EXTRAITS DU LIVRE

MAXIME KOVALESKY
L'homme qui chantait Dieu

 
Naissance de l'idée d'orthodoxie occidentale


[...] Encore trop souvent, dans les termes orthodoxe et orthodoxie, on est en effet accoutumé en Ocident, à comprendre un ensemble de clichés colorés et sonores dans lequel on ne voit qu'un pittoresque folklore religieux propre au Moyen-Orient. Evgraf emploie ici le mot "orthodoxe" dans sa définition étymologique qui désigne toute "doctrine juste" (gaullisme orthodoxe, communisme orthodoxe, etc.). La foi orthodoxe est "la juste glorification" (doxa = gloire) de Dieu. Elle fut la doctrine unique de tous les membres de la chrétienté des premiers siècles, celle du temps où l'Église ne connaissait pas encore un Occident et un Orient chrétiens séparés par le Schisme.

C'est de ses pèlerinages en France que naîtra chez le jeune Evgraf une idée-force. Très tôt en effet, dès 1921, se dessinera chez cet adolescent, la vision d'une chrétienté réconciliée dans cette juste glorification, réunifiée dans les fondements spirituels de la Tradition première. Tradition commune à tous et, néanmoins, diversement colorée d'usages locaux où, dans les pays christianisés dès les temps apostoliques, les caractères du terroir ont laissé leur empreinte : principe "d'unité dans la diversité", incarnation dont continuent de témoigner les Églises locales unies dans l'Église orthodoxe universelle. C'est cette idée d'un certain oecuménisme, qui donnera son élan à l'oeuvre à laquelle il consacrera sa vie, et dont le cheminement se poursuit malgré les embûches semées sur sa route.

Maxime est en plein accord avec Evgraf, personnage prophétique mais en même temps réaliste, au dynamisme fougueux bien que réfléchi, et qui ne s'est pas contenté de parler et d'écrire. Les deux frères partagent les mêmes idées et la même ligne d'action courageuse dans l'application de ces idées. Et c'est là où se reconnaît la trace heureuse des jeux d'imagination qu'avait inventés leur père, jeux éducatifs qui leur avaient appris, comme l'écrira Maxime, à considérer que "...peu de choses sont vraiment irréalisables".

Évoquant en 1970 la personnalité de son plus jeune frère, il écrivait : "Dès notre arrivée en France, se révèle l'originalité foncière de la conception qu'avait Evgraf de l'Église et du monde. Il ne se trouve nullement en exil et, sur la terre en laquelle il vient vivre, il commence immédiatement et pour ainsi dire instinctivement, à rechercher la Tradition ancestrale unique à sa source, la découvrant à travers des manifestations de la tradition locale, parentes de celles de la tradition orthodoxe d'Orient. C'est là que prend naissance en lui l'idée maîtresse qui guidera toute sa vie ultérieure : faire resurgir la tradition de l'Église indivise en Occident même, à partir de sources latentes toujours vivantes, enfouies depuis des siècles sous des malentendus historiques durables, et non uniquement par un apport extérieur venu à nouveau de l'Orient".

Ce trublion désintéressé dérange... Parce que fondé dans la Tradition, son prophétisme généreux et ouvert s'impose. Mais il sera difficilement admis, il sera même rejeté par ceux que bousculent et inquiètent ses recherches et ses réalisations. Maxime poursuit : "Evgraf eut une réelle influence sur les jeunes de sa génération. Son don de discernement entre les choses essentielles et les choses secondaires, son sens des réalités doublé d'une expérience spirituelle déjà considérable, et son courage actif, lui permettaient de demeurer au-dessus des démêlés politiques. Son influence contribua beaucoup dans son entourage à la formation du climat psychologique qui s'établit alors en France dans une certaine couche de l'émigration, consciente des problèmes ecclésiologiques. Ce climat permit d'établir un équilibre parfaitement harmonieux mais, hélas, précaire, entre l'Église en Russie et l'Église en émigration".

 
 

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