[...] Maxime
se confie encore dans une note qu'il avait commencé à
rédiger peu avant sa mort, premier jet d'un avant-propos destiné
à son ouvrage posthume Orthodoxie et Occident, Renaissance d'une
Église locale. Restées à l'état de brouillon
inachevé, ces lignes n'ont pu être introduites à
la place prévue : "L'Église catholique orthodoxe
de France représente pour moi le chaînon manquant dans
la plénitude du christianisme universel. C'est pourquoi je me
suis décidé à la servir en liant l'évolution
de ma vie avec son destin. Cette nouveauté a comblé mon
coeur de joie... En effet, avec la formation en
Occident d'une Église orthodoxe locale par nature, quelqu'un
qui adopterait la foi orthodoxe et entrerait dans
la communion de l'Église orthodoxe universelle, ne serait plus
obligé d'adopter une attitude existentielle conforme à
celle de l'une ou l'autre des Églises locales d'Orient, ni considéré
comme ayant accepté cette option. Il pourrait rester fidèle
à son origine, enrichi d'un apport orthodoxe, sans être
colonisé par une vision du monde et une façon de vivre
sa foi correspondant à un "modèle" orthodoxe
qui serait, par exemple, russe ou grec. Avant la création de
l'Église Orthodoxe Occidentale en 1936, il n'existait pas dans
les limites de notre culture occidentale, de groupes de chrétiens
confessant la foi orthodoxe et partageant la vision orthodoxe sur le
monde". (A la lecture de l'expression venue spontanément
sous sa plume : "notre culture occidentale", on entrevoit
les obstacles qui s'étaient présentés aux deux
frères pour faire admettre leur démarche parmi ceux des
émigrés russes qui, observait-il, se désignaient
euxmêmes comme : "Français de papiers").
Dans Retrouver la source oubliée, il développe sa pensée
: "Quand un "chercheur" désemparé s'approche
de l'Église orthodoxe, il est indispensable qu'il y trouve la
possibilité d'une voie directe bien qu'étroite, vers la
connaissance de vérités non dépendantes de facteurs
ethniques ou politiques. Cette voie est particulière pour chaque
peuple, mais commune à tous dans l'unité de l'enseignement
de la foi et de la bienveillance entre frères. Il est, par contre,
impossible et théologiquement faux de faire entrevoir à
un peuple déjà chrétien et possédant une
grande expérience spirituelle, qu'un tel chemin puisse lui être
indiqué par une force qui lui vient de l'extérieur, par
l'apport d'une culture qui lui est étrangère. Il
est indispensable de trouver, ou du moins de chercher les racines orthodoxes
restées vivantes en Occident à travers les siècles,
ces courants souterrains qui survivent encore dans l'atavisme profond,
subconscient, des hommes de l'Occident".
Et dans Orthodoxie et Occident il précise : "Le
rite byzantin n'ayant jamais été célébré
comme rite local organique en Europe occidentale, son adoption ne peut
pas y être la restauration d'une tradition ancienne, mais une
introduction étrangère sans racines. (...) Le rite
byzantin est représenté en Europe par les pratiques religieuses
de groupes d'émigrés orthodoxes appartenant à diverses
Églises territoriales, usages qui, bien qu'identiques dans les
livres liturgiques, se différencient très sensiblement
dans leurs manifestations concrètes d'une Église à
l'autre. Or, parmi ces diverses pratiques, laquelle aurait-il fallu
adopter pour la France ? celle des Russes, alors les plus actifs dans
l'émigration ? des Grecs ? des Serbes ? des Roumains ? des Ukrainiens
? des Bulgares ou d'autres ?... Les circonstances historiques propres
à chacune des Églises locales qui justifient ces différences,
sont étrangères au terroir occidental de l'Europe. Elles
ne s'inscrivent pas dans son passé. Un choix parmi ces traditions
ne reposerait sur aucun argument objectif. Et de plus, l'adoption du
rite byzantin sous sa forme par exemple grecque ou russe, aurait été
oeuvre consciente ou non, de "colonisation" grecque ou russe".
C'est une des raisons pour lesquelles fut imaginée la restauration
au sein de l'Église orthodoxe, de cet antique rite occidental,
l'ancien rite des Gaules qui appartient au commun patrimoine indivis
: afin de "retrouver l'expression de la foi
orthodoxe indépendamment de son environnement typiquement oriental".
Le même souci d'équilibre se retrouve à la source
de ses propres recherches pour élaborer un ensemble musical original
qui soit en symbiose autant avec ce rite retrouvé qu'avec le
rite byzantin. Cette renaissance liturgique, orientée par sa
nature même, vers l'Unité chrétienne, s'est aussitôt
heurtée et continue de se heurter aux structures institutionnelles
des milieux tant orthodoxes que romains. Le temps passant, on observe
toutefois que ces même milieux se voient amenés, bon gré
mal gré, à évoluer jusqu'à prendre à
leur compte sans toujours le reconnaître, certaines idées
dont la vitalité de ce mouvement fait apparaître la justesse.