L’AVENT
DANS LE RITE DES GAULES
R.P. Gilles Zuang
Semblable aux ornements de l’art gaulois, le temps
de l’Avent dans la tradition de l’Eglise des Gaules laisse
paraître un message en entrelacs et sans cesse en oscillation,
comme un écho, dans une structure linéaire très
simple.
La première évidence qui
apparaît lorsqu’on observe ce temps de l’Avent, est
la présence marquée de fêtes mariales s’intercalant
de manière assez régulière entre les dimanches
de l’Avent, formant un entrelacs de fêtes de deux natures
différentes : fêtes dominicales et fêtes mariales.
Il est difficile aussi de ne pas remarquer que sur 6 dimanches de l’Avent
4 textes évangéliques sont consacrés au témoignage
direct ou indirect de Jean le Baptiste, et un dimanche est consacré
à la fête de l’Annonciation.
Ainsi la somme des textes des dimanches
et fêtes du temps de l’Avent nous fait osciller entre le
témoignage de Jean et l’accomplissement de la vie de la
Très Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge, Marie.
L’OSCILLATION
L’appel au repentir de Jean le
Baptiste, qui résonne tout au long des dimanches de l’Avent,
contrastant étonnamment avec le caractère festif et joyeux
des fêtes mariales qui viennent rythmer ce temps, nous éveille
à la nature même du temps de l’Avent tel qu’il
est vécu par les fidèles de l’Eglise Orthodoxe des
Gaules selon la tradition antique : un jour de jeûne et un jour
non jeûné pendant les 6 semaines de l’Avent (on ne
parle que des jours de semaine, les dimanches ne sont pas jeûnés,
et en semaine, les fêtes consacrées à La Très
Sainte Mère de Dieu ne sont pas jeûnées non plus).
Nous vivons donc une alternance de textes
évangéliques tantôt nous éveillant à
la repentance, tantôt centrant notre attention sur les joies de
l’illumination, comme nous vivons un temps tantôt de jeûne
consacré à la pénitence et tantôt offrant
non pas une relâche, mais au contraire une tension vers la joie
d’une vie spirituelle en marche, un pèlerinage (car les
pèlerins ne jeûnent pas).
Cette marche oscillant entre la repentance
et la joie, entre la pénitence et l’illumination n’est
pas sans rappeler le proto-évangile de Jacques consacré
à la narration du pèlerinage forcé de Joseph et
Marie vers Bethléem, du cheminement sur le lieu historique de
l’Avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ : Chapitre
XVII, verset 2. Et il sella son âne et la jucha dessus.
Son fils tirait la bride et Samuel suivait.
Et ils entamaient le troisième mille quand Joseph se retourna
et la vit fort rembrunie. " L'enfant qu'elle porte, pensa-t-il,
doit la faire souffrir. " Il se tourna une nouvelle fois et vit
qu'elle riait. Il lui dit : " Marie, qu'as-tu donc? Je vois tour
à tour joie et tristesse sur ton visage. " Et elle lui dit
: " Joseph, deux peuples sont sous mes yeux. L'un pleure et se
frappe la poitrine, l'autre danse et fait la fête. "
Ainsi toute la structure du temps de
l’Avent et de ses fêtes reproduit, fait écho, accompagne,
chemine auprès de Marie et Joseph vers la Nativité, nourrissant
les fidèles de ces deux visions, de ces deux mouvements, comme
une oscillation.
LES ECHOS
Les deux Avènements
L’écho du temps de l’Avent
le plus répandu dans l’église est l’écho
du Second Avènement lors du temps de l’attente du Premier
Avènement.
Aussi le temps de l’Avent est-il
un temps privilégié à travers les églises
catholiques pour annoncer le Second Avènement lors même
qu’elles se préparent à célébrer le
Premier Avènement. C’est pourquoi, selon la tradition de
l’Eglise des Gaules, nous trouvons dans la succession des lectures
des dimanches de l’Avent, la narration de la prédication
de Jean par deux fois. Au deuxième dimanche (Matthieu III, 1-12)
et au cinquième dimanche (Jean I, 19-28), nous consacrons la
lecture de Jean Baptiste annonçant la venue du Christ : la première
fois pour l’annonce littérale du Premier Avènement,
la deuxième fois pour l’annonce mystique du Second Avènement.
Cet écho récurrent tout
au long de l’Avent à travers les lectures de l’ancien
Testament et les lectures des Epîtres, en plus des lectures des
évangiles comme nous venons de le voir, donne au temps de l’Avent
un caractère particulier. Il crée une tension entre le
Premier et le Second Avènement qui immerge le chrétien
gaulois dans un état de veille spirituelle. Aussi la tradition
gallo-franque invite-t-elle ses fidèles, au cœur de l’Avent,
au troisième dimanche, à se souvenir de la Venue Prochaine
du Seigneur et à la nécessité de la veille spirituelle
qui y prépare avec les paroles mêmes du Christ prononçant
les deux paraboles de la Venue du Fils de l’Homme : Exhortation
à la vigilance. Le voleur de nuit et Exhortation à la
vigilance. Le serviteur fidèle et avisé. Matthieu XXIV,
42-51.
Selon l’Avent proposé jusqu’ici
dans l’Eglise Catholique Orthodoxe Française, très
proche du calendrier catholique romain, la Seconde Venue est bien annoncée,
elle est même annoncée de manière beaucoup plus
explicite, mais l’annonce ne revêt pas cette spécificité
par rapport à l’attitude veille, l’éveil à
la veille comme fonction de l’église, plus que comme nécessité
personnelle, qui caractérise la spiritualité de l’église
des Gaules.
Le plan du Salut
Tout ce que nous venons d’évoquer
est déjà remarquable de structure et suffit à une
théologie solide et riche du temps de l’Avent tel qu’il
est vécu dans la tradition antique de l’Eglise des Gaules.
Mais ce n’est pas le seul écho que cette église
va vouloir exprimer.
Tout aussi admirable est la finesse
de l’enchaînement de l’ensemble des textes de ce temps
de l’Avent, qui forment une récapitulation pas-à-pas
du Plan du Salut à travers les lectures évangéliques.
Car les chrétiens gaulois vivaient dans la conscience que le
peuple d’Israël, en tant que prémices des peuples
revenant à Dieu, constituait le modèle, le précurseur
de tous les peuples. Et qu’en son histoire se récapitulerait
l’histoire de l’ensemble des peuples revenant vers Dieu.
Ainsi, en rappelant pendant le temps
de l’Avent toute l’histoire du Salut par la collaboration
et la participation du peuple d’Israël, l’église
des Gaules transmettait, de manière mystique et prophétique,
l’histoire et la conscience de l’église chrétienne
dans l’attente du Salut au Second Avènement. Cette manière
d’appréhender l’église chrétienne et
son enracinement, ou plutôt sa greffe sur un arbre historique
constitue une spiritualité particulière que Saint Paul
a offerte aux Romains dans l’épître qu’il leur
adresse, développant l’image du greffon et de l’olivier
:Mais si quelques-unes des branches ont été
coupées tandis que toi, sauvageon d'olivier tu as été
greffé parmi elles pour bénéficier avec elles de
la sève de l'olivier, ne va pas te glorifier aux dépens
des branches. Ou si tu veux te glorifier, ce n'est pas toi qui portes
la racine, c'est la racine qui te porte. Tu diras : On a coupé
des branches, pour que, moi, je fusse greffé. Romains XI, 17-19.
Ici l’idée est de tirer
profit de la connaissance de l’histoire entre Dieu et Son Peuple
Israël afin de mieux comprendre le sens de chacune des épreuves
à traverser sur le chemin de retour à Dieu et à
la vraie destinée de l’homme. Il en découle une
théologie, faut-il le redire, fortement centrée sur l’attitude
de veille spirituelle.
Dans cette optique, on peut percevoir
ainsi l’ensemble des lectures et l’entrelacs des fêtes
du temps de l’Avent :
Premier dimanche (Jean I, 35-51)
: Appel des premiers disciples
En ce jour est symbolisé et rappelé
l’APPEL de Dieu à la participation à Son Plan de
Salut. C’est l’appel reçu par les PATRIARCHES, et
en particulier ceux qui ont œuvré aux grandes épreuves
de l’humanité, les PERES DES ALLIANCES : Noé, Abraham,
(Isaac, Jacob) et Moïse.
Deuxième dimanche (Matthieu
III, 1-12) : Le témoignage de Jean
Le désert et la voix de celui
qui crie dans le désert rappellent de manière très
explicite l’exode du peuple hébreu et la voix de Dieu parlant
à Moïse, et les voix de Moïse et Aaron parlant au peuple
hébreu. Mais la dernière phrase de Jean Baptiste elle,
récapitule les différents baptême de l’humanité
à travers les Alliances justement : Pour moi, je vous baptise
dans de l'eau en vue du repentir ; mais celui qui vient derrière
moi est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne d'enlever les sandales
; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. Matthieu III,
11.
Car après l’appel vient
le baptême. Baptême d’eau pour Noé, pour Abraham
baptême d’Esprit Saint par l’action Duquel l’offrande
change de nature au cours de la Très Sainte Epiclèse (Le
don d’Abraham, sous la forme d’Isaac est changé en
bélier ; le don des fidèles, sous la forme de pain et
de vin, est transformé en Corps et Sang du Seigneur Jésus
Christ), baptême de feu pour Moïse (à lui le buisson
ardent, le feu du désert et le rayonnement de la transfiguration).
La fête de l’Entrée
de la Vierge au Temple vivifie la mémoire de l’ENTRÉE
DU PEUPLE D’ISRAËL EN TERRE PROMISE. Et, parce que Marie
est la personne humaine qui incarne la sainte Arche d’Alliance,
elle représente tout rapport au Temple. Ainsi la fête de
l’Entrée de la Vierge au Temple symbolise aussi L’EDIFICATION
DU PREMIER TEMPLE.
Troisième dimanche (Matthieu
XXIV, 42-51) : La venue du Fils de l’homme
Ce dimanche nous recevons deux paraboles.
C’est le Christ Lui-même qui parle aux foules, tout comme
le Verbe, Fils de Dieu éternellement engendré parlait
à son peuple par la bouche de Ses PROPHETES. C’est le temps
des prophètes de l’hypocrisie et de l’adultère,
c'est-à-dire l’époque des idoles, de l’IDOLATRIE
de soi, ou de l’idolâtrie de ce qui n’est pas Dieu,
alors que Dieu annonce la venue du MESSIE au sein de son peuple. Temps
de l’oubli de Dieu alors qu’Israël devrait se tenir
en éveil.
Il est à noter que ce temps correspond
à la division du peuple d’Israël en deux royaumes
: le royaume d’Israël et le royaume de Juda. Chacun de ces
royaumes aura ses propres prophètes car chacun de ces royaumes
péchera d’une manière différente devant Dieu.
Dieu entamera alors un double dialogue avec Son peuple. Le symbole de
ce double dialogue entre Dieu et Son peuple est appuyé ce dimanche
par la lecture, non pas d’une parabole de la VENUE DU SALUT DU
MONDE qui fait écho à l’ATTENTE DU MESSIE, mais
de deux paraboles en une seule lecture. Le caractère non pas
catastrophique des lectures, mais l’insistance du Seigneur sur
la VIGILANCE nous rappelle l’endormissement du peuple d’Israël
en terre promise, après avoir traversée tant de tribulations.
Quatrième dimanche (Matthieu
XI, 2-15) : Le Messager de l’Avent
Jean-Baptiste est en prison. Il entend
parler des œuvres du Christ… C’est le temps de l’EXIL.
La déportation du peuple hébreu réparti dans les
deux royaumes. Et, esclaves au milieu des IDOLES, comme Jean-Baptiste
au sein du palais d’Hérode, les juifs prennent conscience
de leurs fautes devant Dieu et de l’aliénation inhérente
à l’adoration des idoles. Là, les prophètes
proclament le RETOUR en terre d’Israël, tout comme les messagers
de Jean-Baptiste lui annoncent la LIBERATION des foules de l’emprise
des maux et des démons.
La fête de la Conception de la
bienheureuse vierge Marie, Mère de Dieu, toujours en relation
avec l’histoire du Temple, évoque la DEUXIEME édification
du TEMPLE de Jérusalem.
Cinquième dimanche (Jean
I, 19-28) : La voix dans le désert
Jean annonce (pour la seconde fois dans
le temps de l’Avent) la venue du Messie, c’est-à-dire
du Christ. (renvoyant à l’annonce du Second Avènement,
comme nous l’avons déjà dit). Et les pharisiens
viennent à sa rencontre. Nous avons déjà connu
un tel dimanche, c’est le deuxième dimanche de l’Avent.
Il y a une différence profonde entre ses deux témoignages.
Au deuxième dimanche de l’Avent les pharisiens sont muets,
c’est Jean qui les apostrophe. Ce cinquième dimanche ils
ne sont pas muets, au contraire, ce sont eux qui l’apostrophent
et le questionnent. C’est la naissance de la NOBLESSE SACERDOTALE.
Temps où les pharisiens, les
saducéens, les lévites sont imposés comme autorités
ecclésiales. Temps pendant lequel l’INFLUENCE DES PRETRES
est plus puissante et plus imposante que celle des rois. Le Temple devient
le siège, le trône du roi-prêtre, du Prêtre-Roi
à venir, préparant cette fois-ci assidûment la venue
du Messie.
Sixième dimanche (Luc
I, 26-38) L’Annonciation
Avec l’Annonciation c’est
l’accomplissement du Plan divin concernant l’église.
La Vertu du Très-Haut couvrant l’humanité en Marie
couronne la collaboration de celle-ci à Son Plan de Salut. C’est
l’ABOUTISSEMENT des Alliances. Dans cette perspective que nous
venons de décrire, les fêtes mariales durant le temps de
l’Avent sont toutes liées au Temple de Jérusalem.
Avec la fête de l’Annonciation nous célébrons
l’annonce et l’accomplissement de l’homme en tant
que Temple de l’Esprit-Saint, comme Jésus-Christ l’annoncera
lui-même. Jésus leur répondit : " Détruisez
ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. "
Les Juifs lui dirent alors : " Il a fallu quarante-six ans
pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras
? " Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Jean II,
19-20
Le Ministère du Christ
Autre écho : la tradition de
l’église des Gaules partage le point de vue des autres
traditions chrétiennes selon lesquelles les épisodes et
événements racontés dans l’Ancien Testament
sont annonciateurs du déroulement de la vie incarnée du
Verbe. Ces dimanches et fêtes de l’Avent qui récapitulent
le cheminement de l’humanité dans les Alliances de Salut,
à travers le cheminement du peuple d’Israël, tracent
aussi les contours de la vie et du Ministère du Christ dans Son
œuvre de Salut.
Premier dimanche (Jean I, 35-51)
: Appel des premiers disciples
LE BAPTEME DU CHRIST
Cet évangile du premier Dimanche
de l’Avent est une référence au baptême du
Christ. Les versets qui sont lus n’y font pas allusion. Le baptême
du Christ dans les eaux du Jourdain a cependant eu lieu la veille. Et
l’épisode qui est transmis ici est celui du témoignage
de Jean qui exhorte ses propres disciples à devenir disciples
du Christ.
Hier la voix du Père déchirait
le ciel et se faisait entendre, désignant Jésus comme
étant Son Fils. Aujourd’hui Jean-Baptiste rend son témoignage
envers le Christ. Hier le ciel annonçait, aujourd’hui la
terre témoigne. C’est de cette manière que l’Eglise
des Gaules a choisi de transmettre la manière de l’action
de Dieu sur le monde. Le saint évêque Jean de Saint-Denis
nomme cela la dyade unitive : Dieu s’abaisse, descend ou condescend
vers sa créature, et sa création s’élève
vers Lui.
Pour Noé la pluie qui vient du
ciel tombe sur la terre, et l’arche élève les créatures,
pour Christ, le Verbe venu du sein du Père s’incarne et
s’abaisse à une vie d’homme humilié et s’élève,
à l’Ascension, jusqu’au trône de Gloire céleste.
Il n’y a pas d’élévation possible pour l’homme
sans appel du ciel, pas de chemin d’élévation humaine
sans condescendance divine, et en même temps tout appel de Dieu
attend une réponse, et sans cette réponse, sans la collaboration
de la créature, le plan divin ne s’accomplit pas dans la
plénitude.
Dieu a fait de nous des prêtres
dont le rôle est de collaborer, avec Dieu, à l’union
du ciel et de la terre à travers les mouvements de cette dyade
unitive, en répondant, entre autres choses, à chaque louange
chantée par les choeurs angéliques, par une louange humaine.
A Noël, notre tradition gallo-franque témoigne à
sa manière de ce mouvement de condescendance-élévation
qui a pour but et pour sens l’union du ciel et de la terre, où
chaque parole venue des cieux, attend une réponse venue de la
terre, et nous allons lire l’évangile des anges et des
bergers aussi bien que l’évangile de l’étoile
et des mages.
Les anges du ciel descendent annoncer
la naissance du Christ, les bergers vont élever leurs voix pour
lui rendre hommage par des actions de grâce et le ciel et la terre
sont unies en un seul chœur de louanges. Un signe brille dans le
ciel annonçant la venue glorieuse du Verbe et les mages vont
témoigner avec révérence de Sa Grandeur.
La lecture de l’évangile
du premier dimanche de l’Avent montre du doigt ce mouvement et
appuie fortement, non pas sur le baptême même du Christ
au cours duquel le Père rend témoignage à son Fils,
mais sur la réponse immédiate de l’Eglise qui, à
travers Jean, va témoigner à son tour, répondant
à Dieu, unissant le ciel et la terre dans cette affirmation de
la présence du Sauveur.
En plus de l’éducation
du cosmos au mouvement vertical de condescendance-élévation
en vue de l’union librement consentie de la créature à
Son créateur, Dieu sacralise sa Création la préparant
à la réception de Sa nature divine et dans le but de rendre
ainsi la nature cosmique divinisée compatible à Sa nature
proprement divine, en un mouvement d’élection-exception
: la dyade élective.
On retrouve ce mouvement d’élection-exception
dès le chapitre 2 de la Genèse. L’Eden est le lieu
choisi par Dieu, pour que Sa créature élue cultive un
jardin dans l’exception (interdiction de manger du fruit de l’arbre
de la connaissance du bien et du mal).
C’est en ce jardin même
que l’homme dédaignant les créatures que Dieu place
devant lui va choisir et faire l’élection de sa femme pour
laquelle il quittera (exception) sont père et sa mère.
Par l’exception posée sur l’objet ou le sujet élu
l’homme le sacralise. Et en le sacralisant il lui accorde une
vertu qui dépasse sa fonction initiale ainsi que sa nature.
Et bien après même que
le Père eut fait entendre l’élection du Christ portée
par sa voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a
plu de te choisir » (Marc I, 11) la question est de savoir
si l’humanité va obéir, et répondre à
cette élection en en faisant une exception dans sa vie sacrée.
Jean témoigne, et deux des disciples de Jean quittent leur maître
pour s’attacher au Christ et l’appeler Rabbi, ils quittent
Jean-Baptiste, celui qui les a engendrés par le baptême
de l’eau, dans la vie à venir, pour suivre l’époux.
Ainsi l’exception répond à l’élection,
la terre répond au ciel, la créature au créateur
et l’homme à Dieu. L’humanité sacralise Celui
qui est sacré par Dieu.
Dans cet évangile, les deux mouvements
de la création divine se croisent comme ils se croisent dans
les chapitres 1 et 2 de la Genèse. Peut-on envisager un évangile
autre que celui-ci pour définir l’Avent comme le principe
d’une œuvre nouvelle et pourtant identique à la première,
le renouvellement de la création par le Créateur ?
En Eden Adam et Eve ont désobéi
à Dieu et s’est désunie d’avec Lui, au bord
du Jourdain, une humanité a obéi à Jean inspiré
par l’Esprit de Dieu, s’est unie au Christ sans défection
jusqu’à la fin. C’est un nouveau temps en effet dans
lequel nous fait pénétrer le mystère de l’Avent
et la tradition de l’Eglise des Gaules en témoigne de manière
lumineuse dans le choix, l’élection opportune, de cet évangile.
Deuxième dimanche (Matthieu
III, 1-12) : Le témoignage de Jean
TENTATION AU DESERT
Jean arrivant dans le désert
et prêchant le repentir, préparant les chemins du Seigneur,
prévenant de ne pas tenter le Seigneur de faire des pierres de
ce désert autre chose que ce qu’elles sont, en l’occurrence,
des enfants d’Abraham, préfigure le Christ se retirant
au désert. Tout de suite après son baptême le Seigneur
Jésus-Christ y est conduit pour y être tenté, tenté
de faire des pierres du désert des pains, entre autres.
De sa victoire sur la tentation dans
sa chair humaine dépend sa victoire sur la mort qui demeure le
but de l’incarnation du Verbe en Christ, afin de sauver le genre
humain. Aussi est-ce un des événements incontournables
de la vie du Christ. C’est pourquoi, récapitulant son ministère
selon le plan du Salut, l’église ne pouvait pas ne pas
célébrer cette victoire du Seigneur Jésus-Christ
qui offre à l’église le modèle du jeûne
de 40 jours avant sa victoire sur la mort par Sa Résurrection.
Mais là encore, notre tradition
gauloise préférera un évangile témoignant
de la participation de l’humanité à la vie du Christ.
Et propose l’œuvre de Jean ascétique de Jean qui ébauche
la victoire du Christ dans l’ascèse. L’Eglise des
Gaules semble vouloir offrir à l’humanité l’image
de son ouvrage au sein de l’œuvre divine, invitant ainsi,
exhortant peut-être, encourageant dans tous les cas, les fidèles
à se donner dans leur humble mesure à l’œuvre
Divine. Chaque collaboration, si modeste, si simple soit-elle contribuant
à l’érection d’un édifice de salut.
La fête de l’Entrée
de la Vierge au Temple
NOCES DE CANA
La fête de l’Entrée
de la Vierge au Temple annonce dans la vie du Seigneur Jésus-Christ,
les noces de Cana. De même que la Sainte Mère de Dieu va
s’avancer en dansant vers le Sanctuaire, et changer le chagrin
et la pénitence d’Anne et Joachim en joie dansante, reproduisant
la danse heureuse des Trois Personnes divines au sein de la Très
Sainte Trinité qu’elle contemple assurément, de
même Notre Seigneur va changer l’eau des ablutions en un
vin d’une douceur exquise.
De même que la Toute Sainte Marie
va d’un pas dansant donner à l’humanité une
image de sa vie à venir dans l’ivresse de l’Esprit
Saint, de même le Christ, Notre Seigneur, nous donne un avant-goût
du vin enivrant qu’il donne à boire au banquet éternel
qu’Il sert dans Son Royaume. Ici encore la tradition gallo-franque
effleure le sujet de l’action du Christ à travers le témoignage
des actions similaires de la part du genre humain, ici Marie, Notre
Sainte Mère du genre humain nouveau.
Troisième dimanche (Matthieu
XXIV, 42-51) : La venue du Fils de l’homme
TEMPS DES PARABOLES : LE MINISTERE
Après les noces de Cana le Seigneur
Jésus-Christ va aller enseigner les foules c’est par des
paraboles qu’Il va délivrer son enseignement qui nourrit
encore aujourd’hui, et de manière tellement mystérieuse
toutes les églises chrétiennes. Et même si ces deux
paraboles, celle du Maître et celle du serviteur, annoncent au
cœur de l’Avent, au cœur de l’attente de sa première
venue parmi les hommes, sa seconde venue et le Second avènement,
le fait même de choisir des paraboles en ce dimanche manifeste
aussi le mode d’enseignement du Rabbi et l’ensemble de son
œuvre magistrale.
Quatrième dimanche (Matthieu
XI, 2-15) : Le Messager de l’Avent
LE TEMPS DE LA PASSION
Nous avons déjà rencontré
cette image de Jean qui reflète les épreuves de la vie
du Christ. Jean au désert figurait la tentation de Jésus
au désert. Jean en prison avant d’être exécuté
exprime par avance l’arrestation et la Passion de Notre Seigneur
et Sauveur Jésus-Christ, car Jean ne faillira pas et précédera
son cousin en toutes choses. Avant que Jésus naisse naquit Jean.
Avant que Jésus fût suivi et écouté par les
foules, Jean qui était suivi et entendu. Avant que les disciples
du Christ ne baptisent, c’est Jean qui baptisait. Et Jean en prison
figure et préfigure l’arrestation et la Passion du Christ.
La fête de la Conception
de la bienheureuse vierge Marie, Mère de Dieu,
LE TOMBEAU
Dans la grotte, dans le tombeau, dans
le sein virginal, Tu T’es reposé, ô Créateur
du ciel et de la terre, condescends à Te reposer en nous, ô
Sauveur de l’homme. C’est par ces paroles que le diacre
consacre les offrandes du peuple en pain propre à devenir le
Corps du Christ dans la descente de l’Esprit-Saint pendant la
Sainte Epiclèse. Aussi de la conception de Marie, la conception
de celle qui servira de grotte à l’Inaccessible aux jours
de la préparation de sa venue, émerge naturellement l’image
du tombeau, creusé dans le rocher. C’est en quoi la conception
de la naissance de la Très Sainte Marie Mère de Dieu et
toujours Vierge fait allusion à la conception de la naissance
de l’homme dans la mort, par la résurrection.
Cinquième dimanche (Jean
I, 19-28) : La voix dans le désert
TEMOIGNAGES CONFUS DE LA RESURRECTION
ET ANNONCE DE LA VENUE DE LA PROMESSE.
Cette recherche obstinée de l’identité
de Jean par les lévites et les pharisiens, cette quête
fervente de réponse à son sujet par les prêtres
et la noblesse du Temple, autant dire par l’église institutionnelle
de l’époque, nous la trouvons au sujet de Jésus-Christ
de la part de ceux qui vont instaurer l’église et se retrouver
eux aussi à sa tête après Son Ascension. Ce témoignage
nous est rapporté dans l’évangile de Luc et connu
sous le nom des compagnons d’Emmaüs.
La mort et le tombeau vide du Christ
ont suscité un grand nombre de questionnements, d’inquiétudes,
d’appréhensions au milieu de ses proches. Tout comme les
discours de Jean troublent ses contemporains dans son approche des prophéties,
les disciples et apôtres fébriles sont éprouvés
dans leur foi et dans leur compréhension de l’enseignement
du Maître.
Et le Seigneur ressuscité des
morts va apparaître, mettant fin à toutes élucubrations
et vaines discussions, et de même que Jean annonce à l’église
de son temps la venue du Messie promis, la venue de Celui Qui vient
derrière lui : Au milieu de vous se tient Celui que vous ne connaissez
pas, Lui qui vient après moi (Jean I, 26-27) le Christ ressuscité
des morts annonce à l’église du nouveau temps la
venue de Celui qui sera présent dans le monde après Lui,
le Saint-Esprit Qui procède du Père : Et voici que j’envoie
sur vous ce que mon Père a promis. (Luc XXIV, 49)
Sixième dimanche (Luc
I, 26-38) : L’Annonciation
LA PENTECÔTE.
Le verset 35 de cet évangile
suffit à faire naître l’image de la Pentecôte
dans les yeux de chaque auditeur : L’Esprit Saint descendra sur
toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre, c’est
pourquoi le saint qui va naître sera appelé Fils de Dieu.
Et en effet l’Esprit-Saint s’est répandu sur le monde
et a enfanté un grand nombre de Saints du sein de l’Eglise
et engendrés par la grâce divine, enfants de Dieu à
l’image du Christ et à la ressemblance du Père.
Le baptême du Christ, la victoire
sur le Malin par le désert, les noces de Cana et l’annonce
de la Grâce par delà la Loi, l’enseignement du Maître,
la Passion, la mise au tombeau, la dissipation de toute ambiguïté
et de toute méprises dans l’enseignement après l’épreuve
de la foi vécue par les compagnons d’Emmaüs, l’annonce
de l’Esprit-Saint, et Sa réception avec l’Annonciation,
voici comment nos ancêtres dans la foi, les Gaulois, résumaient
la manifestation et l’accomplissement du Plan de Salut de Notre
Dieu à travers ces 6 dimanches de l’Avent.
CONCLUSION
Pour conclure j’aimerais poser
un regard particulier sur la fête de l’Annonciation pour
en expliquer la place dans ce calendrier de l’Avent et souligner
le caractère authentique de cette place au sein de la pensée
gallo-franque.
Il est vrai que le déplacement
de cette fête du 25 mars et son replacement au dernier dimanche
de l’Avent peut sembler un manquement à l’universalité
des églises chrétiennes, qui préfèrent fêter
l’Annonciation neuf mois avant Noël , marquant ainsi le caractère
humain de la naissance du Christ.
Il reste à découvrir, et il est à espérer
que ce document y contribuera, l’authenticité de la manière
de penser d’un peuple.
Or, dans une structure tissée
de lignes qui se font écho et s’appellent les unes les
autres, structure qui peut sembler certes complexe, la narration gauloise
est pourtant à la fois directe et linéaire. Ce qui est
frappant dans ce temps de l’Avent ainsi visité, c’est
que beaucoup de lignes se croisent, s’entrelacent, s’apostrophent
et se répondent, cependant que chaque ligne lie un temps de l’église
à un autre de manière très immédiate. Par
quels procédés ?
En faisant fi, justement, de l’expression
analogique des cycles, libérant le temps. Ce qui a pour conséquence
de rapprocher le fidèle de l’événement qu’il
fête et de lier les événements entre eux, leur donnant
une densité et une profondeur particulières.
Le cycle naturel de neuf mois qui sépare
l’Annonciation de la Nativité ne va donc pas s’exprimer
au sein de ce peuple de manière analogique, séparant ces
deux fêtes de neuf mois, mais de manière très rapprochée
au contraire pour en souder le lien.
D’ailleurs, le vrai mystère
temporel de l’Annonciation, ce ne sont pas les neuf mois qui la
séparent de la Nativité, ces neuf moi n’étant
évoqués dans aucun évangile. Le vrai mystère
de l’Annonciation selon Luc, réside dans le nombre 6, plutôt
que dans le nombre 9 : Elisabeth est enceinte de 6 mois. L’évangéliste
Luc le signale au début de son témoignage, et l’Ange
conclut son message en le révélant à Marie.
La fête de l’Annonciation
ne doit donc pas trouver son mystère étant fêtée
9 mois avant Noël, mais bien 6 mois après la date de la
Nativité de Jean : le 24 juin, plaçant l’Annonciations
autour du 24 décembre. Le rétablissement de cette date
au sein de notre calendrier est plus respectueux des mystères
auxquels Dieu, à travers l’expression des Evangiles veut
nous faire participer. Nos ancêtres dans la foi l’avaient
assurément perçu.
Quant à nous, qu’allons-nous
pénétrer comme nouveaux mystères en explorant les
voies de leur spiritualité ? Il est fort à parier qu’au-delà
d’une part essentielle et oubliée de nous-mêmes ce
sont aussi les portes qui conduisent notre peuple au Royaume qui se
dessinent. C’est seulement en empruntant le chemin qu’ils
ont su nous tracer que nous le découvrirons…
Que Dieu, Notre Dieu, nous bénisse,
qu’Il nous bénisse en surabondance.