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Mon
homélie de ce jour sera en deux parties, qui n’auront,
en apparence, pas de sujet commun…
Tout d’abord, comme nous devons tout à l’heure
consacrer le nouveau Saint Chrême je voudrai vous parler
plus particulièrement de cette huile sainte, la plus vénérable
des trois huiles sacramentelles.
Le Saint Chrême est la seule des trois qui soit exclusivement
consacrée par l’évêque. Les deux autres
sont bénies par les prêtres : l’Huile des Catéchum
ènes est bénie le samedi de la Résurrection
de Lazare - appelé aussi en Gaule « samedi de l’Onction
» car on chante ce jour-là l’Évangile
de l’onction à Béthanie ; l’huile des
Malades est bénie le mercredi saint au soir, comme beaucoup
d’entre vous le savent.
Le Saint Chrême sert pour le Sacrement du Baptême,
de la Chrismation, la bénédiction des Eaux baptismales,
la consécration des Églises et le sacre des évêques.
Il porte le nom même du Christ « sanctum chrisma »
c’est-à-dire sainte onction puisque Christ, je vous
le rappelle signifie « oint » « consacré
par l’onction » traduction grecque de l’hébreu
« messie ». Le Saint Chrême est l’onction
par l’excellence. C’est un mélange d’huiles
parfumées qui nous imprègne pour que nous devenions
la bonne odeur du Christ pour Dieu (2Co 2*15).
Il existe dans l’Église plusieurs recettes pour la
confection de ce mélange d’huiles. La plus celle
simple est celle de l’Église de Rome – deux
huiles seulement – la plus complexe est celle de l’Église
byzantine – plus de 50 huiles différentes. Dans notre
Eglise des Gaules nous avons choisi une recette plus symbolique
n’utilisant que sept huiles citées dans les Écritures,
comme les sept dons du Saint-Esprit : l’huile d’olive,
le Baume de Galaad cité par le prophète Jérémie
(8*22), l’huile de Cèdre du Liban, d’Hysope,
d’Encens, de Myrrhe et de Romarin Camphré.
Par cette composition symbolique le Saint Chrême manifeste
la plénitude des Dons du Saint-Esprit. De même que
l’huile imprègne tout ce qu’elle touche, ainsi
par le Saint Chrême, l’Esprit Saint descend et pénètre
les êtres consacrés à Dieu et les fait participer
à l’onction du Christ, selon la parole du prophète
Isaïe : « L’Esprit de Dieu repose sur moi, car
Il m’a consacré par l’onction pour annoncer
la Bonne Nouvelle aux pauvres… ». Le Saint Chrême
fait de nous des hommes dignes de porter le nom de chrétiens
– c’est-à-dire «d’oints»,
des rois et des prêtres, des temples vivants du Saint Esprit.
À présent je voudrais vous dire quelques mots sur
la célébration de ce jour : la nouvelle fête
de la Sauvegarde de la création. Cette célébration
a été instituée pour à l’origine
par le Patriarche Bartolomée de Constantinople en 1989
; ce hiérarque était (et est encore) très
investi dans le mouvement écologique ; il a donc créé
cette fête que le patriarcat célèbre le 1er
Septembre, qui correspond dans son rite au début de l’année
liturgique (d’une certaine façon le mémorial
de la création du monde).
Pour ce qui nous concerne j’ai assigné cette liturgie
au mardi des Rogations. Je m’explique : Les Rogations sont
trois jours de prières ferventes que Saint Mamert évêque
de Vienne a institués en 470 à la suite d’une
série de catastrophes naturelles – séismes,
inondations, épidémies et incendies – les
Gaulois ont toujours eu peur que le ciel leur tombe sur la tête…
Cette fête, d’abord locale, a été étendue
à toute la Gaule par le concile d’Orléans
de 511 ; ces trois jours de prières ont été
placés là parce qu’ils suivent le 5ème
dimanche après Pâques, dimanche où l’on
lit dans l’Évangile cette parole du Seigneur Jésus
: « Demandez et vous recevrez ! » (demander se dit
en latin Rogare) Ces Rogations ou « demandes instantes »
montrent de manière évidente les liens entre le
ciel et la terre, entre l’esprit et la matière.
De nos jours notre rapport à la nature a changé
; nous savons dans une certaine mesure nous protéger contre
les catastrophes naturelles, mais nous avons pris consciences
que nous en produisons d’autres – plus graves –
par notre imprudence en dégradant la nature, en pillant
nos ressources naturelles, en polluant la planète.
Ma réflexion sur ce sujet se nourrit de la pensée
de l’un des plus grands penseurs du XXème siècle
: le Père Pierre Teilhard de Chardin.
Créé par Dieu l’univers reflète la
divine sagesse, la beauté et la vérité divine.
Déjà saint Irénée au IIIème
siècle écrit : « L’Esprit-Saint fait
évoluer les diverses forces vers leur plénitude
et leur beauté. » Le Père Teilhard dans une
synthèse fulgurante décrit la place de l’Homme
dans l’univers : dès la Genèse Dieu a confié
la création à l’homme, l’homme comme
une flèche désigne dès lors le sens de l’évolution.
Il est placé par Dieu « au milieu » du monde
dans sa trajectoire vers Dieu. L’homme est solidaire de
la création comme étant son « prêtre
», celui qui le sacralise, qui conduit la matière
vers l’esprit ; il est comme la clé qui permettra
à l’univers d’atteindre la « stature
du Christ dans sa plénitude » (Eph. 4 : 13), cet
Oméga de l’Apocalypse vers qui tend toute chose.
Mes frères et sœurs, cette tâche dépasse
– et de loin – nos préoccupations écologiques,
elle dépasse – et de loin – la simple préservation
de notre héritage naturel. Rendons grâce à
Dieu de nous l’avoir donné à accomplir ! |