Maxime KOVALEVSKY
L’ANGE DANS LA LITURGIE ORTHODOXE


Conférence prononcée le 27 juin 1981 au Colloque sur l’Ange
organisé par le Centre Européen d’Art Sacré
à l’Abbaye des Prémontrés – Pont à Mousson (Meurthe – et Moselle)

Je dois parler des anges dans la liturgie orthodoxe. Je citerai donc surtout des textes liturgiques en essayant, autant que possible, de ne pas entrer dans des considérations personnelles, ce qui sera peut-être – veuillez m’en excuser – un petit peu ennuyeux, mais je crois plus utile.

La première question qui se pose est la suivante : pourquoi pour, dans la mesure du possible, connaître et comprendre l’enseignement de l’Eglise, nous référons-nous à la liturgie ? La réponse est simple : c’est parce que les éléments liturgiques (je pense aux textes récités et chantés, aux icônes, aux fresques et aux mosaïques, et à l’ensemble du cérémonial) constituent des formulations pour ainsi dire définitives et recommandées par l’Eglise pour permettre la compréhension de son enseignement.

Dans cet exposé je m’attacherai donc uniquement aux textes liturgiques. D’autres spécialistes pourront vous entretenir des autres éléments de la liturgie.

La deuxième question est : où pouvons-nous trouver ces textes et les consulter ? D’une part sous forme commentée dans les sermons des Pères, et d’autre part à l’état brut dans les prières et chants des différents offices. Je donne la préférence aux chants et aux prières car pour nous, chercheurs liturgistes, ils représentent la tradition éprouvée et l’enseignement systématique de l’Eglise, alors que les sermons des Pères sont trop souvent teintés d’un caractère « temporaire » et personnel, parfois même polémique. Les chants et les prières contiennent un enseignement réalisé selon une méthode répétitive et progressive : les textes qui se retrouvent plusieurs fois dans l’année et d’année en année apportent une véritable éducation. Celui qui suit attentivement les offices comprend vraiment, approfondit et assimile l’enseignement qui lui est prodigué.

Comme dans le rite romain post-tridentin les allusions au monde angélique et à sa relation avec l’Eglise sont peu nombreuses (et elles ne présentent actuellement qu’un intérêt historique puisqu’elles ont été modifiées par les décisions du Concile Vatican II), nous ne nous occuperons que des textes des liturgies byzantines et gallicanes. Ces dernières suscitent actuellement un renouveau d’intérêt.
Nous partagerons cette analyse en deux chapitres : d’une part les textes de la liturgie eucharistique, d’autre part ceux tirés des offices des Heures.

Dans les liturgies eucharistiques

Pour représenter les liturgies eucharistiques byzantines, nous choisirons celle de Saint Jean Chrysostome dont la forme est plus connue et plus courte que celles de Saint Basile et de Saint Jacques.

La liturgie est précédée d’un rituel : la préparation des dons (proscomidie) pendant laquelle, avant de commémorer les saints, on mentionne Saint Michel Archange et les Armées célestes. Selon les usages russes, on emploie, pour réaliser cette proscomidie, 5 pains : un grand pain pour l’Agneau, un pain consacré à la Vierge, un troisième aux Armées célestes, le quatrième aux vivants et le cinquième à la commémoration des défunts. De ces pains on extrait une ou plusieurs parcelles qu’on met ensuite dans le calice. Ainsi dès la préparation de la liturgie, on attache une importance essen­tielle au monde angélique.

Pendant la petite entrée, procession au cours de laquelle le clergé transporte solennellement l’évangéliaire depuis la sacristie jusque sur le maître-autel (cette procession représente l’entrée du Christ dans sa carrière de prédicateur), les choeurs chantent les Béatitudes ou une antienne du jour tandis que, tout en marchant, le célébrant prie à voix basse :

Maître, Seigneur notre Dieu, Toi qui as établi dans les cieux les ordres et les armées des Anges et des Archanges pour le service de ta gloire, fais que notre entrée soit aussi celle de tes Anges saints afin qu’ils concélèbrent avec nous ta bonté.

La notion de concélébration des anges avec l’Eglise est donc affirmée d’emblée.

Ensuite le clergé, entré dans le sanctuaire, se dispose à participer au chant solennel du Trisaghion. Le célébrant lit la prière qui prépare ce chant :

Dieu Saint, Toi qui reposes dans les saints, Toi que louent les Séraphins en une hymne trois fois sainte, Toi que glorifient les Chérubins et qu’adorent toutes les Puissances cé­lestes, accepte aussi, Seigneur, de nos bouches de pécheurs, l’hymne trois fois sainte.

Suit immédiatement :

Saint Dieu ! Saint Fort ! Saint Immortel ! aie pitié de nous !

Selon la tradition, ce texte aurait une origine angélique. Lors d’un grand tremblement de terre à Constantinople, un petit garçon voit dans la poussière d’une maison qui s’écroule des anges qui chantent : « Saint Dieu ! Saint Fort ! Saint Immortel ! » L’enfant communique sa vision au peuple et tous s’écrient en s’adressant à la Sainte Trinité manifestée par ce triple « Saint » : « Aie pitié de nous ! » et le tremblement de terre s’apaise. Le souvenir de ce miracle eut un énorme succès dans toute la chrétienté, et ce chant subsiste jusqu’à nos jours dans tous les rites. Toutefois dans le rite romain il ne se chante qu’une fois par an, le Vendredi saint, et ce en deux langues, en grec et en latin.

Avant de s’asseoir pour écouter les lectures, l’évêque ou le prêtre prie à voix basse :

Béni sois-Tu sur le trône glorieux de Ton Royaume, Toi qui es assis sur les Chérubins...

Au début de la liturgie des fidèles a lieu une deuxième procession qu’on appelle Grande Entrée et qui représente l’entrée du Christ à Jérusalem. Les Dons préparés y sont transportés depuis la table de prothèse jusque sur le maître-autel. Préparant cette procession le clergé prie à voix basse :

Nul n’est digne, ô Roi de gloire, s’il est lié par les désirs charnels et les voluptés, de venir à Toi, de s’approcher de Toi, de T’offrir un sacrifice, car ton service est chose grande et redoutable même pour les Puissances célestes.

Il s’agit d’un appel au clergé pour qu’il devienne semblable aux anges en acquérant la pureté et la disponibilité des Puissances célestes. Pendant ce temps, le choeur chante :

Mystiquement représentant les Chérubins et chantant l’hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité, déposons maintenant tous les soucis de ce monde pour recevoir le Roi de toute chose par les armées angéliques invisiblement porté en triom­phe. Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !

Cette fois-ci, c’est à voix haute et intelligible que l’Eglise invite tout le peuple de Dieu à collaborer avec les anges en « dé­posant tous les soucis de ce monde », en s’approchant par sa nature et son attitude du monde angélique.

Dans la litanie de supplication qui suit la Grande Entrée, parmi les demandes concernant la vie quotidienne, on intercale :

Un Ange de paix, fidèle conducteur et gardien de nos âmes et de nos corps, demandons-le au Seigneur. Et le peuple répond : « Accorde, Seigneur ! » Ici l’ange apparaît dans sa fonction d’ange-gardien.

Ensuite vient le Symbole de Nicée récité ou chanté à toutes les litur­gies. On a l’impression, si on ne réfléchit pas sérieusement au texte qu’il n’y est fait aucune allusion aux anges, ce qui est inexact car le Symbole de Nicée dit :

Je crois en un seul Dieu… créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles.

Manifestement ici le ciel n’est pas le monde des astres mais le monde spirituel angélique. Le ciel est le domaine des choses invisi­bles, la terre celui des choses visibles. Cette affirmation au début du Credo est importante. Elle confirme d’une part la réalité du monde spirituel, et d’autre part son caractère créé. C’est un texte qui nous préserve d’une part du doute sur l’existence du monde spirituel, d’autre part de l’idolâtrie possible de ce monde. Il existait en effet à l’époque du Concile de Nicée des tendances qui subsistent jusqu’à nos jours – à croire que le monde spirituel, angélique, est incréé, coéternel à Dieu. L’Eglise affirme que le monde angélique existe, mais qu’il fait partie des choses créées, comme le monde visible.

Au point culminant de la liturgie : le Canon Eucharistique, la colla­boration du monde angélique est clairement affirmée. Citons la fin de la préface de Saint Jean Chrysostome (les préfaces des liturgies de Saint Basile et de Saint Jacques sont semblables, mais beaucoup trop développées pour être citées dans ce bref exposé) :

Nous Te rendons grâces aussi pour cette liturgie que Tu daignes recevoir de nos mains, bien que Tu sois servi par des myriades d’Anges et des milliers d’Archanges, par les Chérubins et et les Séraphins aux six ailes, aux innombrables yeux, qui volent, sublimes, dans les hauteurs, « chantant », « criant », « proclamant » et « disant » (il y a là une allusion aux 4 animaux d’Ezéchiel, symboles des 4 évangélistes) : Saint ! Saint Saint ! le Seigneur Dieu Sabbaoth (Dieu des armées célestes), les cieux (le monde angélique) et la terre sont remplis de Ta gloire...

Enfin, ce qui à première vue parait inattendu, dans les prières qui entourent les paroles d’institution et d’épiclèse (appel du Saint-Esprit), il n’est plus fait allusion au monde angélique. Toutefois on y revient dans la Commémoration des Saints qui culmine dans la louange à la Vierge Marie. On chante :

Il est digne en vérité de te célébrer, toi qui enfantas Dieu. Bienheureuse à jamais et très pure, et mère de notre Dieu, toi plus vénérable que les Chérubins et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins, qui sans tache enfantas Dieu le Verbe, toi véritablement la génitrice (théotokos) de Dieu, nous t’exaltons !

La fin de la liturgie ne comporte plus aucune allusion aux anges. Je me suis toujours demandé pourquoi. Je crois que c’est parce que leur rôle d’intercesseurs est terminé puisque, par la commu­nion, nous sommes déjà réunis dans le Royaume commun où les limites entre les mondes visibles et invisibles sont effacées.

Pour représenter la liturgie du rite des Gaules qui était répan­due dans tout l’Occident jusqu’au 8ème siècle et a été étudiée par les liturgistes des 17ème et 18ème siècles, prenons la liturgie de Saint Germain de Paris (6ème siècle) actuellement restaurée et célébrée par une partie de l’Eglise orthodoxe en Occident.

Pendant le Prælegendum (l’introït du rite romain), les prêtres en marchant de la sacristie vers l’autel, prient intérieurement (prière d’entrée du clergé) :

Seigneur notre Dieu, qui as établi les Armées angéliques pour servir ta majesté dans les deux, permets que notre entrée au Saint des Saints soit aussi celle de tes esprits incorporels afin qu’ils concélèbrent et glorifient avec nous Ta bonté sans limite...

La façon aussi appuyée que dans le rite byzantin, on fait appel à la concélébration des anges.

Le Trisaghion, chant des anges, est ensuite comme dans le rite byzantin, solennellement chanté et souvent en plusieurs langues.

Pendant le chant du benedicite ou chant des trois adolescents dans la fournaise, exécuté après l’Epître et très caractéristique pour tous les rites gallicans, le prêtre prie à voix basse :

Père notre Seigneur... Tu nous as parlé maintes et maintes fois et de différentes manières, par Tes serviteurs les anges et les prophètes...

Les anges sont des messagers par excellence, un peu comme les prophètes .

Dans la litanie diaconale qui suit l’Evangile, on mentionne dans la clausule finale, immédiatement après la Vierge Marie, Saint Michel Archange et les Armées célestes.

En bénissant l’encensoir que lui présente le diacre avant d’encenser l’assistance pendant le chant du Symbole (qui est le même que celui de la liturgie byzantine orthodoxe), le prêtre dit à voix basse :

Que par l’intercession du bienheureux Archange qui se tient debout à la droite de l’autel des parfums (allusion à la vision de Zacharie, père de Jean-Baptiste), le Seigneur daigne bénir cet encens et le recevoir en odeur de suavité.

Pendant la Grande Entrée, comme dans le rite byzantin du Samedi saint, le choeur chante l’hymne attribuée à Saint Basile, hymne également chantée dans la liturgie de Saint Jacques :

Que toute chair humaine fasse silence et se tienne dans la crainte et le tremblement. Qu’elle éloigne toute pensée ter­restre car le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs s’avance afin d’être immolé et se donner en nourriture aux fidèles. Les chœurs angéliques le précèdent avec toutes les Principau­tés, les Puissances, les Chérubins aux innombrables yeux, et les Séraphins aux six ailes, se voilant la face et chan­tant : alléluia ! alléluia ! alléluia !

Ce texte est encore plus suggestif en ce qui concerne la participation du monde angélique que celui de la liturgie de Saint Jean Chrysostome. Il fait apparaître presque en entier l’enseignement de Denys l’Aréopagite. Il montre que nous vivons notre liturgie en communion avec le monde angélique dont on suggère la nature.

Au moment de la Déposition des Dons sur l’autel, le célébrant prie à voix basse :

Nous Te prions, Seigneur, que descende l’Ange de ta bénédiction sur ces offrandes préparées à la gloire de Ton Nom...

Curieusement il y a là une notion particulière, celle de « l’Ange de la liturgie ». Cette notion est présente dans tous les rites oc­cidentaux mais non dans les rites orientaux.

Suivent les Diptyques, prière lue à haute voix pour les vivants et les défunts dont les noms sont inscrits sur un double feuillet (une page pour les vivants et l’autre pour les défunts, d’où le nom), où l’évocation des saints est précédée de celle du monde angélique :

En communion et souvenance de l’Archange Saint Michel et de toutes les Armées célestes, des patriarches...

Dans le Canon Eucharistique, la préface amenant le Sanctus est non moins explicite que dans le rite byzantin :

C’est par Lui et en Lui que les Anges louent Ta gloire, que les Dominations T’adorent, que les Puissances se pros­ternent en tremblant. Les Cieux, les Vertus des Cieux et les bienheureux Séraphins s’associent à leur exultation et concélèbrent avec eux. Daigne ordonner, nous T’en supplions, que nos voix confessantes puissent se mêler aux leurs en disant : Saint ! Saint ! Saint!...

On va même plus loin que dans le rite byzantin : on croit non seule­ment qu’en arrière-plan de la liturgie que nous célébrons se poursuit parallèlement en profondeur une liturgie céleste, mais aussi que, d’une certaine manière, notre liturgie humaine est « commandée » par cette liturgie céleste : « Daigne ordonner »... Et dans la prière de l’anamnèse, le prêtre dit :

. … et nous Te demandons et Te supplions, reçois cette oblation des mains de Tes Anges.

Cette mention n’existe pas dans le rite byzazntin.

Enfin au moment de L’Elévation des Dons, à l’exclamation du clergé :

Le Lion de la tribu de Juda, le Rejeton de David est vainqueur, alléluia !

le choeur puis ensuite toute l’assemblée répondent à voix for­te :

Celui qui est assis sur les Chérubins est vainqueur, alléluia ! alléluia !

La fin de la liturgie du type gallican ne comporte pas davantage que dans le rite byzantin d’allusion aux anges, et sans doute pour les mêmes raisons : quand nous communions à la mort et à la résurrection du Christ, la frontière entre les mondes visible et invisible est effacée, et nous sommes tous, anges et humains, unis dans l’amour unique du Christ.

Il est intéressant d’ajouter encore le témoignage des textes de la Liturgie des Présanctifiés. Cette forme d’office est célébrée dans le rite byzantin les jours de semaine pendant le carême. Dans cette liturgie il n’y a pas de consécration, mais pour que les fidèles ne tombent pas en faiblesse spirituelle, l’Eglise leur donne la possibilité de communier aux Dons déjà consacrés au cours de la messe du dimanche précédent. Pendant le transfert des Dons « présanc­tifiés » depuis le lieu où ils sont conservés jusqu’au maître-autel, le choeur chante :

Maintenant les Puissances célestes célèbrent invisiblement avec nous. C’est le Roi de gloire qui fait son entrée. C’est le sacrifice mystérieux et accompli qui est porté en triomphe. Accédons par la foi et l’amour afin d’être participants à la vie éternelle.

Tous les textes que nous venons d’analyser appartiennent à la litur­gie eucharistique. Ils suggèrent tous que, parallèlement à notre liturgie terrestre se célèbre une liturgie céleste dont les anges sont les principaux « acteurs ». De nombreuses fresques et mosaïques représentent cette collaboration. Notre liturgie humaine est comme un pont entre les mondes visible et invisible. Son image est d’ailleurs déjà donnée dans l’Ancien Testament par l’échelle de Jacob où les anges montent et descendent comme des collaborateurs à une action mystérieuse.

Dans les grandes Heures de l’Office Canonial

Dans les textes que nous venons de citer, il est peu question de la nature des anges et de leurs rapports avec les humains. On peut trouver des réponses à ces questions dans les offices des Grandes Heures, les Vêpres et les Matines qui renferment les plus grands trésors de la poésie liturgique patristique.

Les textes de la fête de Saint Michel et des Armées célestes, ceux des fêtes de Noël et de l’Ascension sont très significatifs pour notre étude. Il n’est toutefois pas possible d’analyser valablement leur forme et leur contenu dans le cadre de notre petit exposé. Nous nous bornerons à signaler les textes du « Grand Octoèque ».

En effet l’examen des textes des Vêpres et des Matines, et leur utilisation « méditative » sont rendus actuellement possibles grâce à l’édition récente (Rome 1977) du Paraclytique ou Grand Octoïchos traduit en français. Cet ouvrage comporte les textes des chants variables des jours de semaine pour les huit tons ecclésiastiques. Jusqu’ici seuls les chants variables des dimanches étaient traduits en français et édités.

Or dans la structure de la semaine liturgique du rite byzantin le lundi, 1er jour de la semaine – commençant le dimanche soir et prenant fin à la 9ème heure du lundi – est consacré aux Puissances célestes. Le mardi est consacré au Précurseur, le mercredi à la Vierge et à la Croix, le jeudi aux apôtres et à Saint Nicolas, le vendredi à la Croix et à la Vierge, le samedi à tous les saints et à la mémoire des défunts.

Suivant la succession des 8 tons ecclésiastiques, il existe donc 8 séries de textes du lundi consacrés aux anges. Chacune de ces 8 séries comporte :

pour les Vêpres : 3 stichères (compositions en prose intercalées entre les derniers versets du Psaume lucernaire).

pour les Matines : 24 tropaires (compositions patristiques monostrophiques) d’un chant versifié appelé « canon », 1 exapostilaire (lit. « envoi »).

Cela représente 28 chants par série, chaque série étant composée et chantée sur un des 8 tons ecclésiastiques, donc au total pour le cycle des 8 tons : 224 chants.

Dans tous ces textes, si on les chante en méditant, apparaît de façon suggestive l’enseignement de Denys l’Aréopagite (pseudo-Denys) et, si l’on peut dire, de la « classification » du monde angéli­que en 3 groupes de 3 « ciels », définis avec précision par exemple dans l’ exapostilaire du 1er ton :

Anges et Archanges, Principautés,

Vertus, Puissances, Dominations,

Trônes et Chérubins aux yeux innombrables, Séraphins aux six ailes,

intercédez pour nous !

Une telle « classification », si elle est énoncée sous forme didac­tique, peut paraître artificielle. Cependant, présentée sous forme poétique « étalée » sur 224 chants, elle devient assimilable. Ce dé­veloppement qui semble n’obéir à aucun ordre préconçu fait, dans son ensemble, saisir le vrai sens de l’enseignement de Denys : en effet chacun de ces chants, tout en traitant le même sujet, le présen­te chaque fois avec des nuances un peu différentes, ce qui permet de cerner avec délicatesse le mystère de l’assimilation progressive de la Sagesse divine. La compréhension passe ainsi par différents stades de connaissance.

Citons par exemple quelques textes de la série du 1er ton :

Vêpres : 3 stichères, séparées les unes des autres par un verset de psaume et exécutés avec canonarque (récitant qui pro­clame, fragment par fragment, le texte que l’assistance, à sa suite, chante à chaque reprise – méthode tradition­nelle de catéchèse orale) :

Anges incorporels qui vous tenez près du trône de Dieu, il­luminés de Ses rayons, dans l’éclat de l’éternelle clarté au point de devenir lumière à votre tour, intercédez auprès du Christ pour au « à nos âmes II accorde la paix et la grâce du salut.

Anges immortels qui avez reçu en vérité du Dieu vivant l’im­périssable vie, riches d’une gloire qui ne peut passer, vous êtes les augustes contemplateurs de la Sagesse sans fin et, remplis de lumière, vous apparaissez justement comme lampes éclairées.

Anges et Archanges, Principautés, Trônes, Dominations, Séra­phins aux six ailes et Chérubins aux yeux innombrables, vous les instruments de la sagesse de Dieu, Puissances et Vertus, intercédez auprès du Christ pour qu’à nos âmes Il apporte la paix et la miséricorde.

Matines : 2 tropaires de la 1ère ode du canon

Très saints Anges qui vous tenez lumineux près du trône du Seigneur, priez le Père coêternel et l’Ange du Grand Conseil qu’ils inspirent mon verbe pour vous chanter. A l’origine de la création, la divine Intelligence a établi les angéliques hiérarchies comme autant de miroirs pour refléter les rayons de son triple Soleil. Les puissances divines apparaissent là surtout comme des relais de la Lumière divine. Ils s’en imprègnent au voisinage du Trône de Dieu, et leur rayonnement parvient jusqu’à nous.

Ils sont proches de la lumière issue de Dieu, les Séraphins qui la reçoivent sans réfraction. Sa clarté les comble de multiple façon pour qu’ils réfléchissent clairement l’énergie naissante des premiers rayons et, si près de la divinité, ils sont eux-mêmes une seconde source de clarté.

Les anges ne sont pas seulement des intercesseurs chargés de transmettre les prières des humains. Ils sont également des initiateurs qui révè­lent progressivement la sagesse inépuisable de Dieu. Il faut remarquer que dans tous ces textes, les auteurs prennent toutes les précautions possibles pour éviter toute tendance à faire des anges des demi-dieux et à les idolâtrer. Ils présentent toujours le monde angélique comme parfaitement soumis à la volonté du Père et à celle de l’Ange du Grand Conseil qui est le Christ.

 


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