[...] Celle de Saint-Photius fondée en 1925 par un groupe de
jeunes dont nous faisions partie tous les trois, joua un grand rôle
dans l'histoire de l'Église orthodoxe en France. Nous étions
un groupe d'étudiants, tous consciemment orthodoxes, très
ouverts à la culture européenne et à la pensée
moderne.
"Pour la commodité du travail, la Confrérie était
subdivisée en sections appelées "provinces".
Ouverte le 29 janvier 1926, la province Saint-Irénée était
chargée de travailler à la restauration de l'Orthodoxie
occidentale. Evgraf, malgré son jeune âge, en fut élu
le chef. Celle de Saint-Alexis qu'on me demanda de diriger, s'occupait
de l'émigration et de ses rapports avec l'Église de Moscou.
L'ensemble des provinces était soumis à la direction d'un
chef élu parmi les membres fondateurs. C'est en tant que chef
de la province Saint-Irénée qu'Evgraf s'occupa de la première
paroisse orthodoxe de langue française, paroisse franco-russe
installée rue de la Montagne Sainte-Geneviève, dans un
petit local baptisé "église" et desservie par
le père Lev (Louis) Gillet, prêtre catholique devenu orthodoxe
dans l'Église russe ".
Le but de cette Confrérie universelle Saint-Photius était
de "travailler à l'indépendance
et à l'universalité de l'Orthodoxie", selon
un manifeste où il était dit entre autres : "Nous
proclamons et confessons que l'Église orthodoxe est, dans son
essence, la vraie Église du Christ ; qu'elle n'est pas seulement
orientale, mais universelle ; que chaque peuple a son droit personnel
dans l'Église orthodoxe, sa constitution canonique autocéphale,
la sauvegarde de ses coutumes, ses rites, sa langue liturgique. Unies
dans les dogmes et les principes
canoniques, les Églises épousent le peuple de Dieu. Nous
nous opposons à toute tentative - que nous condamnons - de limiter
l'Église orthodoxe, de séparer les Églises les
unes des autres, de soumettre une Église à une autre plus
puissante. Nous confessons l'unité dans la multiplicité
et la liberté".
Les jeunes Confrères de Saint-Photius, croyants, humanistes,
ouverts et cultivés, se sentent pour la plupart chez eux en pays
de France, terre de civilisa-tion chrétienne. Ils sont en accord
avec Evgraf dont le bon sens fait paraître évidente la
recherche des usages orthodoxes déjà inscrits dans son
propre passé, vécu dans l'indivision de la chrétienté.
En les faisant revivre eux-mêmes sur un terroir devenu le leur
par adoption, ils les font connaître pour en rendre témoignage.
L'idéal de la Confrérie où n'entrait aucune connotation
d'hégémonie institutionnelle ni de politique ecclésiastique,
allait entraîner un vigoureux mouvement liturgique vers la renaissance
de l'Orthodoxie occidentale, renaissance manifestée dans la célébration
de l'antique rite des Gaules restauré.
Toutefois - et ainsi s'achèveront les pages de "Souvenirs
d'enfance et de jeunesse" de Maxime : "...en 1930 débute
une période où déjà les incompréhensions
et les souffrances ne nous seront pas épargnées. Elles
commencent par la rupture (pour des raisons politiques auxquelles, en
raison de notre volonté de discernement entre ce qui est temporel
et ce qui est éternel, nous ne pouvions, Evgraf et moi, nous
rallier) entre l'émigration russe et son Église-mère
en Russie. Ce schisme obligea à créer une organisation
et des paroisses fidèles à nos principes, et nous mit
progressivement l'écart des paroisses de la majorité de
l'émigration et de l'Institut Saint-Serge. L'équilibre
harmonieux si difficilement établi se trouvait rompu, et le déroulement
normal et pacifique de la restauration de l'Orthodoxie universelle en
France provisoirement compromis.