmes – ni péché, ni incarnation, ni révélation, ni rédemption –, mais fondée sur une morale. Pour Voltaire les ‘dogmes’ ne peuvent être vérifiés et sont donc des chimères qui plongent les hommes dans une nuit profonde.

Face à cela, Palamas va répondre de son espérance. Palamas distingue la philosophie, don divin naturel provenant de l’éducation profane que Dieu accorde à tous (l’homme est « un animal rationnel ») et la sagesse de Dieu, don divin surnaturel. Cette sagesse, c’est l’Esprit Saint que Dieu a accordé aux prophètes et aux apôtres. La question est : quelle sagesse procure le salut ?

Si la raison peut-être utile pour sortir de notre animalité, la raison doit être purifiée par la grâce divine. La philosophie naturelle est rendue folle parce qu’elle est détournée de Dieu. En cela Grégoire Palamas rejoint Grégoire de Nysse dans son traité de la perfection :

 Pour cela, la personne qui s’engage dans cette voie (de transformation spirituelle) doit prendre des précautions et se nourrir des aliments convenables. Il s’agit de l’éducation, de la culture profane, mais elle ne doit pas être coupée de la vie de l’Église… Grégoire de Nysse utilise l’image de la fille du pharaon qui devient sa mère adoptive, cette fille est stérile et sans enfant (culture profane) et l’image de sa mère qui devient sa nourrice (L’Église)… « Ceci nous apprend que si nous fréquentons la culture profane, au temps de notre éducation, nous ne devons pas être sevrés du lait de celle qui nous a nourris et qui est l’Église. Ce lait se sont les sacrements qui alimentent notre âme, la fortifient et lui donnent des forces pour monter plus hauts… » (GN, VM, naissance spirituelle, 328A-332C). Dans cette progression spirituelle, le chrétien ne peut pas se passer de l’Église et des sources apostoliques.

La philosophie en elle-même est insuffisante à se procurer le salut sinon pourquoi avons-nous eu besoin non pas d’un professeur de philosophie, mais de celui qui enlève le péché du monde et qui donne une sagesse véritable et éternelle. Barlaam n’envisageait pas le rôle de la grâce dans la connaissance de Dieu et s’appuyant sur la foi chrétienne Palamas explique que cette grâce du Christ est une nécessité pour l’homme, car depuis la ‘faute’ (le péché d’Adam) des origines, le péché obscurcit cette connaissance. Le fils de Dieu en s’incarnant a inauguré une humanité nouvelle où par la grâce de l’esprit la nature humaine est restaurée et invitée à participer à la vie divine. Notons que Barlaam est chrétien et ayant quitté Constantinople sera évêque dans l’Église latine. 

« Mais si, selon le grand Denys, la déification c’est de s’assimiler à Dieu et de s’unir à lui, comment alors nous-mêmes admettrons nous que la déification soit une imitation naturelle ? Car nous avons besoin de la ressemblance [11] pour nous trouver en harmonie avec cette unification par laquelle la divinisation s’accomplit pleinement, tandis que sans l’unité, la ressemblance ne suffirait point pour la divinisation. La ressemblance que je dis nécessaire, celle qui procède de la mise en pratique et de l’observation des préceptes divins, ne se réalise pas simplement par une imitation naturelle, mais par la puissance de l’Esprit, laquelle au moment de notre sainte régénération, vient en volant du haut du ciel se poser ineffablement sur les baptisés. Par elle ceux qui sont nés, non pas du sang, ni du vouloir des hommes, ni du vouloir de la chair, mais de Dieu (Jn 1 : 13) tels des enfants nouveaux nés peuvent parvenir à la plénitude du Christ. Personne par conséquent, ne saurait jamais comprendre, est-il écrit, ni moins encore mettre en pratique, les vérités reçues de Dieu, s’il ne lui a pas été donné d’abord de subsister divinement. Apprends donc d’entrée de jeu, comme on dit, cher ami, ce qu’il ya d’extraordinaire dans la divinisation ; elle dont la nature ne produit pas, d’elle-même, le principe, comment son terme pourrait-il être naturel et créé ? Et si selon son principe propre, elle dépasse largement l’imitation naturelle, comment poussée à son terme, pourrait – elle être une imitation naturelle ? Jean, fils de Zacharie baptise dans l’eau ; Jésus, Fils de Dieu, dans l’eau et dans l’Esprit. En quoi consiste le progrès de l’un à l’autre ? Seulement dans le nom ? Certes pas : mais bien dans la grâce agissante et la puissance divinisante dans l’Esprit Saint ? Non point répandu selon son essence sur le baptisé, mais fortement adhérant à lui selon la grâce de sanctification qui lui est propre. Mais si elle est une créature, et si, nous qui y avons part, c’est à quelque chose de créé que nous avons participé, alors comment l’Esprit Saint serait-il incréé ? » (Saint Grégoire Palamas, de la déification de l’être humain, éd. l’âge d’homme)

C’est ici que se départagent l’orient et l’occident. Barlaam suit la théologie de Saint Thomas , seuls les arguments de la raison sont valables et toute pénétration intuitive de nature mystique est déclarée source d’erreur ; l’illumination intérieure est même accusée de matérialisation de Dieu et Saint Thomas rejette la doctrine augustinienne de la connaissance par illumination divine et par intuition représentée par l’école franciscaine (Saint Bonaventure) et plus tard (au XVIe siècle) par l’école française de spiritualité (saint Vincent de Paul, Pierre de Bérulle et Saint François de Sales). (Notons que la mystique occidentale chrétienne du moyen âge reste proche des pères de l’Église et de la tradition orthodoxe).

Grégoire va puiser sa réflexion dans l’Ecriture et la Tradition vivante de l’Église (au travers des pères de l’Église et des saints hésychastes). Le danger que perçoit Grégoire Palamas est que Dieu devient un concept abstrait qui n’a plus rien à voir avec la vie. Sa théologie s’enracine dans l’expérience et la méditation de la Parole de Dieu. Sa théologie prend sa source dans cette parole de Saint Jean l’évangéliste : « Dieu personne ne l’a jamais vu, le Fils unique, celui qui est dans le sein du Père nous l’a révélé. ». Cette affirmation met en évidence les deux affirmations bibliques fondamentales :

-Dieu personne ne l’a jamais vu. Elle témoigne du mystère inaccessible du Dieu transcendant (Saint) de la Bible. Dieu est insaisissable à l’esprit humain. Ce qui représente la théologie apophatique que nous retrouvons chez les Pères cappadociens (Denys l’aréopagite, Grégoire de Nysse, Grégoire de Naziance…)

- Dieu se révèle en Jésus-Christ dans l’Esprit Saint. Le Christ, le Dieu incarné, révèle au monde et aux hommes la sainte et vivifiante Trinité.

Grégoire Palamas va donc distinguer afin d’indiquer les deux pôles de la relation à Dieu- inconnu, mais connu, caché, mais révélé- entre d’une part l’essence, la nature ou l’être intime de Dieu, et d’autre part les énergies, ses opérations ou les manifestations de sa puissance. Par essence, il faut entendre la transcendance radicale de Dieu et par les énergies, sa présence et son action vivifiante. Ces énergies ne désignent pas une émanation de Dieu ou des intermédiaires entre Dieu et l’homme, mais Dieu lui-même dans son activité. Ces énergies ne sont pas autre chose que la grâce déïfiante. Celui qui connaît les énergies divines ou qui y participe connaît Dieu lui-même et participe à Dieu lui-même, autant qu’un être humain le peut. Il n’y a pas deux parties en Dieu, l’essence renvoie à Dieu tel qu’il est en lui-même et ses énergies renvoient à Dieu dans son intégralité rendu accessible à l’homme dans le mouvement extérieur de son Amour. En raison de cette distinction entre essence et énergies divines, les mystiques orthodoxes affirment la possibilité d’une expérience spirituelle, d’une union mystique, d’une participation (d’une communion et non fusion) à la vie divine. « Dieu est par son essence en dehors de tout, mais il est en tout par ces actes de puissance » (Saint Athanase)

Cette distinction entre essence et énergie provient de la philosophie aristotélicienne selon laquelle chaque nature (physis) a une énergie (energeia) c’est-à-dire une manifestation perceptible existentiellement. Cette terminologie sera utilisée chez les pères grecs, en particulier Basile et Grégoire de Nysse pour montrer que la Trinité transcendante agit au niveau immanent. Pour Saint Maxime le Confesseur, les deux natures du Christ (humaine et divine) présupposent les deux énergies ou volontés. 

Une vision biblique et évangélique

La théologie de Grégoire Palamas est une théologie enracinée, comme je l’ai déjà souligné, dans la tradition biblique et chez les Pères de l’Église. Le Dieu de Grégoire Palamas est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, des saints prophètes, des apôtres… C’est le Dieu biblique de la révélation et du salut, c’est le Dieu révélé en Christ par la puissance de l’Esprit Saint dont l’ultime dessein est la divinisation de l’homme par la grâce de l’Esprit.

La pensée théologique de Grégoire Palamas vise à intégrer l’homme au mystère du Christ par la grâce de l’Esprit. La vision de Palamas est trinitaire et existentielle. Dieu ne peut être identifié avec aucun concept créé. Lorsqu’il se manifeste, Dieu reste inconnaissable dans son essence, car une révélation de l’essence divine mettrait Dieu au niveau des créatures et ferait de l’homme « un Dieu par nature »… la théologie de Palamas intègre donc deux axiomes de la patristique : Dieu inconnaissable, essence inabordable même par la raison, mais Dieu vivant désirant se révéler à l’homme dans son Fils et accorder à l’humain sa propre existence incréée… Il fait écho à la tradition spirituelle apophatique des pères de L’Église et je me plais à citer cette prière d’un de nos pères des Gaules qui exprime cette antinomie (Dieu insondable, mais qui se révèle).

Dieu tout-puissant, selon l’apôtre Paul ton Esprit Saint « scrute et connaît les profondeurs de ton être » (1Co 2,10-11), et il intercède pour moi, te parle à ma place par des « gémissements inexprimables » (Rm 8,26)… Rien en dehors de Toi ne scrute Ton mystère ; rien qui soit étranger à Toi n’est assez puissant pour mesurer la profondeur de Ta majesté infinie. Tout ce qui pénètre en Toi est de Toi ; rien de ce qui est extérieur à Toi n’a le pouvoir de Te sonder…

Je crois fermement que Ton Esprit Saint vient de Toi par Ton Fils unique ; même si je ne comprends pas ce mystère, j’en garde la conviction profonde. Car dans les réalités spirituelles qui sont ton domaine, mon esprit est borné, comme l’assure Ton Fils unique : « Ne t’étonne pas si je t’ai dit : Il vous faut naître d’en haut. Car l’Esprit Saint souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’eau et de l’Esprit ».

Je crois à ma nouvelle naissance sans la comprendre, et je tiens bon dans la foi ce qui m’échappe. Je sais que j’ai le pouvoir de renaître, mais je ne sais pas comment cela s’accomplit. L’Esprit n’est limité par rien ; II parle quand Il veut, Il dit ce qu’Il veut et où Il veut. La raison de son départ et de sa venue me reste inconnue, mais j’ai la conviction profonde de sa présence. (Hilaire de Poitiers)

Pour Palamas, s’inscrivant dans l’expérience et la pensée des pères du désert et de pères de l’Église, Il s’agit de se transformer, de naître à une vie nouvelle accordée par le Christ dans l’Esprit. C’est l’être tout entier (nous y reviendrons) qui doit être régénéré corps - âme (raison et sentiments)- esprit. La vocation de l’homme est de participer à la communion divine. Cette vie nouvelle est l’incorporation réelle de l’être humain au ressuscité, existence dans l’Eglise et dans l’Esprit. La pensée de Palamas  est l’expression non d’un système conceptuel, mais d’une expérience spirituelle.

5 Enseignement de Grégoire Palamas sur la divinisation de l’humain

 

Son enseignement sur la divinisation de l’homme (à la suite des pères) repose sur les bases suivantes :

- la création de l’humain à l’image de Dieu.

- l’incarnation du verbe de Dieu (incarnation et passion).

- la capacité de communion de l’être humain avec Dieu dans l’Esprit Saint.

La création de l’humain à l’image de Dieu

La tradition patristique, s’appuyant sur la méditation de la Bible, affirme l’idée que le privilège de l’homme par rapport aux autres créatures est sa participation à Dieu. L’homme est créé à l’image et à la ressemblance.    Dieu a créé Adam, sans aucun vice, outre l’âme, il lui avait insufflé la grâce de l’Esprit qui le conservait dans la nouveauté et cultivait pour lui la ressemblance divine, mais par sa désobéissance Adam perdit ce don. « Tout homme est à l’image de Dieu, mais éventuellement aussi à sa ressemblance. La ressemblance à Dieu, cependant qu’elle constitue le but de l’existence humaine, ne lui pas été imposée de force : elle lui a été confiée et mise à sa libre disposition ; ainsi l’homme, librement orienté à la volonté de Dieu et constamment guidé par sa grâce, se plaisait à cultiver et à développer ce présent libéral du « à l’image », à en faire une acquisition personnelle, solide et durable, et ainsi à devenir semblable à Dieu. Mais inversement l’homme avait le pouvoir de méconnaître Dieu et sa volonté et de faire échouer le dessein de sa création, oubliant la signification de sa vie et de son existence même. C’est ce qu’Adam fit en écoutant le diable ; « c’est ainsi qu’il fut déchu de la grâce de Dieu et c’est ainsi que- privé de la splendeur divine qu’il portait comme une glorieuse parure avant sa transgression- il perdit le privilège d’être à la ressemblance »- ce qu’il avait cultivé dans la lumière de la grâce divine. » (Saint Grégoire Palamas de la déification de l’être humain ; la doctrine de st Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain- l’âge d’homme). Par la chute, l’homme a été frustré de la possibilité de communier à la vie divine, or la vie de l’homme prend sa source dans sa participation à la vie de Dieu. Cette mort spirituelle n’est pas une vengeance de Dieu, mais une conséquence de l’éloignement de Dieu. « Plus l’homme s’éloignait de la vie, plus il se rapprochait de la mort ; or la vie est Dieu lui-même, et la mort est sa privation. (Grégoire Palamas) » Par la désobéissance de l’homme le péché a fait son apparition dans le monde avec ses conséquences : le péché qui règne en l’homme par la puissance du diable et de la mort suscite la peur, l’angoisse, et somme toute l’instinct de conservation : ainsi par l’anxiété et l’arbitraire, Satan enfante dans l’homme le péché et s’entremet l’échec de sa vocation première (GP) »

La participation de l’homme à la vie divine est un appel, l’homme est appelé à croître dans la vie divine. Elle est à fois un don et une tâche à accomplir. Palamas développe une conception expérientielle de la connaissance de Dieu. Dieu n’est pas connu à travers un processus de pensée intellectuelle, mais implique un processus de transformation. L’homme n’est pas un être autonome, il n’est libre et réalise sa vocation d’homme que lorsqu’il est en communion avec Dieu. L’homme est une image de Dieu ouverte vers le haut (ressemblance) possède la potentialité de se transcender et d’atteindre le divin. Cette potentialité n’est pas seulement intellectuelle, mais implique une purification de l’homme tout entier, un détachement ascétique et une évolution éthique « il est impossible de posséder Dieu soi-même, ou d’avoir l’expérience dans la pureté, ou d’être uni sans mélange, à moins de se purifier par soi-même par la vertu, de sortir de soi-même ou plutôt de s’élever au- dessus de soi. »

L’incarnation du Verbe de Dieu (incarnation- passion)

La théologie de Palamas s’inscrit donc dans sa foi en un Dieu trinitaire qui se communique par le Père en Jésus Christ et dans l’Esprit. Si la philosophie est ce qui nous procure le salut en quoi aurons- besoin du salut offert par Jésus-Christ ? Dans son homélie sur l’incarnation, Palamas souligne « la grandeur de l’amour de Dieu qu’il a richement déversé sur nous ! Il nous a régénérés dans l’Esprit et nous sommes devenus un seul esprit avec lui, comme l’écrit Paul : celui qui s’unit au Seigneur est un seul Esprit avec lui [12] « Tous nous avons connu le Fils par la voix du Père qui nous annonçait d’en haut cet enseignement, et l’Esprit Saint lui-même, la lumière indicible elle-même, nous a montré que voici assurément le Bien-aimé du Père ; et le Fils lui-même nous a manifesté le nom du Père et a promis en remontant au ciel de nous envoyer l’Esprit-Saint, afin qu’il demeure avec nous à jamais ; et l’Esprit saint lui-même est descendu, est demeuré avec nous, nous annoncé et enseigné toute la vérité. » [13]

« Le Fils de Dieu est devenu homme, il assume notre nature humaine pour créer un homme nouveau et transformer les hommes en Fils de Dieu : « car Dieu a modelé de sa main notre nature, à partir de la terre, et insufflé en elle la vie venant de lui-même, Lui qui avait amené tout le reste en un seul mot, et il l’a créée rationnelle et maîtresse de sa conscience, libre même de gouverner ses propres pensées selon son propre mouvement ; or une fois laissée seule, elle fut abusée par le conseil du malin, et ne put tenir tête à ses machinations ; elle ne garda pas ce qui est naturel, mais glissa vers ce qui est contre nature, mais la contient en Lui ; il ne l’assume pas seulement pour l’arracher à la déchéance, mais la revêt ineffablement, en s’unissant sans séparation avec elle, enfanté comme Dieu et homme à la fois d’une femme, pour assumer la même nature, qu’il avait modelée en nos ancêtres d’une vierge, pour créer un homme nouveau ;car s’il était né d’une semence, il n’aurait pas été un homme nouveau ; étant de l’ancienne frappe, et héritier de la faute, il n’aurait pu recevoir en Lui la plénitude de la divinité intacte, et devenir une source intarissable de sanctification…. Et les mages se prosternèrent, présentant de l’or, de l’encens, de la myrrhe à Celui qui par la mort nous gratifiés de la vie divine,-dont l’encens était une image- et de la divine illumination, - que représentait l’or offert au dispensateur de la gloire éternelle [14] … »

Toute l’œuvre de la rédemption est ainsi conçue comme une sanctification, une nouveauté, une délivrance du péché en vue de participer à notre vocation originelle, notre vraie nature, qui est la communion divine.

 

« Donc Le Fils de Dieu s’est fait homme afin de montrer à quel sommet il nous porterait ; afin d’éviter que nous ne nous vantions d’avoir par nous-mêmes, regagné le combat perdu ; afin que formé de deux natures, il fût vraiment médiateur, adapté à chacune des deux, pour sa part ; afin de délier le lien du péché ; afin de purifier du péché la souillure de la chair ; afin de montrer l’amour de Dieu pour nous ; afin de nous faire connaître à quelle profondeur du mal nous étions tombés, pour que fût rendue nécessaire l’incarnation de Dieu ;  afin qu’il devînt pour nous un exemple d’humilité que peuvent supporter la chair et la passion, et un remède pour soigner l’orgueil ; afin de nous montrer la noblesse de la nature créée par Dieu ; afin qu’il fût l’initiateur de la résurrection et de la vie éternelle et leur preuve et que fût aboli le désespoir ; afin que devenu Fils de l’Homme et partageant leur mortalité il portât les hommes à leur perfection de fils de Dieu et les fît participer à l’immortalité divine ;afin qu’il leur apprît comment la nature humaine a été seule de toutes les créatures faites à l’image de Dieu et tellement semblable à Dieu qu’elle a pu s’unir à lui en une hypostase ; afin que fût honorée la chair, même mortelle ; afin que les esprits superbes ne se jugent point et ne soient point jugés plus honorables que l’homme et ne s’imaginent point qu’ils seront eux-mêmes divinisés grâce à leur état incorporel et à l’immortalité qu’il suppose ; afin que fussent réunies en lui les natures séparées, celle des hommes et celle de Dieu, et que par sa double nature, il en devint médiateur. » [15]

 

La capacité de communion de l’être humain avec Dieu dans l’Esprit Saint.

 

La nature humaine, ointe par son union hypostatique avec le Fils, reçoit la plénitude des énergies incréées de la nature trinitaire. Chaque don fait par Dieu envers la création et, par excellence, le mystère de la déification de l’humanité en Christ, est un événement dont l’axe est la Sainte Trinité. Dieu le Père, par le Fils dans le Saint-Esprit, dispose avec bienveillance du mystère de la déification-onction, lequel est réalisé par le Christ en personne tandis que l ’Esprit-Saint l’assiste d’une manière particulière. La grâce divine, richesse inépuisable d’énergie de la divinité trinitaire, par l’action du Saint-Esprit – lequel « achève » l’énergie trinitaire en l’insérant dans l’existence créée en dépassant ainsi sa séparation de la vie de Dieu – descend sur terre et réside à jamais dans la nature humaine du Christ, puisque cette dernière est enhypostasiée par le Verbe même de Dieu.         Le Christ, donc, est la nouvelle existence, le « deuxième homme » qui, en recevant la plénitude de la divinité incréée, est devenu une source inépuisable de sainteté et de grâce. De ceci témoignent de manière décisive la Nativité paradoxale, le Baptême, l’Enseignement et les Miracles, la Transfiguration et enfin la Croix, la Résurrection et l’Ascension, qui sont des événements qui révèlent progressivement l’œuvre de l’économie divine : par le biais de l’unicité de l’hypostase, l’humanité du Christ égale la divinité et devient, elle aussi, la source des énergies et des forces incréées.

 

Jacques Lison dans son ouvrage « l’Esprit répandu, la pneumatologie de Grégoire Palamas’ met en avant cet aspect trinitaire en y intégrant le rôle de l’Esprit. Dans le mystère trinitaire, les relations des personnes sont toujours simultanées. Il n’y a aucun décalage, aucune dégradation, aucune transition de l’un à l’autre ; aucune subordination de l’un à l’autre. C’est vraiment important de voir que chaque personne divine est à la fois unique et qu’elle porte les deux autres en elles. Le Père, non seulement engendre le Fils et fait procéder l’Esprit Saint, mais il les porte en lui ; il les porte en lui de telle manière que le Fils et l’Esprit sont dans le Père. Le Père est dans le Fils et le Fils est dans le Père. Et de même nous pouvons dire, le Fils porte en lui le Père et l’Esprit Saint. Le mouvement d’Amour infini du Père, va du Père au Fils et le Père donne et transmet au Fils tout ce qu’il est, toute sa vie divine, toute sa plénitude, toute sa sainteté, tout son Amour, tout son être. Il le fait dans l’Esprit Saint. Les missions divines du Fils et de l’Esprit sont indissociables.

Saint Grégoire le signale lors de ces homélies pour chaque fête :

-          L’annonciation :

Le Fils a été engendré mieux « il s’est lui-même abaissé par la bienveillance du Père et la coopération de l’Esprit » [16] . « L’Esprit viendra sur toi et pour un surplus de sanctification, préparant et préordonnant l’œuvre de Dieu en toi ; et la Puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre, par son contact avec toi pour modeler l’humanité afin que celui qui naîtra soit saint, Fils de Dieu, puissance de Dieu dans la forme de l’homme… [17]

L’humanité du verbe est divinisée par l’une des trois hypostases. Le Christ a reçu l’Esprit dans sa plénitude. En tant que Dieu, le Verbe a en lui la source de l’onction et en tant qu’homme il est oint par l’Esprit qui lui est coéternel et naturel. Le Christ, Verbe incarné a donc reçu l’Esprit, mais il est le seul à l’avoir reçu sans mesure. [18] Il est important de souligner que le Fils est descendu dans le sein de la Vierge selon son hypostase et l’Esprit selon sa seule énergie. Cette énergie agit en plénitude sur l’humanité du Christ. Mais en tant que Dieu l’Esprit l’accompagne comme un être d’égale dignité.

« Si le Verbe s’est incarné ce n’est pas pour nous donner quelque chose de créé, mais l’Esprit Saint. Par l’intermédiaire de la Vierge, ‘les battants des cieux se sont ouverts. Ce ne fut pas un nouveau déluge ; mais par la manifestation et renouvellement du monde pour envoyer l’Esprit. La rosée de l’Esprit, la douceur commune de nos âmes, la lumière qui dépasse l’entendement, qui est grande et inaccessible, qui illumine tout homme venant en ce monde’. La mystérieuse kénose du Fils a eu pour effet que d’une autre manière à nouveau mystérieuse, la grâce de l’Esprit est répandue jusqu’à nous ; elle rend temple d’elle-même chacun de ceux qui en sont dignes. » [19]

 

-          Le baptême du Christ

Le baptême du Christ dévoile la manifestation trinitaire. Toute initiative vient Père qui envoie l’Esprit. Le Christ attire la grâce de l’Esprit dans l’eau baptismale pour nous la communiquer. « Par le Christ les cieux nous ont été ouverts, et c’est lui qui nous a purifiés, par Lui-même il n’avait pas besoin de purification, ni que les cieux s’ouvrissent ainsi… » [20]

« A cause de l’impeccabilité de notre nature en Christ, et de sa docilité à Dieu, nous qui nous unissons en Christ sommes devenus des enfants de sa bienveillance, et des fils bien-aimés ; et le ciel s’est ouvert pour nous, au point que l’Esprit de Dieu descende sur nous, qu’il demeure en nous et que par lui, le moment venu, nous soyons élevés aux cieux, lorsque celui qui a réveillé le Christ d’entre les morts vivifiera également nos corps mortels, par son Esprit habitant en nous : il transfigurera notre corps de misère et le rendra conforme au corps de gloire du Christ, par qui nous avons acquis la richesse de l’immortalité, nous avons été rappelés aux cieux, et notre nature a été intronisée dans les cieux par-dessus toute principauté et puissance, à la droite de la Majesté » [21]

Jésus a ouvert au Jourdain le chemin du salut et s’est porté garant du don du Saint-Esprit à ceux qui le suivent et sont baptisés comme il a suggéré et prescrit de le faire. « … la grâce divine du Corps vénérable s’en déverse sur tous comme d’une source et coule sur tous ceux qui en sont dignes, les illuminant divinement et les libérant de la malédiction ancestrale » [22]

Le dessein de Dieu est de combler l’humanité de son Esprit. Si le Christ reçut l’Esprit, c’est pour le manifester dans chaque baptisé.

 

-          La transfiguration

Nous devons accorder une place spéciale à ce mystère qui fonde l’expérience mystique de l’Église orthodoxe.

Pour Palamas, à la suite des pères de l’Église, la transfiguration est un avant-goût de l’expérience mystique postpascale. Pour Palamas la gloire du Thabor ne fut pas une simple émanation du corps du Christ. Elle était la lumière divine unie en l’hypostase du Fils à ce corps. La nuée lumineuse qui suivit et la voix qui en sortait attestèrent que le Père et le Saint-Esprit brillaient avec celui qui resplendissait par son corps, l’Esprit en particulier illumina le Christ par la nuée, il montra ainsi que le Fils était de même nature que le Père et que la lumière était une.

« Évidemment, accompagnant le Seigneur, totalement invisibles, se trouvaient là le Père et l’Esprit saint, l’un témoignant de sa propre voix que : celui-ci était son fils bien-aimé », l’autre l’illuminant de sa nuée lumineuse, montrant que le fils était de même nature que lui et le père et que la lumière était une car leur richesse, c’est la communauté de nature, et l’unique jaillissement de la splendeur…. » [23]

Palamas souligne la permanence objective de la splendeur divine dans l’humanité du Christ :

« Ce n’est pas une splendeur étrangère qui s’est révélée, mais celle qu’il avait en lui invisiblement ; oui il avait caché sous sa chair, la splendeur de la nature divine ; aussi cette lumière est-elle celui de la divinité et elle est incréée. Et le Seigneur fut transfiguré, selon les théologiens : ’non en s’adjoignant ce qu’il n’était pas, mais en manifestant à ses propres disciples ce qu’il était, en leur ouvrant les yeux et en leur donnant la vue, à eux qui étaient aveugles’…. » [24]

Maurice Zundel [25] dans son homélie de la transfiguration rejoint Grégoire Palamas et souligne que le Christ est venu révéler à l’homme qui il était... dans toute sa beauté.

« Le changement s’opère dans les disciples, leurs yeux furent un instant éblouis par la lumière divine toujours présente dans le Christ. Ils ne le furent pas grâce à leur propre puissance, ni aucune faculté naturelle, mais par celle naturelle de l’esprit qu’ils reçurent de l’Esprit qu’ils reçurent du transfiguré. Car il n’y a pas de doute que le Christ était ce qu’il apparaissait sur la montagne de la Transfiguration (Mt. 17, 1-8) ; si les apôtres qui l’accompagnent, ses trois amis, Pierre, Jacques et Jean, s’ils sont éblouis devant cette splendeur, ce n’est pas qu’elle fût absente au jour le jour de la vie de notre Seigneur, mais les yeux des apôtres, comme plus tard ceux des disciples d’Emmaüs, ne pouvaient pas percevoir ce rayonnement parce que, il n’y avait pas en eux assez de transparence, assez de pureté, assez d’amour, assez de générosité pour entrer dans ce domaine de la pure lumière et de l’éternel amour. Le Christ n’est pas venu seulement sauver notre âme. D’ailleurs, qu’est-ce que cela voudrait dire ? Le Christ est venu révéler à l’homme qui il était, il est venu accomplir l’homme dans toute sa grandeur, dans toute sa dignité, dans toute sa beauté et c’est pourquoi une des plus belles prières de la liturgie, qui fait magnifiquement écho au mystère de la Transfiguration, c’est : " O Dieu, qui avez créé l’homme dans une admirable dignité et qui l’avez plus magnifiquement encore restauré..." »

C’est donc parce que les Apôtres ont changé qu’ils ont pu voir le changement, la transfiguration dans la forme divine du Christ ; non pas son essence divine, qui est inatteignable et que par conséquent ils n’auraient pas pu supporter, mais ses énergies - en quelque sorte les rayons du soleil - par lesquelles, dans son amour infini, il sort éternellement de lui-même pour se rendre connaissable et visible. Par la lumière de Dieu les apôtres se sont trouvés pénétrés, illuminés ; ils ont pu se voir, voir Dieu et resplendir à leur tour puisque Dieu, selon Grégoire Palamas, s’est rendu visible non seulement à leur intellect (nous), mais aussi à leurs sens corporels qui ont été « changés par la puissance de l’Esprit divin ». Accessible aux sens et à l’intellect, la lumière divine « transcende en même temps toutes les dimensions de notre condition de créatures, nos sens et notre intellect… L’homme peut donc contempler, avec ses yeux de chair transformés, la lumière du Christ, comme les disciples ont pu, de leurs yeux transfigurés, contempler la gloire du Christ sur le Mont Thabor ». Tout comme les apôtres il nous est possible à nous aussi de voir Dieu avec les sens du corps, non pas les sens ordinaires, mais, redisons-le à nouveau, changés par la puissance de l’Esprit divin. Changement contenu, toujours selon Grégoire Palamas, dans « l’assomption même de notre nature par l’union avec le Verbe de Dieu ». C’est dans la mesure où nous sommes en Christ que l’humanité du Christ pénétrée par la lumière de l’Esprit se communique à notre humanité. Ainsi, pour Grégoire Palamas, la lumière divine est une donnée pour l’expérience mystique ; c’est le caractère visible de la Divinité, des énergies dans lesquelles Dieu se communique et se révèle à ceux qui ont purifié leurs cœurs. [26]

-          Le mystère de la Croix

« La croix du Christ fut annoncée et préfigurée par les anciennes générations et nul ne s’est jamais approché de Dieu sans la puissance de la croix » [27]

Le lieu véritable de la théologie négative c’est la croix. La croix signifie à la fois le renoncement et la vision bienheureuse de la lumière (la ténèbre lumineuse pour reprendre l’expression de Grégoire de Nysse). Grégoire Palamas reprend la pensée spirituelle et mystique de Maxime le confesseur. Maxime écrivait dans l’Ambiguum 60  « L’homme devient Dieu autant que Dieu devient homme, car l’homme est élevé par des ascensions divines dans la mesure où l’homme s’est anéanti, par amour des hommes, en parvenant sans changement jusqu’aux extrémités de notre nature. » et dans l’Ambiguum 10 : « On dit que Dieu et l’homme se servent mutuellement de modèles ; Dieu s’humanise pour l’homme dans son Amour de l’homme, dans la mesure où l’homme, fortifié par la charité s’élève pour Dieu. L’homme est ravi par Dieu vers l’inconnu selon l’esprit dans la mesure où il révèle par ses vertus le Dieu naturellement visible… »

C’est un effet par ses actes que l’homme régénéré témoigne de sa condition nouvelle. « Le Christ nous donne l’adoption filiale en octroyant la naissance de grâce dans l’Esprit, naissance d’en haut, au-dessus de la nature, que garde et conserve en Dieu la décision libre de ceux qui sont nés ainsi. Ils veillent avec amour, au moyen d’une décision droite, sur la grâce reçue et embellissement par la pratique attentive des commandements la beauté donnée par grâce. Ils participent ainsi à la divinité par la kénose des passions dans la mesure où le Logos de Dieu, en accomplissant volontairement selon l’Economie sa propre kénose par rapport à sa gloire sans mélange est devenu vraiment homme… » (Maxime le confesseur)

Grégoire Palamas lie le mystère de la croix à l’ascèse transformante du chrétien : « Comment pourrait-on être renouvelé ou devenir ami de Dieu dans l’esprit si l’on n’a pas aboli le péché et la vie charnelle ? Or c’est cela la croix du Christ, c’est l’abolition des péchés… » Le mystère de la Croix nous révèle que : « nous sommes crucifiés pour le monde et les passions quand ceux-ci nous fuient… car lorsque nous accédons par la pratique, à la contemplation, que nous embellissons notre homme intérieur et le purifions, en recherchant le trésor divin caché en nos âmes et en contemplant le royaume de Dieu qui est en nous, alors nous sommes crucifiés pour le monde et pour les passions… Suivre le Christ signifie évidemment selon son évangile, donner exemple de toutes vertus et de toute piété… Se charger de la figure et de la signification de la croix et accompagner le donateur de vie, cela signifie devenir incapable d’accomplir quoi que ce soit qui déplaise à Dieu… C’est crucifier sa chair avec ses convoitises. » [28]

Telle est la voie de l’indispensable ascèse de l’imitation du Christ (le libre acquiescement de Christ à la volonté crucifiante du Père). Enté par le baptême sur le Christ ressuscité, le chrétien est invité à se conformer jusqu’au bout à son sauveur et a accepté par libre vouloir une mort qui n’est plus pour lui une mort, mais l’acte suprême de la charité. Alors seulement l’action divinisante du Logos incarné pourra s’exercer pleinement et introduire l’homme dans la communion parfaite à la vie divine ; non pas son intellect seulement, mais sa nature entière.

-          L’Ascension et la Pentecôte

 

Le sens de l’ascension note Palamas est de « faire trôner au ciel avec lui notre nature qu’il a assumée… » « Le Christ monté en gloire au-delà des voutes célestes avec le père et l’esprit, le Christ qui nous a rendus fils de Dieu ; car dire qu’il nous a adoptés n’est pas un vain mot : c’est dans la communion de l’Esprit divin, par sa chaire et son sang, qu’il nous a fait habité auprès de Dieu et les uns auprès des autres… Aussi protégions par un amour indissoluble cette unité avec les autres…  [29] » Il est important de souligner, à l’instar de Maxime le confesseur que la vie nouvelle en Christ dans l’Esprit Saint, passe par une vie en communion avec Dieu et avec nos frères. Dans son homélie sur la Pentecôte, Grégoire Palamas nous dit que l’esprit se manifeste dans le sens où sa présence devient active. Ce qui le rend visible, c’est son action. C’est-à-dire sa grâce et son énergie qui sont communes au Père au Fils et à l’Esprit. « Quand fut venu, après sa résurrection le jour de la Pentecôte dont nous faisons mémoire aujourd’hui, tous les disciples étaient rassemblés en un même lieu et se tenaient ensemble dans la chambre haute de ce sanctuaire ; mais chacun se tenait également dans sa chambre haute intérieure et s’était unifié dans propre intelligence. En effet, ils étaient persévérants et attentifs dans les louanges de Dieu [30]  ». Nous retrouvons là le thème de l’hésychasme : la prière perpétuelle, l’attention, la vigilance, l’unification de la personne, qui nous rendent aptes à accueillir l’esprit.

Le vent de la Pentecôte vient « du ciel pour appeler à soi tout souffle sur le ciel, verser la grâce sur tous ceux qui s’avancent avec foi et les en emplir. [31]  » La violence du vent indique que l’Esprit « triomphe de toutes les forteresses du malin, brise les liens du péché et libère de tout esclavage. Ce vent rempli la maison où les disciples étaient assis, il l’a rend piscine spirituelle, il accomplit la promesse d’un baptême dans l’esprit. »

L’image des langues de feu montre la consubstantialité de l’Esprit avec le Père et le Fils ainsi qu’une indication de la mission des apôtres… 

« Et ils vinrent sur eux, comme des langues de feu qui se partageaient, il en siégea une sur chacun d’eux et tous furent remplis de l’Esprit Saint, et ils parlaient d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer… » « Mais pour quelle raison le vit-on sous la forme de langues ? Pour montrer qu’il est de même nature que le verbe de Dieu : en effet, rien n’est plus apparenté au verbe que la langue… Mais aussi à cause de la double action de la proclamation des apôtres, car celle-ci peut administrer à la foi les bienfaits et le châtiment ; et comme le feu a pour nature d’illuminer et d’enflammer, de même la parole de l’enseignement selon le Christ illumine [32]  » Palamas souligne que cette expérience des apôtres n’est pas de l’ordre intellectuel, ni une réalité sensible, mais cette grâce divine remplit l’intelligence et les sens, se révélant à l’homme entier et surpasse en même temps tous les sens de l’intelligence.

Palamas va opérer une distinction importante en Dieu entre essence, énergie et hypostase.

« Pour quelle raison encore les langues parurent-elles se partager sur eux ? Parce qu’au Christ venu d’en  haut, et à lui seul, l’Esprit a été donné sans mesure par le Père ; oui en plénitude il possédait, même dans sa chair, la puissance et l’énergie divines, et nul autre n’a contenu tout entière la grâce de l’Esprit ; ce n’est qu’en partie que chacun obtient le charisme qui lui revient ; afin que nul n’aille penser que la grâce donnée aux saints par l’Esprit est une nature. Quant au terme « il en siégea », il ne suggère pas seulement la dignité qui revient au maître, mais aussi l’unité de l’Esprit divin : il en siégera une sur chacun d’eux, et tous furent remplis de l’Esprit Saint ». Car en se partageant selon ses différentes puissances et énergies, l’Esprit est tout entier présent, et agit tout entier dans chacune de ses énergies, Se partageant sans division, participé dans sa totalité à l’image des rayons du soleil…. Oui ils étaient devenus des organes de l’Esprit divin, agissant et se mouvant selon sa volonté et sa puissance : or tout organe reçoit sa nourriture de l’extérieur, et participe non à l’essence, mais à l’énergie de celui qui agit par lui…  [33] »

 Dieu se révèle au travers de son opération, ses énergies tout en restant transcendant. L’être humain divinisé en Dieu n’est pas uni à lui en hypostase divine, une union de cette sorte ne s’est produite dans la personne du Christ (en plénitude), mais par grâce ou par énergie. La participation aux énergies divines, à la grâce déifiante, n’est pas automatique, mais dépend aussi de la réception de l’homme appelé à se libérer des convoitises de la chair et à s’unir à l’Amour du Christ.

Cette grâce divine donnée est incréée [34] . « Les opérations ou énergies ne sont pas des actes, mais des « processions », des « débordements » pour ainsi dire, de la nature divine, par lesquels Dieu existe en dehors de Son essence. Les énergies ne sont pas des actes, mais un mode d’existence de Dieu, en vertu duquel Il existe, en même temps, dans Son essence inaccessible et, en dehors de l’essence, « le Même et l’Autre »Car si le Dieu des philosophes peut n’être qu’une essence, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Dieu de Jésus-Christ est plus qu’une essence. « La grâce ou illumination déifiante n’est pas l’essence, mais l’énergie divine », dit saint Grégoire Palamas - énergie qui nous unit à Dieu, qui accomplit notre « déification ». C’est pourquoi l’énergie déifiante est souvent nommée « divinité » tout court, dans la théologie orthodoxe. » [35]

 

 


-          Conclusion

 

L’ultime dessein de Dieu au travers des homélies méditant les événements liés à l’incarnation du Verbe est la divinisation de l’homme par la grâce de l’Esprit. Si le Christ fut comblé sans mesure de l’Esprit dans sa vie terrestre, ce fut pour que nous soyons à notre tour renouvelés par la grâce de l’Esprit. L’Esprit n’a pas un rôle passif, son œuvre traverse l’économie du salut. Elle est inséparable de l’œuvre du Fils envoyé par le Père.

Les énergies étant des processions naturelles de Dieu, communes aux trois Personnes de la Trinité, comme leur est commune l’essence - il faut conclure qu’au même titre la grâce qui est une énergie donnée aux êtres humains, doit être commune aux trois Personnes - Père, Fils et Saint-Esprit, tout en nous étant communiquée par la personne du Saint-Esprit. C’est pourquoi le Christ dit aux Disciples, leur annonçant la descente de l’Esprit Saint : « Il Me glorifiera, parce qu’Il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera (Jean, 16, 14). » « Ce qui est à Moi », selon l’interprétation des Pères est la nature commune au Fils, au Père et au Saint-Esprit, nature à laquelle nous sommes appelés à participer, dans les énergies ou, ce qui revient au même, par la grâce, selon la parole de saint Pierre – ‘pour que nous entrions dans la communion divine’. Une autre conclusion s’impose : la Personne du Saint-Esprit qui nous confère la grâce, le Don déifiant, est distincte de ce Don, comme les Personnes de la Trinité sont distinctes de leur nature et des énergies propres à cette nature.  [36] La grâce divine a sa source dans le Père, qui a sa manifestation dans le Fils, le Christ et qui est communiquée dans le Saint-Esprit. C’est un Esprit de Communion. Il est celui qui fait la liaison entre nous et le Fils, entre nous et le Père en faisant de nous des frères du Christ en nous faisant fils du Père, en rayonnant aussi de nous. Si nous sommes unis au Fils Dieu resplendit de nous, vers le Père et vers nos frères, comme il resplendit du Fils. Grégoire Palamas souligne bien ce caractère dynamique du rôle de l’Esprit qui resplendit en chacun de nous.

La théologie orthodoxe ne parlera pas de grâce créée, car le don c’est l’Esprit lui-même (non dans son essence, mais dans ses énergies), or si l’Esprit lui-même est créé il est impossible à l’homme de participer à la nature divine. « Que personne ne dise que l’énergie naturelle du Saint-Esprit fait partie des choses créées, ce qui reviendrait que l’Esprit lui-même est une créature »

« L’homme a été créé en vue de la déification. Mais l’homme en tant que créature possède aussi sa consistance propre, il n’est pas de nature divine. Pour décrire le mystère de cette union de la personne humaine avec son Créateur, Palamas a écarté l’idée d’une union selon l’essence qui s’applique seulement aux personnes trinitaires entre elles, tout comme celle d’une union selon l’hypostase ou la personne qui ne s’applique qu’à l’union des natures divine et humaine dans la personne du Christ. Le seul mode d’union avec Dieu possible pour la nature humaine est celui qui s’exerce selon la grâce, c’est-à-dire selon l’énergie, cette énergie divine étant répandue à travers l’Eglise par l’Esprit Saint. On voit en quoi l’Esprit joue un rôle éminent dans cette doctrine inséparablement théologique et spirituelle… » C’est seulement ainsi que l’homme deviendra alors de plus en plus homme à mesure qu’il passera de l’autonomie de la déchéance à la théo-nomie libératrice, restaurant la communion perdue avec Dieu. (Métropolite Stephanos de Tallin, la centralité de la transfiguration dans la spiritualité orthodoxe)

6 le caractère éthique de la déification

-          C’est l’être entier qui est sauvé (corps, âme, esprit)

Si la grâce est divine (incréée) comment la créature peut – elle la percevoir ? Les pères ont parlé de la transformation, voire de la transfiguration des sens eux-mêmes : le sens et l’intelligence du croyant métamorphosé par la grâce incréée deviennent aptes à percevoir et à concevoir le divin. L’homme, par la grâce de Dieu, délivré du péché [37] , est appelé à vivre en homme nouveau. [38]

L’idée fondamentale que nous retrouvons dans les œuvres des pères de l’Église et que Palamas reprend est que l’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu et qu’il occupe dans l’univers une place centrale. L’homme créé à l’image de Dieu réunit en lui-même les mondes matériels et immatériels. L’être humain est un microcosme qui reflète l’univers et l’unit en lui-même en un seul tout.

« L’homme, ce monde plus vaste contenu dans un monde plus petit, concentre tout ce qui est en un tout complet et couronne toute la création de Dieu c’est pourquoi il a été créé après tout le reste ; de même nous mettons une conclusion à la fin de nos paroles, car nous pouvons appeler cet univers l’œuvre de la parole hypostatique. » [39]

La conception dualiste platonicienne que nous retrouvons chez Barlaam relative à l’opposition âme- corps est étrangère à la doctrine orthodoxe et de Palamas. Une polémique avait surgi, car Barlaam étant un humaniste mariant le rationalisme à un spirituel désincarné remettait en cause la méthode hésychaste. Il ridiculisait les aspects corporels de la ‘méthode’ [40]   (j’y reviendrai) et niait la possibilité d’une participation réelle à la lumière divine. Grégoire enseigne que l’être humain est supérieur à l’ange, car l’homme possède la ressemblance divine dans une plus grande mesure. Cette ‘supériorité’ est liée à l’incarnation du Christ.

« Bien que les anges soient supérieurs à nous à beaucoup d’égard… ils sont cependant au-dessus de nous à certains… que nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu dans une plus grande mesure… » [41]

Par conséquent, le Fils de Dieu est devenu homme […] pour montrer que notre nature a été créée bonne par Dieu […] pour montrer comment la nature humaine fut créée à part de toute chose, et à l’image de Dieu, car sa parenté avec Dieu est si grande qu’elle peut s’unir à lui en une seule hypostase ; pour honorer la chair, cette chair mortelle elle-même, de façon à ce que les esprits orgueilleux ne se considèrent pas, et ne soient pas considérés, dignes d’honneurs plus grands que l’homme, et qu’ils ne se déifient pas sous prétexte de leur incorporéité et de leur apparente immortalité… » [42]

 

Le corps comme l’âme a été créé par Dieu et que l’homme n’est pas seulement esprit, mais l’union du corps et de l’esprit. « L’homme n’est ni seulement une âme ni seulement un corps, mais les deux ensembles créés à l’image de Dieu » [43] . Le fait même de posséder un corps permet à l’homme de communier avec Dieu d’une manière qui est impossible aux anges. « Quel ange pourrait imiter la passion et la mort du Seigneur comme l’homme l’a fait ? »

La divinité du Verbe incarné est aussi « commune au corps et à l’âme, puisqu’elle a déifié la chair par l’intermédiaire de l’âme jusqu’à lui faire accomplir les œuvres de Dieu » [44] .

Grégoire Palamas refuse donc toute vision négative du corps, cela lui semble être même une calomnie à l’égard de Dieu, créateur des corps et provenir d’une vision manichéenne, dualiste de la matière.

Le corps est le temple de l’Esprit Saint et la demeure de Dieu. Depuis l’incarnation nos corps sont devenus le réceptacle de l’Esprit. Le corps peut-être en harmonie avec la grâce. Ceux qui élèvent leur intellect et leur âme vers Dieu voient leur chair se transfigurer, s’élever également, partager la divine communion, devenir elle aussi, un domaine et une maison de Dieu, car elle n’est plus le siège de l’inimitié à l’égard de Dieu et ne possède plus des désirs contraires à l’Esprit. L’inverse est possible : s’adonner aux plaisirs corruptibles des sens, c’est empêcher l’habitation de Dieu en soi et c’est devenir tout entier chair :

« que le plaisir qui vient du corps dans l’intellect donne à ce dernier un aspect corporel… de même le plaisir spirituel qui vient de l’intellect dans le corps n’est pas du tout corrompu par la communion au corps, mais transforme le corps et le rend spirituel, parce qu’alors il rejette tous les appétits de la chair, ne tire plus l’âme vers le bas, mais s’élève avec elle, de sorte que l’homme tout entier devienne esprit, suivant ce qui est écrit : » Celui qui est né de l’Esprit est né de l’Esprit… » [45]

L’ascèse ne réside donc pas dans un mépris du corps, mais consiste à réorienter les désirs, en un retournement de ce qu’il ya de plus mauvais en meilleur, en une énergie (créatrice) tendue vers ce qui est divin, dans une totale aversion du mal et un total attrait vers le bien. A ce propos je me plais à citer une homélie de Maurice Zundel dans lequel notre théologienne hésychaste s’y retrouverait :

« C’est notre être tout entier qui est appelé à la sainteté, et c’est justement le sens même de la pureté, c’est de traiter cet ensemble que nous sommes comme une réalité divine, tout au moins appelée à être divinisé par la Présence de Dieu.

 

On n’imagine pas un sourire sans visage. Il n’y a pas de sourire sans visage et il n’y a pas d’homme sans cette apparence visible, qui nous manifeste les uns aux autres et grâce à laquelle, précisément, nous pouvons percevoir, deviner et échanger, échanger notre intimité avec celle des autres.

La première difficulté vient de là, de ce dualisme anti biblique et finalement antichrétien, qui nous a amenés à imaginer le corps et à penser le corps, comme dit très justement un théologien, à penser le corps, à partir du cadavre. Or, justement, le cadavre n’est plus, le cadavre n’est plus un corps humain, le cadavre n’est plus un corps humain. Il est comme un moulage qui garde l’empreinte du corps humain pour les quelques jours qui précèdent la décomposition, mais le cadavre n’est plus un corps humain. Si nous voulons penser le corps, il faut le penser bien plutôt à partir du germe dans le sein maternel. C’est là que l’homme, c’est là que l’homme apparaît dans son unité, comme une énergie : une énergie créatrice, qui va, justement, emprunter à l’univers de quoi construire un organisme, où la pensée s’exprimera, où l’amour se constituera un visage, où l’action disposera d’un instrument. C’est cette énergie créatrice, qui constitue précisément, tout au long de la vie, la réalité humaine. Et, quand cette énergie créatrice ne peut plus s’exercer sur les éléments du monde qui constituent, soit par la respiration, soit par la nutrition, la condition de notre permanence dans l’existence terrestre, quand cette énergie, énergie créatrice n’a plus prise sur ces éléments, ne peut plus les transformer en elle-même, alors se produit la mort. Il faut donc d’abord recouvrer, reconquérir une vision unitaire de l’homme, qui est tout entier appelé à la vie éternelle, qui est tout entier digne de respect, qui est tout entier consacré, qui est tout entier le règne de la grâce et le Règne de Dieu. Il ne s’agit pas, justement, de séparer le corps comme une réalité honteuse, mais au contraire de le voir toujours et de le révérer comme le temple du Saint-Esprit et comme le corps du Christ.

Une autre confusion qui n’est pas moins difficile à dissiper, c’est la confusion entre le mystère de l’espèce et le mystère de la personne… (M. Zundel à Ghazir, entre le 20 et 27 juillet 1959, aux Franciscaines de Lons-le-Saunier)

La tradition orthodoxe héritée de la tradition biblique et des pères du désert ignore donc le dualisme grec de la chair et de la psyché en lutte, le corps prison de l’âme. Elle ne connaît que le conflit moral entre le Désir du Créateur et les désirs de la créature entre l’appel à la sainteté et le péché – perversion, mais dans ce conflit l’homme tout entier est engagé. L’âme vivifie le corps en fait une chair vivante, et l’esprit les spiritualise. L’esprit ne se juxtapose pas au corps et à l’âme, mais se manifeste à travers le psychique et le corporel en les qualifiant par ses énergies. L’humain peut éteindre cette vie de l’esprit (en Dieu) et se réduire à la chair animale. La pensée de Palamas est un existentialisme, l’humain est à appeler à restaurer l’image divine obscurcie par le péché à se libérer de ses instincts bref à devenir une personne en communion avec un Dieu vivant et ainsi à sortir de son espèce zoologique.

Pour symboliser cette unité corps âme esprit la tradition orthodoxe parle du cœur centre de l’homme, organe et centre spirituel qui intègre toutes les facultés de l’être humain : la raison, les sentiments, l’intuition, la volonté, l’inconscient…. C’est à ce niveau que se tient le moi profond ‘ le Je suis’.

 

-          L’ascèse :

Dépouillement de l’intellect

Tout d’abord purifier notre intelligence. Notre faculté intellectuelle doit devenir humble et réceptive. Dieu n’est pas au bout de raisonnements logiques « les concepts créent des idoles ». L’expérience spirituelle ne résulte pas d’une activité intellectuelle ou imaginative. Dieu est le Dieu vivant qui s’accueille dans le silence (« dans l’hésychia »). Plutôt que de se forger une idole à notre image, il faut nous laisser recréer à l’image de Dieu. « Si un homme rassemble comme il convient les puissances de son âme, s’il se purifie de toute volonté propre et, si d’autre part, il se surpasse et reçoit en lui même l’Esprit qui vient de Dieu et connaît les choses de Dieu, comment cet homme ne verrait-il pas par l’Esprit la lumière invisible ?... Cet homme en effet reçoit des yeux spirituels, il peut voir l’invisible et penser l’incompréhensible… » [46]

Réorienter ses désirs

« Nul ne s’est jamais approché de Dieu sans la puissance de la croix »

L’ascèse est donc un chemin de transformation afin d’accueillir la grâce de L’Esprit qui transfigure notre être tout entier. Elle n’est pas entièrement passive… le but de la vie ascétique ne consiste pas en une mortification qui retrancherait les passions des corps, mais plutôt dans l’acquisition d’une énergie nouvelle et meilleure (vertus) qui permettrait à notre être tout entier d’être transfiguré. Il s’agit de se transformer, de réorienter ses désirs… transformer les passions en vertus. « nous n’avons pas appris que l’apatheia ô philosophe, soit la mort de la partie passionnée de l’âme, mais un retournement de ce qu’il y a en l’homme de plus mauvais en meilleur, en une énergie tendue vers ce qui est divin, dans une totale aversion du mal et un attrait vers le bien… » [47]

L’effort de l’homme est requis, les pères parlent de synergie, Dieu collabore avec l’effort de l’homme qui se met dans des dispositions favorables pour accueillir la grâce divine. Pour l’homme, il consiste en un combat contre les caprices de la chair (passions) « la croix c’est d’avoir crucifié la chair avec ses convoitises ». L’homme est invité à se dépouiller, « à délier les sandales de ses pieds ». Grégoire Palamas se situe dans la lignée des pères du désert, d’Evagre le Pontique et de Saint Jean Climaque dans le chemin de transformation. L’homme est invité à purifier son esprit des passions « car il est impossible à l’esprit dominé par les passions de s’unir à Dieu » [i] [48]

Les passions sont les maladies de ‘l’âme’ qui pervertissent notre être profond, le désorientent, ainsi que nos désirs.

Le chemin de transformation ne s’identifie pas seulement avec la possession des vertus, elle réside dans l’éclat de la grâce de Dieu qui vient par ses vertus. La déification n’est pas l’aboutissement d’un perfectionnement des vertus humaines, mais don de Dieu.

« Revêtons-nous des œuvres de repentir, des humbles pensées, de l’humilité et de la tristesse spirituelle, de la douceur d’un cœur plein de miséricorde, aimant la vérité et recherchant la pureté, car le Royaume de Dieu, non plutôt le roi du ciel, est au-dessus de nous et nous devons nous attacher à lui par les œuvres de pénitence en l’aimant autant que nous le pouvons, lui qui nous a tant aimés… »

Accomplir cette transformation n’est cependant pas possible sas le secours de la grâce et des sacrements.

 

 

 

-          Ascèse personnelle et vie en société

La ville de Thessalonique (du temps de l’épiscopat de Grégoire Palamas) est en proie à des graves conflits sociaux, Grégoire Palamas évêque de cette métropole interpelle ses concitoyens en s’élevant avec force contre les abus des riches et préconisant la répartition des biens. Il exige une paix mutuelle. Nous pouvons reprendre l’expression de Maxime Michel Egger « il n’est pas de transformation de la société sans transformation de soi » [49] . L’ascèse n’est pas une pratique individuelle, mais exige une vie fraternelle en Eglise ouverte sur le monde.

« Cette paix frères, gardons la avec nous, de toute notre force : car nous l’avons reçue comme un héritage de Celui qui vient d’être enfanté, notre Sauveur, et qui nous a donné l’esprit de l’adoption par laquelle nous devenons héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ. Soyons en paix avec Dieu accomplissant les œuvres qui Lui sont agréables, l’intégrité, la vérité, l’action juste, « l’assiduité dans les prières et les supplications », « en chantant et célébrant le Seigneur dans nos cœurs ». Sans nous limiter à le faire avec nos lèvres. Soyons en paix avec nous-mêmes en soumettant la chair à l’esprit, en choisissant un art de vivre accordé à notre conscience, et en mouvant le monde intérieur de nos pensées avec mesure et saintement. Car c’est ainsi que nous mettrons fin à la véritable guerre civile, celle qui a lieu en nous-mêmes ; soyons en paix les uns avec les autres, en nous supportant et nous pardonnant mutuellement… tout comme le Christ, par son seul Amour pour nous, fut miséricordieux, et descendit jusqu’à nous pour nous. Car ainsi avec son assistance et sa grâce, nous serons rappelés de la déchéance du péché, et recevrons grâce à nos vertus le titre de « célestes » ; alors nous aurons notre communauté dans les cieux d’où nous avons reçu l’espérance, la libération par rapport à la corruption, et la jouissance des biens célestes et éternels, en tant qu’enfants du Père céleste… » [50]

Autre exemple :

« … Quant à vous, qui êtes embrouillés dans les affaires du monde, si vous vous abstenez de la cupidité, et de la haine les uns envers les autres, si vous avez un grand zèle pour la vérité et l’intégrité vous ferez vous aussi de toutes vos journées des Sabbats en n’agissant pas en vue du mal… » [51]

7 Vie ecclésiale et sacramentelle

La vie ecclésiale qui s’exprime à travers la vie sacramentelle met l’accent sur la transfiguration de l’humain, en Christ et dans les mystères de l’Église, par les énergies divines.

« … tous les disciples étaient rassemblés en un même lieu et se tenaient ensemble dans la chambre haute de ce sanctuaire, mais chacun se tenait également dans la chambre haute intérieure et s’était unifié dans sa propre intelligence ; en effet, ils étaient persévérants et attentifs dans la prière et les louanges à Dieu » [52]

Il n’y a pas de dichotomie entre la vie sacramentelle, l’écoute de la parole, et la vie liturgique. L’Eglise est le corps mystique du Christ où agit l’Esprit (au travers des sacrements) comme puissance de salut en vue de la transformation de chaque baptisé.

L’Église n’est pas perçue comme une institution où une réalité sociologique, mais comme lieu de communion entre l’homme et Dieu et entre les croyants… communion qui aboutit à une communion entre le baptisé et tous les hommes et l’univers entier…

Grégoire Palamas développe le thème du corps du Christ en appelant les fidèles à la communion eucharistique, il leur rappelle qu’ils doivent être avec le Christ non seulement un esprit, mais aussi un corps. » [53] , Qu’ils sont chairs de sa chair et os de ses os », et que telle est l’union qu’il nous a accordée par l’intermédiaire de ce pain. « Le Christ est devenu notre frère, en communiant à notre chair et à notre sang et s’est ainsi assimilé à nous… Il nous a liés et nous a adaptés à lui-même, comme l’époux le fait avec l’épouse, en devenant une seule chair avec nous, par la communion à ce sang ; il est aussi devenu notre père par le divin baptême qui nous rend conformes à lui et il nous nourrit à son propre sein comme une mère pleine de tendresse le fait avec ses nourrissons. [54]

En vertu de l’économie de l’incarnation, le don de l’Esprit est essentiellement sacramentel. Le corps sacramentel du Christ en est la source. Les deux sacrements importants baptême (Chrismation) et eucharistie sont des sacrements de l’initiation… [55] . C’est l’ensemble du rite baptismal, suivi de l’eucharistie qui rend le chrétien participant de l’Esprit.

Le baptême-chrismation

Grégoire Palamas exprime la transformation baptismale en   termes de nouvelle naissance et de régénération. Cette régénération effet propre du baptême est naissance à un nouvel état, divin. La source de cette nouvelle naissance est l’incarnation du verbe. Le baptême la produit par la venue de l’Esprit, grâce incréée, dans le cœur du baptisé. Ce sacrement se prolonge par la grâce incréée et produit en eux une ressemblance de Dieu qui les déifie progressivement.

« L’eau est purificatrice, mais non des âmes ; elle éloigne des baptisés les souillures, mais non celles qui résultent du péché ; c’est pourquoi avant nous le médecin des âmes est baptisé et pénètre dans l’eau, lui le père des Esprits, le Christ qui porte le péché du monde,…Car il fait demeurer dans l’eau avec lui, en l’attirant d’en haut, la grâce de l’Esprit très saint, de sorte que ceux qui sont baptisés en et pénètrent dans l’eau, il se trouve lui-même en elle, et il les revêt de son Esprit ineffablement et les emplissant de la grâce qui purifie et illumine les esprits raisonnables ; c’est là ce que dit le divin Paul : vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ… » [56]

Dans son homélie des rites du baptême, Grégoire Palamas enseigne le sens des gestes liturgiques et reste ancré dans la tradition patristique et de la pratique ancienne, le baptême est appelé aussi illumination autre manière de parler de la transformation- transfiguration par les énergies divines.

« … l’action de se tourner vers l’Orient fait allusion à la vision de la lumière divine chez celui qui fait le mal… [57]  »

La grâce et la sanctification de l’Esprit reçu par le saint baptême nous affranchis du péché, nous unit au Christ et rassemble les baptisés en un seul corps.

Le rite de la chrismation est la grâce incréée qui divinise chaque baptisé et l’aide dans son combat contre le mal.

« Aussi, et fait participer au corps et au sang du Christ, l’évêque, après avoir revêtu le baptisé d’un habit lumineux, l’avoir oint de la myrrhe divine le laisse aller, ayant montré qu’il est devenu un enfant de lumière, concorporel au Christ et participant de l’Esprit divin. Et de fait, nous sommes régénérés, devenus fils célestes de Dieu de terrestres que nous étions, et éternels, au lieu de temporels, Dieu ayant appliqué le sceau de la filiation par l’onction de cette myrrhe divine, sceau de l’Esprit très saint pour le jour de la rédemption, pour autant que nous ayons gardé cette confession fermement jusqu’à la fin…. » [58]

La grâce baptismale n’est pas magique, elle donne la puissance de devenir enfant de Dieu par un processus de transformation qui suppose la liberté du baptisé et la synergie entre l’homme et Dieu. Dans son homélie Palamas insiste sur l’orthopraxie… une foi vivante par une conduite juste. [59]

L’eucharistie

La prière du cœur développée dans la tradition hésychaste dont Grégoire Palamas en est l’héritier et le défenseur insiste sur le fait que la vie spirituelle a sa source dans les sacrements de l’Église. Le baptême donne la vie ; et l’eucharistie est la nourriture du cœur.

« Le Seigneur nous a donné le sacrement de son corps et de son sang pour nourrir et élevé notre vie spirituelle. C’est la source surnaturelle qui la conserve et la fortifie. Aussi dès les origines du christianisme, les âmes zélées pour la piété considéraient comme le bienfait primordial la communion fréquente… C’est l’opinion commune de tous les saints, qu’il n’y a pas de salut sans communion et qu’il n’y a pas de progrès dans la vie spirituelle sans communion fréquente » [60] L

Le fidèle qui reçoit l’eucharistie reçoit le Christ. La grâce déifiante a sa source dans la communion eucharistique.

Par la participation à l’eucharistie (les saints mystères) le baptisé communie à la vie divine, devient membre du corps du Christ, il devient par la foi réceptif aux énergies divines, qui produisent la grâce de l’union entre Dieu et l’homme.

« Dans le corps même du Christ habite corporellement toute la plénitude de la divinité ; comment n’illuminerait – il pas ceux qui communient dignement au rayon divin de son Corps qui est en nous, en éclairant leur âme, comme il illumina les corps mêmes des disciples du Thabor ? Car alors ce corps source de la lumière et de la grâce, n’était pas encore uni à ce Corps : il illuminait du dehors ceux qui en approchaient dignement et envoyait l’illumination à l’âme par l’intermédiaire des yeux sensibles ; mais aujourd’hui, puisqu’il est confondu avec nous et existe en nous, il illumine l’âme de l’intérieur. » [61]

Nicolas Cabasilas, contemporain de Grégoire Palamas et se situant dans la tradition hésychaste a fait un exposé catéchétique sur les mystères intitulé « la vie en Christ ».

Il s’agit bien de cela la participation aux saints mystères communique la vie donnée par le Christ et nous donne de devenir membres du Christ.

« Le pain de vie nous donne de venir membres du Christ…. Car c’est par la tête et le cœur que vivent les membres ainsi ‘celui qui me mange vivra par moi’ dit le Sauveur… Conformément à ce qui est le rôle normal du cœur et de la tête, nous sommes unis et nous vivons comme il vit lui-même… il nous communique la vie comme le cœur ou la tête aux membres… » [62]

Par les sacrements, la grâce de Dieu (les énergies divines) se manifeste personnellement aux fidèles, qui est chaque fois appelé par son nom lors de la réception du corps et du sang du Christ. La participation aux mystères permet une restauration de l’homme tout entier, dans sa dignité d’être créé à l’image de Dieu. Ce sont des moyens par lesquels se fortifie notre union avec Dieu.

Dans cette optique, nous pouvons dire que l’Église est la vie de Dieu pour les hommes. Vie qui nous fait connaître Dieu comme communion des trois personnes de la Trinité. Pour Palamas, la communion eucharistique qui découle de l’union hypostatique du verbe à notre humanité est une forme privilégiée d’union des baptisés aux énergies de l’Esprit.

La dimension ecclésiale

Palamas est un mystique et n’est pas sensible au caractère institutionnel. L’Église est le corps du Christ. Elle est communion de personnes greffées sur le Corps du Christ. « Les disciples se tenaient dans la chambre haute et chacun se tenait dans la chambre haute de son cœur [63]  ». Le ton est donné, l’Église n’est pas une réalité institutionnelle ou sociologique, mais lieu de communion entre chaque baptisé et Dieu et communiant au même corps eucharistique, les baptisés forment un seul corps. Grégoire Palamas fait référence dans ses écrits au thème paulinien du corps mystique du Christ : « C’est dans l’Église que le Christ entre avec nous en relation très intime… elle recouvre et transcende toutes les relations humaines même les plus proches : Jésus est l’époux, le frère, le père la mère… » [64]  En commentant l’épître aux Corinthiens  Grégoire Palamas explicite que la grâce divine donne la même dignité à tous et que tous forment ainsi un même corps. « Que tous ils étaient un corps, le corps du Christ, qu’ils étaient membres et partie d’un tout, parce qu’ils avaient reçu le même Esprit. » [65]

L’Église est perçue comme une communauté réelle et visible : le baptême nous donne non seulement à voir le Christ en nous-mêmes, mais aussi dans nos frères. En portant le Christ avec lui, chaque chrétien porte en lui tous les frères. Lorsqu’on fait du bien à un chrétien on le fait à toute l’Église… « Qui divisera ceux qui sont un, conformément à la prière du maître, et unis au Dieu unique par le Verbe unique dans le même Esprit…  [66] » ; « Dieu désire que nous, qui sommes nés de lui, restions inséparables de lui et les uns des autres ». [67]

C’est également l’Église qui est la gardienne de la vérité révélée. Cette vérité est la vie de l’Evangile, la parole de vie proclamée par le Verbe fait chair, reçue dans l’Esprit Saint.

N’oublions pas que Palamas est évêque de Thessalonique, qu’il insiste sur la dimension personnelle de la foi parce que des humanistes philosophes remettent en question la possibilité de vivre une expérience spirituelle et de faire l’expérience de Dieu, mais il reste ancré dans la tradition ecclésiale et spirituelle orthodoxe. Comme évêque il affermit ses frères et concitoyens dans la foi, et les exhorte à avoir une vue juste, d’avoir le sens de la justice, de vivre dans la concorde et d’être fidèle à l’enseignement transmis par les évêques.

« Maintenant la promesse s’est donc accomplie, l’Esprit saint est descendu, envoyé et donné par le Père et le fils, brillant sur les saints disciples, les allumant tous divinement comme des flambeaux, ou plutôt, les désignant comme des luminaires établis au-delà du monde et dans le monde entier, eux qui ont la parole de vie éternelle ; et il illumina par eux toute la terre des hommes, on en allume un autre à partir de celui-ci, et qu’ainsi de suite, par succession, on conserve la lumière, celle-ci demeure toujours ; de même en est-il de l’imposition des mains administrée par les apôtres sur leurs successeurs, puis par ceux-ci sur d’autres encore, et ainsi de suite ; la grâce de l’Esprit divin se transmet et demeure à travers toutes les générations, elle illumine quiconque obéit aux pasteurs spirituels et à ceux qui enseignent.

Par conséquent, cette grâce, ce don de Dieu, l’illumination de l’Esprit divin, prodigué par l’Evangile, chaque évêque, successivement, vient les apporter dans sa ville ; mais quiconque repousse l’un d’eux, en ce qui les concerne, brise la grâce de Dieu, renverse la succession divine, se sépare de Dieu, et se trouve livré à des états funestes et à toutes sortes de malheurs : vous l’avez appris parfaitement, il y a peu, par votre expérience. Mais à présent, vous étant tournés vers le Pasteur de vos âmes, qui vous a été désignés par Dieu, si du moins vous m’écoutez quand je vous donne des conseils salutaires, vous célébrerez convenablement, en vérité, la mémoire annuelle de la venue de l’Esprit divin, qui est descendu dans cet inimaginable amour des hommes pour et par lequel le Fils unique de dieu avait incliné les cieux, était descendu, et avait reçu de nous la chair. Oui, quand Celui-ci fut remonté aux cieux avec son corps, s’il n’avait envoyé l’Esprit – Saint à ses disciples pour qu’il les assistât et leur donnât force ainsi qu’à leurs successeurs dans les générations, et à ceux qui enseignent l’Evangile de grâce, la proclamation de la vérité n’aurait pas été annoncée à toutes les nations, et ne serait pas parvenue jusqu’à nous. C’est pourquoi notre Maître, dans son grand amour pour l’homme a désigné comme participants, comme pères et comme serviteurs de la lumière et de la vie éternelle Ses disciples qui engendrent à la vie éternelle, et rendent ceux qui sont dignes, enfants de lumière et pères de l’illumination… [68]  »

L’Église est enracinée dans la tradition reçue des apôtres qui transmettent la grâce divine, les disciples qui se situent dans la succession apostolique transmettent tel un flambeau cette grâce illuminatrice parce qu’ils en vivent… les évêques ne transmettent pas d’abord une doctrine, mais par leur enseignement et leur vie, ils rendent les disciples enfants de lumière et pères de l’illumination. Point de cléricalisme, le ministère des évêques et de rendre chaque chrétien participant à la vie divine. Dans le texte que nous venons de citer nous voyons l’importance accordée à l’illumination (grâce divine) transmise par l’Esprit Saint.

Il est intéressant de noter chez Grégoire Palamas le rôle important du père spirituel pour chaque chrétien ; le père spirituel doit être honoré, ils sont les ministres de la véritable lumière, les biens qu’ils nous transmettent nous régénèrent et nous introduisent dans la vie divine : « tu dois tout honneur et tout amour aux pères spirituels, parce que l’honneur qu’on leur rend et offert au Christ, au très Saint-Esprit en qui tu as reçu l’adoption, et au père céleste de qui toute lignée dans le ciel et sur la terre reçoit son nom. » [69] , « Mépriser les pères spirituels c’est s’en prendre aux énergies divines » [70] .

Ce respect dû au père spirituel est ancré dans la tradition hésychaste et Palamas reconnaît aux pères spirituels (qui ne sont pas nécessairement prêtres) le pouvoir de délier et lier les âmes. Grégoire Palamas ainsi que Syméon le nouveau théologien ne lient pas l’autorité d’absoudre aux seuls évêques et prêtres.

« … tu t’efforceras tout au long de ta vie d’avoir un père spirituel, écrit-il, de lui déclarer toute faute et toute pensée, et de recevoir de lui le remède et le pardon. Car aux pères spirituels a été donné de délier et de lier les âmes. Tout ce qu’ils lient sur la terre sera lié dans le ciel. Et tout ce qu’ils délient sur la terre sera délié dans le ciel. Ils ont reçu du christ cette grâce et cette puissance. C’est pourquoi tu les écouteras, tu ne les contrediras pas pour ne pas mener ton âme à la perdition… » [71]

L’enjeu est de rendre le baptisé participant à la vie divine. Grégoire Palamas conçoit son rôle d’évêque aussi dans cette perspective.

Il en ressort que l’Église n’est pas une structure ni pyramidale ni cléricale, l’Église est le corps mystique du Christ, il n’y a pas de sommet hiérarchique sinon le Christ lui-même. Dans cette Église chaque membre est porteur du même Esprit. L’Église est un corps où les membres sont unis les uns aux autres par la grâce de l’Esprit saint, à l’image de la Trinité, unité parfaite d’Amour, une unité qui est une périchorèse comme une danse dans laquelle chaque personne se trouve là où est l’autre… où chaque personne tout en n’étant pas l’autre est ce qu’est l’autre. En portant le Christ chaque chrétien porte ses frères. Palamas insiste aussi que chaque chrétien doit essayer de rendre saint son corps, son âme, sa vie tout entière, ses activités diverses, il doit sanctifier, avoir une orthopraxie dans la cité [72] .

 

 

 

 


 

Troisième partie

La création : mystère de la présence divine

 

La sanctification du cosmos

La conception de la nature (de l’univers) a toujours oscillé entre le panthéisme – qui identifie la nature à Dieu, et le matérialisme qui objective la nature en lui déniant toute réalité spirituelle. La distinction en Dieu entre l’essence divine inaccessible et les énergies divines permet d’apporter un éclairage salutaire concernant les débats actuels concernant le créationnisme et notre relation à l’univers qui nous entoure

 La crise écologique (et la crise tout court) actuelle avec est due profondément à la vision que nous avons de la nature, de l’être humain et de Dieu. Actuellement, une certaine modernité tend à évacuer le sens du mystère… l’être humain lui-même est considéré comme une pure mécanique déterminée par les gènes, la biologie, et que tout peut – être expliqué par la connaissance scientifique de la complexité du cerveau humain… . La nature est considérée comme une réalité matérielle, sans esprit régie par des lois et des équations mécaniques, cette vision technoscientifique qui dirige l’économie rompt le lien qui relie l’homme au cosmos. Son environnement est soumis à la seule fonction marchande, soumis à la puissance de la rationalité, exploitable à l’envie.

Cette perte de sacralité remonte à la fin de l’époque médiévale (XVe siècle), à l’émergence de la modernité avec la renaissance, le siècle des lumières et la révolution industrielle. La pensée occidentale passe à une conception dualiste des choses. Tout est séparé : L’incréé et le créé, l’humain et la nature, la foi et la raison, le corps et l’âme, la nature et la culture…

Avec la modernité, nous passons d’un divin à la fois transcendant et immanent, à un divin extérieur à la nature et à l’être humain. Dieu relégué dans les cieux, exilé dans une transcendance plus ou moins inaccessible, Il peut continuer d’exister, mais d’une manière abstraite, morte et mécanique, utilitaire et philosophique, cause première… Il devient une figure fonctionnelle, garant de la bonne marche du monde, mais qui ne communique plus rien de son être profond et de sa vie… C’est le règne du théisme. Le christianisme occidental devient à partir du XVIIIe siècle purement moral et accentuant une piété individualiste (je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver)… et pour finir Dieu devient un concept, inutile, et « une menace pour la pensée scientifique » [73]

La tradition mystique qui continue de l’Église orthodoxe (tradition hésychaste) offre une alternative à cette vision ‘objective’ [74] du monde.

La théologie de la divinisation de l’homme présente chez les pères de l’Église ne réduit pas le salut à l‘individu seul. Le péché est vu non comme un manquement moral, mais comme un déracinement, l’homme en se coupant de Dieu a blessé l’univers (et ceux qui l’habitent) et l’a défiguré.

« Lorsqu’Adam sortit du  Paradis, toute la création tirée par Dieu du néant, refusait de se soumettre au transgresseur : le soleil ne voulait plus luire, la lune ne supportait pas de paraître, les astres hésitaient à se faire voir, les sources n’allaient plus jaillir, les fleuves refusaient de couler, l’air méditait de se replier sur lui-même et de ne plus donner le souffle au  révolté ; les fauves et tous les animaux de la terre, en le voyant dépouillé de sa gloire antérieure, le prirent en dédain et tournèrent toute leur sauvagerie contre lui... » (Traité éthique, Syméon le nouveau théologien)

Saint Paul s’exprime en ces termes : « … la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu… » (Rm, 8,19).

Dieu en s’incarnant n’a pas seulement sanctifié l’humanité, mais l’univers entier… L’être humain sauvé par le Christ, sanctifié, illuminé transfiguré par la grâce de l’Esprit devient un être en communion non seulement avec Dieu, mais avec les hommes et les êtres créés…

« Réintégrer les dieux », c’est, dans le langage des Energies incréées, réhabiliter et assimiler en soi les Energies divines, les Energies résurrectionnelles du  Christ. « La menace la plus terrible » est la fermeture des êtres humains à ces Energies, et leur enfermement dans une identité étroitement biopsychique. Comme l’écrivait déjà Maxime le Confesseur. Les modernes que nous sommes, devenons nos propres ennemis, mettant à sac la nature et blessant notre dignité la plus haute. L’humanité globalisée est maintenant la proie d’une sous-culture matérialiste. La planète néolibérale et capitaliste est réduite à une marchandise et les êtres humains à être des loups pour leur prochain. « Civilisation de l’anti-frère ! » tonnait le théologien camerounais Jean-Marc Ela. Nous souffrons maintenant de l’objectivation généralisée du monde et même de la personne humaine, sa réduction à des objets livrés aux stratégies commerciales des puissances de l’argent. Cette réification du monde et des êtres humains constitue sans doute la menace à laquelle Malraux songeait déjà. » [75]

 

L’être humain transfiguré perçoit la présence divine dans l’univers créé, perçoit le sens du mystère, s’émerveille de la beauté de cet univers qui l’entoure.

 

 « Quand en même temps je priais au fond du cœur tout ce qui m’entourait m’apparaissait sous un aspect ravissant : les arbres, les herbes, les oiseaux, la terre, l’air, la lumière, tout semblait me dire qu’ils existent pour l’homme, qu’ils témoignent de l’amour de Dieu pour l’homme ; tout priait, tout chantait gloire à Dieu ! Je comprenais ainsi ce que la philocalie appelle ‘la connaissance du langage de la création, et je voyais qu’il était possible de converser avec les créatures de Dieu. » [76]

 

 Kallistos Ware rapporte que sur la montagne de l’Athos, les moines placent parfois des signaux en bordure des sentiers de la forêt, encourageant ou avertissant les pèlerins dans leur cheminement spirituel. Un de ces messages que l’on pouvait trouver disait : « Aimez les arbres ».

Le père Amphiloque un ancien de l’île de Patmos, mort en 1970, disait : Celui qui n’aime pas les arbres n’aime pas Dieu, lorsque vous plantez un arbre, vous plantez de l’espoir, la paix, l’amour, et vous recevrez la bénédiction de Dieu. »

Les saints sont souvent représentés vivant en familiarité avec les ours, les loups et autres bêtes de la forêt… Pensons à Séraphim de Sarov, à François d’Assise… L’évangile de Marc  nous rapporte que « Jésus victorieux sur les tentations, était avec les bêtes sauvages et que les anges le servaient… » (Mc1, 13)

 

 

 

 

 

 

Quelle est cette connaissance du langage de la création ? [77] La théologie des énergies incréées.

 

La tradition orthodoxe affirme que « Dieu est présent en tout et que toute chose est en Dieu », Dieu est à la fois immanent et transcendant, présent en toute chose et en même temps au- delà d’elles. Dans son essence Dieu est infiniment transcendant, mais dans ses énergies il est le noyau de toute chose. Ces énergies divines sont Dieu lui-même en action. Dieu, tout en demeurant tout entier en Lui-même, habite tout entier en nous et nous communique non pas sa nature, mais sa propre gloire et son éclat. Dieu de par ses énergies divines en présent dans toute la création. Ce que Grégoire Palamas exprime à travers la distinction entre énergies incréées et essence divine, Maxime le confesseur l’exprime en termes de Logos. Le Christ, le Verbe- le Logos, par qui et en qui Dieu a créé le monde, a implanté dans chaque chose créée un logos caractéristique, une pensée, une intention ou une parole qui est la présence divine en cette chose. Chaque chose créée est une parole personnelle du Créateur. Chaque être n’existe pas en lui-même, mais par le logos qui est en lui et qui le fait participer à Dieu. Ces logoi sont des énergies créatrices.

Ces logoi contiennent toute l’information qui définit chaque créature à la fois dans les propriétés communes à leur espèce, leurs caractéristiques individuelles ainsi que leurs relations avec les autres créatures. Car chaque créature existe par sa relation avec les autres.

Ces logoi constituent aussi des lois ontologiques de la nature, les fondements intérieurs de son existence. Chaque créature a sa place propre dans le tout et a son rôle à jouer dans la symphonie, l’harmonie du monde. Ces logoi ne sont pas statiques et ils n’excluent pas une dynamique d’évolution et de développement des créatures dans le temps. La vision des pères de l’Église est une vision dynamique… Pour Grégoire de Nysse, ce mouvement – essence de l’existence- va de commencement en commencement sans fin. Maxime le confesseur parle de ces logoi comme des énergies. La parole divine résonne dans la création, l’univers parle de Dieu et Dieu par à travers elle. Les pères de l’Église avaient cette conviction que l’univers était déjà une révélation divine.

 

 A côté des logoi, il existe une autre modalité de cette présence divine : les énergies divines. [78]

Il est intéressant de noter que chez une mystique occidentale du moyen âge, Hildegarde de Bingen le thème des énergies divines est fort présent et dit bien la pensée orthodoxe actuelle.

 

« C’est moi l’énergie suprême, l’énergie ignée. C’est moi qui ai enflammé chaque étincelle de vie. Rien de mortel en moi ne fuse… Je suis la vie ignée de l’essence » divine. Mes flammes dominent la beauté des campagnes. Je pénètre les eaux de ma lumière, je suis ardeur dans le soleil et dans la lune et les étoiles. Mon souffle, invisible vie, mainteneur universel, éveille l’univers à la vie. Car l’air et le vent maintiennent tout ce qui pousse et tout ce qui mûrit, les eaux coulent, comme vivantes. Même le soleil est vivant dans sa propre lumière… moi l’énergie ignée, suis cachée dans ces choses et leur souffle procède de moi, tout comme l’homme est continuellement mû par sa respiration et comme le feu contient la flamme vive. Toutes ces choses vivent par leur propre essence et ne connaissent pas la mort puisque je suis la Vie. Je suis la vie tout entière ; la vie n’a pas été arrachée des pierres, n’a pas bourgeonné des branches et n’est pas enracinée par le pouvoir générant du mâle. Mais toute chose est enracinée en moi. » [79]

 

Dieu se révèle comme un être de Feu, comme une énergie créatrice. Nous retrouvons un vocabulaire qui a pour thème la lumière, le feu… que nous retrouvons chez les mystiques chrétiens de l’orient…

L’approche qu’adoptent Palamas, Maxime le confesseur, Hildegarde permettent de comprendre avec justesse la puissance créatrice de Dieu. Dieu n’est pas le grand horloger de l’univers, premier moteur, mais il est le feu actuel et constant qui vivifie tout de l’intérieur. Il est la dynamique de l’être, une source perpétuelle de vitalité. Cette énergie pénètre l’univers jusque dans ses moindres particules. Cela permet de comprendre la notion de « commencement », « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (Gn1,1), » Au commencement était le Verbe » (Jn1,1)… Ce commencement (« En arkhé » en grec) ne doit pas être compris dans un sens temporel. La création n’est pas survenue une fois pour toutes dans un passé lointain, mais dans une relation au présent. Dieu est à chaque instant l’ ’arkhé’ constant et incessant, source et énergie, soutien de tout ce qui existe, dynamique de l’être.

 « C’est moi l’énergie suprême, l’énergie ignée. C’est moi qui ai enflammé chaque étincelle de vie… Vie ignée de l’essentialité divine, j’enflamme la beauté des terres, je luis dans les eaux, je brûle dans le soleil, dans la lune, dans les étoiles… » [80]

Il ne convient pas de parler de la création divine comme d’une fabrication, dans cette perspective Dieu le créateur devient le céleste architecte qui met en mouvement le processus cosmique et la laisse ensuite tourner au rythme de son tictac… Dieu n’est plus un Dieu personne. Relégué à jamais au ciel, il devient un concept dont on peut se passer aisément.

Sans exclure la dimension transcendante, la création n’est pas quelque chose sur quoi il agit de l’extérieur, mais quelque chose par quoi il s’exprime de l’intérieur. Nous pouvons parler d’inhabitation divine. Dieu est présent non pas par son essence, mais par ses énergies divines. Transcendant et immanent, Dieu au-dessus et au-delà de la création, en est aussi véritablement l’intériorité. Ce que la tradition orthodoxe appelle le panenthéisme.

Les pères de l’Église ont souligné que Dieu en s’incarnant n’a pas seulement sanctifié l’humanité, mais aussi l’univers. Comme en témoigne cette homélie de Saint Jean Damascène sur la transfiguration :

 « Le jour lumineux de la transfiguration du Christ est aussi le jour de l’illumination et de la sanctification de la nature humaine. En ce jour de l’illumination et de la sanctification de la nature humaine, en ce jour le Dieu homme, le Christ embrasse par sa force toute puissante et toute salutaire la nature humaine obscurcie par le péché, il l’illumine et la divinise. Brillant et étincelant de l’aveuglante lumière de sa très glorieuse divinité, le Christ a illuminé le monde au Thabor. Par sa redoutable transfiguration, le Christ a manifesté le mystère pré éternel qui avait été tenu caché, et les yeux des hommes ont pu voir l’invisible : la chair terrestre brille d’un éclat divin, la chair mortelle étincelle de l’éclat de la divinité. Cela vient de ce que le verbe est devenu chair et que la chair est devenue verbe. La gloire n’a pas été donnée de l’extérieur au corps, elle vient de l’intérieur, de la divinité plus que divine de Dieu le verbe unie hypostatiquement avec sa chair de manière indicible.

… Pour libérer le monde de la transgression… la transfiguration du Sauveur est l’abîme de la lumière inaccessible de la lumière qui se répandait sur le contour du mont Tabor inondant toute la création et en premier lieu la race humaine… Car selon les paroles de Saint Anastase d’Antioche, l’éclat des vêtements du Sauveur désigne le changement de nos corps. Nous sommes devenus les vêtements du Seigneur lorsqu’il a revêtu notre chair.

Il a révélé ainsi la divine élévation de l’homme et le caractère rationnel de son être en montrant quel est le sens de l’être humain, se remplir de lumière et vivre en rayonnant d’elle… Par son incarnation, le verbe a assumé la nature humaine et en se transfigurant sur le Thabor, il a montré la beauté primitive de l’image. Ce qui appartient au Dieu homme appartient simultanément à l’homme. Le Seigneur a fait resplendir à nouveau la nature humaine qui avait été obscurcie par le péché. Il l’a transformée en la splendeur et en gloire durable de la nature divine. »

L’homme transfiguré, transformé par la grâce de l’Esprit est capable de percevoir la gloire de Dieu dans la création : « Mon Dieu ! Comme à ce moment-là je me sentais heureux, il me semblait que chaque herbe, chaque fleur, chaque épi de seigle me chuchotait de mystérieuses paroles sur une essence divine toute proche de l’homme, de chaque animal, de toute chose ; herbes fleurs arbres, terre soleil étoiles et de tout l’univers » [81] .

L’homme sauvé par le Christ, illuminé par la grâce de L’Esprit saint est invité à annoncer la bonne nouvelle à toute la création… « Allez par le monde entier, proclamez l’Evangile à toute les créatures (Cosmos en grec). » (Mc 16,15). Une anecdote raconte que le père Jean Kovalevsky se retrouvant face à l’Océan annonce la résurrection : « Christ est ressuscité ! » et l’Océan de répondre : « cela fait 2000 ans qu’on ne nous l’a plus annoncé. » Chaque créature devient un frère ou une sœur comme en témoigne le cantique des créatures de Saint François d’Assise.

L’humain est un microcosme, il est à la fois relié à l’univers créé et au monde spirituel. Dans l’Eglise et par l’Eglise, il est appelé à se transformer pour libérer le monde de l’emprise du mal et à le sanctifier. Par sa passion et sa résurrection, le Christ sauve non seulement l’homme, mais avec lui toute la création. C’est l’univers entier qui est le champ de l’énergie salvatrice et sanctifiante de la grâce incréée. Le lieu où la création est sanctifiée c’est l’Église. L’Église sanctifie la matière et l’utilise pour la sanctification de l’homme. L’eau devient lieu de purification et de vie ; le pain et le vin, matières transformées par l’homme devient le pain et le vin eucharistiques, l’huile (aussi matière transformée par l’homme) devient signe de l’Esprit Saint… l’Église par la puissance de l’Esprit sanctifie le corps matériel de L’être humain réduit à un corps et une psyché, coupé de sa profondeur spirituelle devient un être « aliéné » [82] . Ce corps n’est pas une prison de l’âme et la matière n’est pas considérée comme mauvaise. Le célébrant lors de la liturgie eucharistique s’exclame ainsi : « car tu bénis ce qui est créé, tu sanctifies ce qui est béni, tu distribues ce qui est sanctifié… »

Rétablir une nouvelle alliance avec la terre, contempler le Cosmos comme une entité vivante, s’émerveiller comme Dieu lui-même et voir que cela est bon/beau, percevoir la gloire divine dans chaque créature implique que nous écartions exploitation et violence, que nous luttions contre les passions, un dépouillement et une humilité, mais aussi une autre manière de partager les ressources limitées de la planète entre les humains.

 


 

Quatrième partie

 

Quelques perspectives

Je voudrais en quelques lignes mettre en lumière quelques pistes (ou ouvertures) et quelques richesses suite à cette méditation de l’œuvre de Grégoire Palamas. Palamas s’inscrit dans une longue tradition, qu’est la tradition hésychaste dont il hérite et qui continue avec d’autres jusqu’à aujourd’hui encore à vivifier la spiritualité orthodoxe. Pensons à Nil de la Sora, Séraphim de Sarov, Jean de Cronstadt, Ignace Briantchaninov, Dimitriu Stalinoë, Saint Silouane, et bien d’autres encore. Tous par leur vie témoignent de la possibilité pour l’homme d’être empli de la grâce incréée.

1-      Il n’y a pas de morale chrétienne. Il y a une mystique chrétienne. Dans le Christ, il n’y a plus de loi. Dans le Christ commence un régime nouveau qui est le régime de la grâce qui est le régime de la liberté. Le salut est perçu comme une divinisation de l‘être humain. Comment pourrions reconnaître la grandeur de Dieu, si nous n’étions pas appelés à la grandeur. « Ah si Dieu existait que ne serai-je Dieu ! » s’est exclamé Nietzche rejetant le Dieu moral, écrasant et pervers du monde chrétien occidental du XIXe siècle. Comme dit Maurice Zundel, il est étrange que des théologiens qui ont insisté sur la transcendance divine l’ont fait souvent pour écraser l’homme, pour faire éclater le néant de l’homme afin qu’il apparaisse comme rien devant Dieu.

« Mieux on saisit la transcendance de Dieu, plus profondément on atteint la profondeur de l’homme, il y a justement une part de nous-mêmes qui s’enracine en Dieu, une part de nous-mêmes qui n’est connaissable qu’à travers Dieu, qui est aussi secrète, aussi mystérieuse, aussi profonde que Dieu même, parce qu’elle touche à lui, parce qu’elle vit de lui, parce que c’est à travers elle que Dieu se révèle ; un homme qui nous parlerait de la grandeur de dieu sans l’éprouver, qui célèbrerait la transcendance sans la vivre, il ne ferait que remuer des mots, qu’agiter des paroles… ceux-là seuls peuvent vraiment nous conduire à la grandeur de Dieu qui la laissent transparaître en eux ; qui en sont tellement consumés, tellement illuminés, qu’on voit bien qu’ils en vivent à l’évidence, et qu’elle est devenue la respiration profonde de leur pensée et de leur cœur… » [83]

2-      L’Eglise n’est pas d’abord une institution, elle est le corps mystique du Christ, elle est lieu de communion entre chaque membre. Chaque baptisé est invité se à tenir dans la chambre haute de son cœur. Le christianisme est une ‘religion’ de la révélation de la personne (et non une religion de masse). Dans la solitude (non dans l’isolement) et le silence, le chrétien est invité à se recueillir, à respirer l’Esprit Saint, à se débarrasser de l’agitation du monde extérieur, se purifier du mouvement désordonné des pensées, des images, des représentations, des idées, de s’intérioriser et s’unifier. A se libérer des  images et des discours de propagande (idéologie politique ou religieuse), de la société de consommation.

« Aujourd’hui l’extension des villes, la population nombreuse et la culture de masse semblent être des obstacles à une solitude vitale, nécessaire à chacun. Mais, s’il le veut vraiment, un individu peut à tout instant s’abstraire, fermer la porte aux bruits du monde, aux sollicitations extérieures, éteindre la télévision et son flot chaotique d’images, couper le téléphone, espion et intrus. Chacun a la possibilité de se retirer quelques heures et vivre pour soi… Imaginez si tous se mettaient à savourer les bienfaits de la solitude on ne pourrait plus les tenir ! Ils deviendraient libres, forts et intelligents ! Ils rechigneraient dès lors aux tâches insignifiantes de la société et aux compromissions imposées par la vie en société, ils ne formeraient plus un marché ni un public bon à sonder manipuler et abrutir… » [84]

Les pères du désert, les moines hésychastes ont ‘fui’ dans la solitude du désert pour retrouver le cœur à cœur avec Dieu et ont, d’une certaine manière, contesté le pouvoir ecclésiastique en retrouvant le dépouillement.

Une réflexion pourrait être menée quant au ministère du sacrement de pénitence (réconciliation-guérison)… Grégoire Palamas  reconnaît aux pères spirituels (qui ne sont pas nécessairement prêtre) le pouvoir de délier et lier les âmes. Grégoire Palamas ainsi que Syméon le nouveau théologien ne lient pas l’autorité d’absoudre aux seuls évêques et prêtres. L’Eglise pourrait confier ce ministère (via un mandat épiscopal) aux pères ou mères spirituelles agissant dans l’Eglise et reconnus par elle.

3-      La théologie des énergies divines permet d’aborder la création, l’univers, la nature non comme un objet à exploiter, mais comme lieu de la théophanie divine. Cette lecture théologique absente dans la théologie occidentale permet de dépasser le débat stérile concernant la création (raison et la foi). La création n’est pas perçue comme une fabrication magique d’un Dieu extérieur, vision qui nie les théories de l’évolution (créationnisme). Au contraire, la création, imprégnée des énergies divines et dont chaque créature est porteuse d’un logos, a sa dynamique propre et son autonomie. L’être humain avec son intelligence est appelé à déchiffrer le mystère. Mais la raison ne peut prétendre à expliquer tout, elle doit être fécondée par la lumière divine… le scientifique croyant peut unir en lui la foi et la raison en déchiffrant les mystères et la raison de chaque créature, pouvant le conduire dans une attitude d’émerveillement et d’étonnement. La rationalité scientifique peut être fécondée par l’intelligence du cœur.

4-      La théologie orthodoxe de Palamas réintègre la place du corps et de la matière. C’est l’être humain tout entier corps – âme- esprit qui doit être sauvé et illuminé. Les nombreuses maladies psychiques de notre époque tiennent à l’ignorance de cette dimension spirituelle et de cette anthropologie. De plus, l’être humain n’est pas une simple mécanique déterminée par la génétique et le biologique, l’oubli de sa dimension spirituelle conduit à en faire une simple machine : L’être humain réduit à un corps et une psyché, coupé de sa profondeur spirituelle devient un être « aliéné ». [85]

De plus, depuis la renaissance ou la nature est désacralisée, exploitable à merci, l’être humain est coupé de sa relation à la nature. La dimension cosmique de la spiritualité a été occultée, la religion chrétienne devenant une morale piétiste individuelle et étouffante. Il n’est pas étonnant que la dimension mystique ait disparu en occident à partir de la fin du XVIIe siècle pour réapparaître fin du XIXe siècle.

La liturgie chrétienne occidentale (aussi bien chez les réformés que chez les catholiques) a perdu le sens des symboles, symboles qui nous rattachent au Cosmos. La liturgie orthodoxe même populaire a gardé précieusement cette dimension cosmique. La crise écologique nous invite à retrouver notre communion à l’univers.

5 - Réorienter ses désirs pour changer le monde. La mystique de Grégoire Palamas rejoignant l’expérience spirituelle des chrétiens (et des autres religions), nous invite à réorienter nos désirs pour opérer un changement dans le monde. Toutes les tentatives dans l’histoire pour changer réformer révolutionner la société à partir des seules structures ont fini par échouer ou mal tourner. La révolution française a débouché sur la violence et la dictature délirante de Napoléon (sacré par le pape), le communisme a débouché sur le totalitarisme et l’étouffement de la personne, le nazisme sur le génocide des juifs… 

« Je ne crois pas que nous puissions corriger quoi que ce soit au monde extérieur que nous n’ayons d’abord corrigé en nous ; L’unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs ». [86]

Une légende rapporte que Lénine aurait avoué sur son lit de mort qu’il aurait fallu Saint François d’Assises pour révolutionner la société.

Les échecs de ces révolutions sont dus à l’incohérence de leurs promoteurs qui n’ont pas intégré dans leur être ni mise en œuvre dans leur vie les valeurs et leurs idées qu’ils prônaient. Pour réformer la société, il faut être en mesure de se réformer.

Ce qui empêche le processus d’un changement social et politique, ce sont aussi nos propres démons intérieurs. Que nous appelons passions : ce sont nos envies, nos égoïsmes, notre soif de pouvoir, notre soif d’argent…

                6 -L’antinomie : (la pensée paradoxale)

Pour Grégoire Palamas la théologie n’est pas un système clos élaboré par la raison : elle s’inscrit dans une expérience spirituelle et s’enracine dans la tradition biblique « il est propre à toute théologie qui veut respecter la piété d’affirmer une chose, tantôt une autre (contraire) lorsque les deux affirmations sont vraies ». Le divin ne se laisse pas mettre en boîte par nos schémas logiques. Dieu est la fois un et multiple (Trinité), le Christ est homme et Dieu, transcendant et immanent… l’antinomie préserve le mystère… Dieu est au-delà de notre raison, la communion divine est le fruit d’une expérience spirituelle supra-intellectuelle qui touche l’être humain tout entier.

 

Agis de telle sorte que la vie éternelle s’entrouvre pour toi, et que tu irradies ses énergies sur toute la création. (Nicolas Berdiaev)

Bibliographie

Elisabeth Behr Sigel, le lieu du cœur, initiation à la spiritualité orthodoxe, éd. Du cerf, 1989.

Olivier Clément, Sources, éd. Stock, 1982.

M- A Costa de Beauregard, Dumitru Stalinoae « Ose comprendre que je t’aime », éd. du cerf.

Michel Maxime Egger, la terre comme soi-même, repères pour une éco spiritualité, Labor et Fides, 2012.

 Paul Evdokimov, l’Orthodoxie, Théophanie, éd. Desclée De Brouwer.

Archevêque Basile Krivochéine, Dieu, l’Homme et l’Église, Patrimoines orthodoxe, éd. du Cerf, 2010.

Jean – Yves Leloup, Ecrits sur l’hésychasme, Une tradition contemplative oubliée, coll. Spiritualités vivantes, éd. Albin Michel,1990

Jacques Lison, l’Esprit répandu, la pneumatologie de Grégoire Palamas, éd. du cerf.

Jean Meyendorff, Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, coll. Maîtres spirituels, éd. Du Seuil.

Jean Meyendorff, introduction à l’étude de Saint Grégoire Palamas, éd. Du Seuil, Paris 1959.

Grégoire Palamas, Homélies, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

Saint Grégoire Palamas, de la déification de l’être humain, suivi de Georges Mantzaridis, la doctrine de Saint Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain, Georges Mantzaridis, éd. L’âge d’homme.

Jacques Serr - Olivier Clément, la prière du cœur, spiritualité orientale, n°6 bis, éd. Abbaye de Bellefontaine.

Articles et conférences :

Michel Maxime Egger, Réorienter ses désirs pour transformer le monde, La Chair et le Souffle.

Vladimir Lossky, La grâce, conférence donnée dans les années 1950 à l’institut de Théologie orthodoxe Saint Denys (site de l’Église catholique orthodoxe de France).

Métropolite Stephanos de Tallin, La centralité de la Transfiguration dans la tradition orthodoxe, XXIe rencontre internationale et interconfessionnelle des religieuses et des religieux à Neuendettelsau, le 16 juillet 2006.(site de l’Eglise orthodoxe d’Estonie).

Lumière du Thabor, n°41, La contemplation de Dieu dans la création.

Maurice Zundel, Ta parole comme une source, homélies… éd. Anne Sigier.


Table des matières

Introduction

Première partie 

Eléments constitutifs de la spiritualité orthodoxe :

1-L’hésychasme

2-Le statut de la théologie

3-La place de l’Ecriture sainte

4-la théologie mystique du IVe siècle

Deuxième partie

Vie et œuvre de Saint Grégoire Palamas

1-Contexte social et politique

2-Les étapes de la vie de Grégoire Palamas

3-La controverse

4-La doctrine de la grâce déifiante de GP

                -Sagesse profane – sagesse surnaturelle

                -Une vision biblique et évangélique

5-Enseignement de Grégoire Palamas sur la divinisation de l’humain.

                -La création de l’humain à l’image de Dieu.

                -L’incarnation du verbe de Dieu.

                -La capacité de communion de l’être humain avec Dieu dans l’Esprit Saint.

6-Le caractère éthique de la déification.

                -C’est l’être entier (corps- âme - esprit) qui est sauvé.

                -L’ascèse

                - Ascèse personnelle et vie en société.

 

 

 

Troisième Partie

La création : mystère de la présence divine

La sanctification du cosmos

Quelle est cette connaissance du langage de la création ?

 

Quatrième partie

Perspectives théologiques

 

Bibliographie

 

Table des matières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Philocalie signifie amour de la beauté/bonté .

[2] Le premier des moines du désert a été le célèbre Antoine.

[3] Denys l’aréopagite, cité dans Jean-Yves Leloup, Ecrits sur l’hésychasme une tradition ancienne oubliée, spiritualités vivantes, Albin Michel, p95-96.

[4] ibidem

[5] Ibidem p 98

[6] Denys l’aréopagite, les noms divins, cité dans Les homélies spirituelles de Saint Macaire, spiritualité orientale n°40, abbaye de Bellefontaine, p33

[7] Je ne puis m’empêcher d’y voir une analogie  dans l’Occident latin chrétien au XIIIème siècle avec les mouvements de pauvreté évangéliques (dont est issue le mouvement franciscain) et autres mouvements hérétiques (cathares).

[8] Hésychasme : « hésychia » signifiant paix…désigne une forme de vie contemplative monastique recherchant la paix intérieure et le royaume de Dieu dans la solitude et la pauvreté dans la prière continue. Cette vie contemplative prend racine chez les pères du désert  au IVème siècle. Cette forme de vie rejaillira chez les moines du mont Athos…

[9] Apodictique : ce qui peut être démontré.

[10] Notons que  la science  ne se distingue pas de la philosophie.

[11] L’enseignement de G.P. sur la déification de l’homme repose entre autre sur la base biblique de la création de l’être humain à l’image et à la ressemblance de Dieu.

[12]   Grégoire Palamas, Homélie sur l’incarnation, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

[13] Grégoire Palamas contre les messaliens, cité dans Jean Meyendorff,  Introduction à l’étude de la Pensée de Grégoire Palamas.p224

[14] Grégoire Palamas, Homélie sur l’incarnation, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

[15] Grégoire Palamas, homélie du samedi saint cité dans « la doctrine de saint Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain » , Georges Mantzaradis, éd. l’âge d’homme.

[16] Homélies pour la nativité, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

 

[17] Homélies pour l’annonciation, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

[18] Jacques Lison, l’Esprit répandu, le don de l’Esprit au verbe incarné, éd. du cerf, p28.

[19] Jacques Lison, l’Esprit répandu, le verbe incarné pour communiquer l’Esprit, éd. du cerf, p31.

[20] Homélies pour la sainte fête des lumières, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

[21] Jacques Lison, l’Esprit répandu, la transformation du baptême de jean, éd. du cerf, p.40.

 

[22] Homélies des rites du baptême, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

[23] Homélie sur la transfiguration, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

[24] ibidem

[25] Théologien mystique catholique du XXème siècle

[26] Métropolite Stephanos de Tallin, la centralité de la transfiguration dans la spiritualité orthodoxe

 

[27] Homélie sur la croix, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

 

[28] Homélie sur la croix, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

[29] Homélie sur la pentecôte, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

[30] idem

[31] idem

[32] idem

[33] ibidem

[34] Tout ce qui est en dehors de l'essence est en dehors de Dieu, se rapporte au domaine de l'être créé. Les opérations ne peuvent être conçues, dans cet ordre d'idées, que comme des actes extérieurs, étrangers à l'essence. En un mot, il y a l'essence divine, il y a ses effets créés; mais il n'y a pas d'opérations ou énergies divines. L'enseignement

Orthodoxe apparaît pour la théologie occidentale comme une absurdité. La théologie occidentale ne distingue pas essence et énergie.

[35] Vladimir Lossky , la grâce ,conférence de 1950 à l’institut de saint Denys.

[36] ibidem

[37] Il n’est pas inutile de rappeler que le péché n’est pas un manquement moral mais est de l’ordre ontologique, un éloignement de la source de vie qu’est Dieu, un refus de Dieu, une désorientation…nous ne vivons plus selon notre nature spirituelle.

[38] cf. « l’homme créé à l’image de Dieu »

[39] Grégoire Palamas cité dans : Archevêque Basile Krivochéine, Dieu, l’homme et l’Eglise, patrimoines orthodoxe, éd. du cerf.

[40] La méthode consiste à invoquer le nom  Seigneur Jésus lié à la respiration et la tête incliné vers la poitrine.

[41] Grégoire Palamas cité dans : Archevêque Basile Krivochéine, Dieu, l’homme et l’Eglise, patrimoines orthodoxe, éd. du cerf.

 

[42] Homélies, Discours sur l’économie  sur l’incarnation, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

[43] ibidem

[44] Ibidem

[45]   Grégoire Palamas cité dans  Jacques Lison, l’Esprit répandu, la participation du corps à la grâce, p254ed du cerf

[46] Grégoire Palamas, Triades cité dans ‘un auteur et son œuvre : saint Grégoire Palamas’ par J.Coulon.

[47]   Saint Grégoire Palamas , de la déification de l’être humain, cité dans Georges Mantzaridis, la doctrine de Saint Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain, p102, éd. L’âge d’homme.

[48]   Saint Grégoire Palamas , de la déification de l’être humain, cité dans Georges Mantzaridis, la doctrine de Saint Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain, p104, éd. L’âge d’homme

[49] Conférence et article de Michel Maxime Egger «La double transformation : Réorienter son désir pour changer le monde »  Revue «  la chair et le souffle »

 

[50] Homélie pour la nativité, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

 

[51] Homélie pour l’ascencion, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

 

[52] GP. Homélie pour la pentecôte(XXIV), YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

 

[53] Cité dans jean Meyendorff, introduction à l’étude de Grégoire Palamas page 247.

cf. Homélie, des saints et terribles mystères du Christ, YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob

 

[54] Cité dans jean Meyendorff, introduction à l’étude de Grégoire Palamas page 247.

[55] La théologie scolastique  du septénaire sacramentel n’apparaît pas dans l’enseignement de Grégoire Palamas. De plus il faut lier Baptême et Chrismation qui dans la tradition liturgique orthodoxe ne sont pas séparés et conduisent  à la communion eucharistique. Initiation indique un début de chemin, un cheminement jamais fini vers le mystère…

[56] GP, des rites du baptême,  YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

 

[57] GP, des rites du baptême,  YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

 

[58] ibidem

[59] Cf. le passage plus haut sur l’ascèse.

[60] Théophane le Reclus cité dans la prière du cœur, éd. abbaye de Bellefontaine, page28.

[61] Grégoire Palamas, cité  dans  « la prière du cœur », éd. abbaye de Bellefontaine, page 28-29

[62] Nicolas Cabasilas, la vie en Christ cité dans« la prière du cœur », éd. abbaye de Bellefontaine, page 29

[63]  GP Homélie de Pentecôte.

[64] GP cité dans Jean Meyendorff, introduction à l’étude de Palamas, éd. du seuil, page 249-250

 

[65] GP cité dans Jean Meyendorff, introduction à l’étude de Palamas, éd. du seuil, page 228

[66] GP cité dans Jean Meyendorff, introduction à l’étude de Palamas, éd. du seuil, page 249-250

 

[67] ibidem

[68] GP, homélie pour la pentecôte,  YMCA-PRESS/O.E.I.L, coll. L’échelle de Jacob.

 

[69] Grégoire Palamas cité dans Jacques Lison, l’Esprit répandu, la pneumatologie chez Grégoire Palamas, page 234, les pères spirituels, éd. du cerf.

[70] ibidem

[71] Ibidem page 235

[72] cf. plus haut ascèse personnelle et vie en société.

[73] Propos que j’ai entendu d’un généticien athée « l’idée de Dieu tue la pensée »

[74] Objective : dans un sens  réducteur…le monde est réduit à un  objet.

[75] Thierry Verhelst, énergies incréées et actions sociales, revue la chair et le souffle

 

[76] Récits d’un pèlerin russe, trad. J. Laloy, livre de vie, n°63,Seuil,1966, p56-57.

[77] Je reprends les idées principales de l’ouvrage de Michel maxime Egger, la terre comme soi-même, labor et fides, et de l’article de Kallistos Ware,’Par la création au créateur’, lumière du thabor,n°41

[78] Hildegarde de Bingen, Le livre des œuvres divines (visions), collection Spiritualités Vivantes, Albin

Michel (Paris 1982), présenté et traduit par Bernard Gorceix.

 

[79] ibidem

[80] Ibidem

 

[81] Archimandrite Spiridon, cité dans : jacques Serr, Olivier Clément, la prière du cœur, spiritualité orientale, Ed. Bellefontaine, p.37

[82] Dans la liturgie orthodoxe, le baptisé est plongé par trois fois dans l’eau, et reçoit l’onction chrismale sur tous les membres du corps.

[83] Homélie de Maurice Zundel, en 1956 à Lausanne, morale et mystique

[84] Jacqueline Kelen , l’esprit de solitude , Albin Michel , p 99-100.

[85] Thierry Verhelst, énergies incréées et actions sociales, revue la chair et le souffle.

[86] Etty Hillesum cité dans l’article de Maxime Michel Egger, réorienter ses désirs pour changer le monde.