A propos de l’hymne « Lumière Joyeuse »

par l'évêque Grégoire

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Tous les soirs, à l’office de Vêpres, nous chantons l’hymne « Lumière Joyeuse ». Il m’a semblé utile pour tous nos fidèles d’en savoir davantage sur ce chant vénérable, dont le texte, par ignorance, risque quelquefois d’être mal compris : notre intelligence doit suivre notre voix dans la prière…

Son origine

A l’exception de quelques mots tirés du Nouveau Testament et d’un poème datant de 150 de notre ère, « Lumière Joyeuse » est l’hymne non biblique la plus ancienne qui soit encore en usage dans le culte chrétien ; cet usage, général dans l’Eglise Orthodoxe, qu’elle soit d’expression orientale ou occidentale, s’est d’ailleurs récemment répandu à l’Eglise anglicane et à certaines Eglises luthériennes.

La première mention écrite de ce chant se trouve dans le livre des Constitutions Apostoliques, texte très important pour la liturgie ancienne, d’origine antiochienne et datant de la fin du 3ème siècle ou du début du 4ème. Il est dit dans ce livre des Constitutions Apostoliques que « Lumière Joyeuse » doit être chanté le soir au moment où l’on allume les lampes.

Saint Basile le Grand († 379) a dit de ce chant qu’il était dans l’Eglise comme un trésor « chéri » de la Tradition ; il le considère comme ancien à son époque. [1]

A cette époque (fin du 4ème siècle) nous savons quel était l’usage à Jérusalem : une lampe allumée était perpétuellement entretenue dans le tombeau – vide – du Christ comme symbole de la vivante lumière du Christ ressuscité. Au moment où les fidèles réunis célébraient l’office du soir (Vêpres) et plus particulièrement cette partie de l’office appelée « Lucernaire »[2] , on chantait cette hymne « Lumière Joyeuse » en apportant au milieu de l’assemblée un cierge allumé à la lampe du Saint Sépulcre ; cette flamme brillante rappelait à l’Eglise la présence du Seigneur Vivant.

Sa composition

Tel qu’il se présente dans le texte grec original, ce chant est composé de 7 phrases d’une longueur variant entre 5 et 23 syllabes .[3]

En voici une traduction mot-à-mot (les mots suivis d’un astérisque feront l’objet d’une explication) :

1. Lumière joyeuse de la sainte gloire du Père immortel, céleste, saint, bienheureux*
2. (o) Jésus Christ* ;
3. parvenus au coucher du soleil, voyant la lumière du soir,
4. chantons le Père et le Fils et le Saint-Esprit : Dieu.*

5. Tu es digne dans tous les temps d’être chanté par les voix (pures ou bienheureuses)*,
6. O Fils de Dieu qui donne la vie,
7. C’est pourquoi le cosmos* Te glorifie.

Parmi la multitude des traductions modernes de ce texte, quelques-unes, et non des moins répandues, sont fautives. Il convient de donner quelques explications grammaticales.

1. Dans la première phrase : Lumière joyeuse de la sainte gloire du Père immortel, céleste, saint, bienheureux, tous les adjectifs (céleste, saint, bienheureux) sont au même cas (génitif) que le mot Père ; ils se rapportent donc sans ambiguïté au Père. C’est donc une erreur de dire ou de chanter :

Lumière joyeuse de la sainte gloire du Père,
immortel, céleste, saint, bienheureux Jésus Christ ;

2. Dans la 2ème phrase le mot Jésus Christ est au vocatif : on peut donc légitimement traduire :

O Jésus Christ !

3. Dans la 4ème phrase certaines traductions disent fautivement :

chantons le Père et le Fils et le Saint-Esprit de Dieu

cette erreur provient d’une mauvaise lecture du texte grec : confusion entre la lettre [nu] et la lettre [upsilon], celle-ci étant la désinence du génitif et celle-là la désinence de l’accusatif.

Dans la 5ème phrase les variantes entre les différentes traductions proviennent de la difficulté à traduire l’adjectif grec ( au datif pluriel) ; ce terme peut se traduire de plusieurs façons en français (et dans les autres langues européennes modernes) car il décrit un concept difficile à transcrire d’une manière simple : il signifie à la fois « joyeux, pur, optimiste, heureux, de bonne qualité, favorable, doux, juste ».

Dans la 7ème et dernière phrase, le terme (le cosmos) doit être pris dans son sens ancien : l’univers crée, la création tout entière.

 

1. Bien que par la suite certains aient voulu attribuer la paternité de ce chant à Saint Basile lui-même … Une autre tradition attribue cette composition à Saint Athénagore, évêque de Sébaste en Arménie, martyr en 302 pendant la persécution de Dioclétien.
2. Office d’origine juive pendant lequel on allume les lampes…
3. Certains auteurs le subdivisent en 12 phrases, évidemment plus courtes… mais il nous a semblé que l’analyse que nous donnons ci-dessus est plus logique.

Complément d'information proposé par Andréa Samjavvat

en slavon, la traduction est la suivante:

Traduit en français, littéralement, cela donne:

Lumière Joyeuse de la sainte gloire du Père immortel céleste, saint bienheureux - ô Jésus Christ: Arrivés au coucher du soleil, voyant la lumière vespérale, nous chantons le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Dieu. Tu es digne en tous temps d'être chanté par des voix toutes vénérables, ô Fils de Dieu, qui donnes la vie: c'est pourquoi le monde te glorifie.

Le mot prepodobnyj ( en grec) que j'ai traduit par "toutes vénérables" qualifie généralement les saints ascètes, les moines (comme saint Sérafim de Sarov), littéralement - ceux qui sont devenus "tout à fait ressemblants" au Christ dans leur vie (ceux qui ont rétabli la ressemblance originelle avec Dieu, ceux qui se sont transfigurés en Christ). C'est un des trois qualificatifs pour désigner les saints orthodoxes (saint - svjatoj, bienheureux - blazhennyj, très vénérable - prepodobnyj). Pour la Mère de Dieu, on utilise encore un autre adjectif, "Presvjataja" - très sainte, toute sainte - cet adjectif ne s'appliquant qu'à la Vierge ou à la Divinité elle-même.

Enfin, le vocatif "Jésus-Christ" relie naturellement ce mot à Lumière Joyeuse: Jésus-Christ est la Lumière Joyeuse du Père.


 
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