CHRIST
est la TÊTE du Corps de l’Eglise,
nous
sommes ses membres
Diacre Marc de Bruxelles

Introduction
Notre
Seigneur Jésus Christ est un mystère inépuisable.
Il est à la fois la Personne la plus dense, la plus réelle,
la plus incontournable de toute l’histoire humaine. Mais aussi
la plus difficile à saisir dans sa profondeur et son mystère
inépuisable.
Nous
tentons, lors de ces partages théologiques, de l’évoquer
avec nos pauvres mots, et parmi ces mots, les noms que Lui-même
d’abord, la Tradition ecclésiale ensuite, lui donne. Car
chacun de ses noms nous permet d’approcher un peu de Lui, nous
lève un petit coin du voile. Ainsi, rappelons-nous des noms déjà
évoqués lors des partages précédents :
JESUS,
Dieu sauveur,
CHRIST (Messie) nom trinitaire : qui est oint de l’Esprit
Saint par le Père,
GRAND PRETRE qui se sacrifie lui-même offrant
sa vie pour nous,
AGNEAU – VICTIME
LE RESSUSCITÉ vainqueur de la mort qui nous
donne la Vie
VERBE divin Parole qui sort du Silence (le Père)
portée par le Souffle (Esprit)
Il
en existe bien d’autres encore : Image du Père, Fils de
Dieu et Fils de l’homme, Nouvel Adam, Maître (Rabbi, Enseigneur),
et Vérité, Pain de Vie, Pierre angulaire et Pierre de
faîte, Roi, Soleil de Justice…
Quand
on nomme Notre Seigneur Jésus-Christ par l’un de ses noms,
il est bon, il est important, en même temps, de garder présents
tous les autres, dans notre intelligence et notre cœur.
C’est
la richesse d’un autre nom que je vous voudrais partager avec
vous aujourd’hui : Je vous propose de nous approcher d’un
autre aspect fondamental de l’œuvre de la 2ème
Personne de la Divine Trinité en commençant pas
quelques textes de mon apôtre préféré : Saint
Paul.
«
Dieu l’a donné pour Tête à toute l’Eglise
qui est son corps » (Eph. 1/22)
« Il est, Lui, la tête du corps, la tête de l’Eglise
» (Col 1/18)
« Ignorez-vous que vos corps sont les membres du Christ ?
» (1 Cor 6/15)
« Nous sommes tous un seul corps en Christ, étant membres
les uns des autres » (Rom 12)
Si
nous écrémons ces citations en y glanant les mots importants,
nous garderons les mots : Eglise, Corps, Tête et membres. L’Eglise
est le corps du Christ qui en est la Tête et dont nous sommes
les membres .
Ce
qui frappe d’emblée dans cette approche, c’est l’aspect
organique, biologique, physique de cette vision du Christ, de l’Eglise
et de nous. Vision bien éloignée des représentations
habituelles du Christ et de l’Eglise qui sont, soit désincarnées,
abstraites, soit (en ce qui concerne l’Eglise) trop incarnées
(c'est-à-dire uniquement centrées sur les aspects humains,
historiques, sociologiques, institutionnels de l’Eglise).
L’Eglise
est mal aimée. Ce n’est un secret pour personne. Surtout
à notre époque !
Mal
aimée par ceux du dehors, qui ne voient dans l’Eglise que
ses affreux défauts, ses nombreuses faiblesses, ses erreurs historiques
et souvent toujours actuelles. L’Eglise est perçue comme
une vieille maison antique qui semble tomber en ruine… Après
des siècles d’oppression des consciences, d’intolérance
et de colonialisme …
Mal
aimée aussi de beaucoup de « ceux du dedans »,
c'est-à-dire nous les chrétiens qui ressentons la lourdeur
de l’institution, son côté hiérarchique, pesant,
parfois rigide, passéiste…
Ce
qui signifie que, lorsqu’on parle de l’Eglise, cela provoque
le plus souvent des réactions à fleur de peau, extrêmement
superficielles qui passent complètement à côté
de la réalité profonde de l’Eglise.
C’est cette réalité intérieure, organique
de l’Eglise que je nous invite à redécouvrir aujourd’hui
avec les yeux de St Paul et de la Tradition des pères.
Redécouvrir
l’Eglise dans sa pureté, dans sa beauté, dans sa
profondeur, dans sa jeunesse éternelle ! Fameux programme !
Que
l’Esprit Saint nous inspire !
Car
il nous est impossible de retrouver la pureté et la profondeur
de ce regard sans la lumière de l’Esprit Saint (l’Esprit
de vérité), sans la prière et sans l’humilité.
L’Esprit Saint, la prière et l’humilité nous
dépouillent de nos préjugés, de notre étroitesse,
de notre rationalité limitée.
Car
comme l’écrit St Jean Cassien :
« Pénétrer jusqu’au cœur et à
la moelle des paroles célestes, en contemplant les mystères
profonds et cachés avec le regard purifié du cœur,
cela, aucune science humaine, ni la culture profane ne l’obtiendra,
mais seulement la pureté de l’âme, par l’illumination
du saint Esprit » (Conférences XIV – 9)
Et
Origène :
« Ce qu’il faut avant tout pour obtenir l’intelligence
des choses divines, c’est la prière » (Lettre
à Grégoire le Thaumaturge).
Je
nous invite donc à aller dans une attitude d’écoute
réceptive, et en invoquant l’Esprit Saint, au-delà
des apparences visibles et des clichés habituels et faciles,
pour retrouver dans l’Eglise, la fiancée bien-aimée
de Dieu, sa sainteté et sa vitalité ontologique. A
contempler ce Corps, comme un organisme divino-humain qui contient et
communique la vie même de Dieu, Ses énergies incréées.
Comme
l’écrit Olivier Clément :
«
L’Eglise ne relève pas d’abord, ni fondamentalement
de la sociologie. L’institution n’est que la trace empirique
du mystère. L’Eglise est avant tout puissance de résurrection,
sacrement du Ressuscité qui nous communique sa résurrection.
Dans sa profondeur, l’Eglise n’est rien d’autre que
le monde en voie de transfiguration. » (Sources page 87)
Si
je veux résumer l’enseignement d’aujourd’hui
en quelques phrases je dirais :
L’Eglise est le lieu et le temps (à la fois dans et hors
de l’espace et du temps historiques ) où commence notre
déification. Elle est le nouvel Eden le nouveau Paradis, supérieur
au premier comme disent les Pères.
L’Eglise a été plantée dans le monde comme
un paradis écrit St Irénée (CH V-20)
L’Eglise est l’antichambre des noces de la créature
avec Son Créateur.
L’Eglise est Le CORPS et l’épouse du Christ.
Elle est un organisme vivant constitué de membres (nous) reliés
à leur tête (le Christ).
Nous
pourrions nous arrêter ici si notre intelligence et notre cœur
étaient unis. Si nous avions acquis de manière définitive
« le troisième œil » dont parle Raymond Pannikar
(à la suite de l’école de St Victor).
Cependant,
ne nous faisons pas d’illusion : nous sommes des êtres partagés,
capables d’illumination et d’éveil, mais aussi très
souvent engourdis et lents à comprendre et à incarner
les réalités divines dans nos vies concrètes.
La
question suivante se pose donc : Comment concilier la perception négative
habituelle que l’immense majorité des gens (et parfois
nous aussi !) a (ont) de l’Eglise et cette vision profonde, enthousiaste
de St Paul et des Pères ?
Je
vous propose de répondre à cette question essentielle
en 9 étapes, en tentant d’expliciter les différents
aspects du Corps qu’est l’Eglise, tout en gardant la conscience
que ce mystère de l’Eglise nous dépasse largement,
tel un océan dont on ne peut percevoir toute la vie, la profondeur,
le mouvement….
1-
Première approche : L’Eglise vit d’une Vie divino-humaine
Tout
d’abord, comme tout organisme vivant, l’Eglise doit être
recevoir une vie qui l’anime, un courant vital qui nourrit ce
gigantesque organisme invisible.
Ce
flux d’énergie l’irrigue comme un champ, le traverse
telle une pulsation continue lui est donnée par deux Personnes
divines envoyées par le Père dans le monde :
- le Christ qui s’incarne dans la nature humaine et nous donne
Son corps et Son sang,
- l’Esprit Saint qui donne le Souffle au Corps de l’Eglise
(et à ses membres), l’inspire et lui (leur) communique
les énergies divines incréées.
Le
Christ réalise une transfusion sanguine de son Corps à
celui de l’Eglise. Le Christ est le cœur de l’Eglise
(pas seulement sa Tête). L’Esprit Saint c’est la respiration
de l’Eglise, son souffle, ses poumons.
C’est
le premier aspect fondamental à retenir : la vie divine (les
énergies incréées) circule(nt) dans l’Eglise
par le Verbe et l’Esprit.
Par
ailleurs, ce grand corps, qui reçoit les énergies divines,
est composé de membres, qui eux sont humains (au départ).
Ces membres se rattachent à la Tête (le Christ), qui les
guide et les nourrit (de Sa Parole, de Son Corps et de son Sang), les
unit à Lui et sont mis en mouvement par l’Esprit qui les
inspire.
2-
Deuxième approche : L’Eglise plonge ses racines dans la
Vie trinitaire car le Christ et l’Esprit sont « les deux
Mains du Père »
«
L’Eglise est incréée de même que Dieu
est incréé…L’Eglise est une institution divine
et en elle habite tout le plérôme de la Divinité…L’Eglise
éternelle est constituée des trois Personnes de la Sainte
Trinité… En entrant dans l’Eglise incréée,
nous venons au Christ, nous entrons dans l’incréé…les
fidèles sont appelés à prendre part aux énergies
divines, à entrer dans le mystère de la Divinité…à
être en Dieu. » (Père Porphyre)
«
L’essence de l’Eglise est la vie divine qui se manifeste
dans la vie créée. »
(Serge Boulgakov – Orthodoxie)
Le
père Porphyre n’y va pas de main morte ! Il nous ouvre
les yeux sur une réalité essentielle : l’Eglise
n’appartient pas seulement au monde créé (vision
banale et ordinaire qui est celle de tous) mais avant tout au monde
incréée, c'est-à-dire à la vie divine de
la Trinité.
La
première Eglise, c’est la Divine Trinité.
C’est
pourquoi l’on dit que l’Eglise est à l’image
de la Divine Trinité, une et diverse. C’est le fondement
même de l’ecclésiologie orthodoxe. Puisque le Christ
et de l’Esprit, envoyés par le Père, fondent et
animent l’Eglise de l’intérieur, l’Eglise puise
son origine dans la Vie trinitaire.
«
La vie du Christ est inséparable de celle de la Sainte Trinité,
une et consubstantielle avec le Père et le Saint Esprit. Aussi,
comme vie dans le Christ, l’Eglise est-elle vie dans la Trinité.
Vivant de la vie en Christ, le Corps du Christ vit de la vie trinitaire…L’Eglise,
Corps du Christ, devient participante de cet amour divin trinitaire
: « Nous viendrons et nous établirons en lui notre demeure
» dit Jésus » (Jean 14/23) (S. Boulgakov)
Nous
pouvons donc affirmer que dans l’Eglise se rencontrent et se mêlent
deux courants vitaux : la vie divine du Créateur et la vie humaine
des créatures. Ce ne sont pas deux courants séparés
et parallèles, mais deux rivières qui mêlent leurs
eaux, semblables à la confluence de deux fleuves.
«
Dans ce peuple de l’Eglise, dans ce monde sacramentel, la
divinité et l’humanité se sont entrelacées.
» (Métropolite Antoine Bloom page 112)
Cela
ne vous rappelle rien ? Si, bien sûr ! Le mystère même
de l’Incarnation du Fils de Dieu !
Cette interpénétration de deux vies (incréée
et créée), de deux natures (divine et humaine) se réalise
d’abord dans la Personne du Christ qui réunit en Lui les
deux natures divine et humaine.
Il
est essentiel de percevoir que l’Eglise, dans sa réalité
profonde, n’est pas une institution, une organisation purement
humaine (même si aux yeux extérieurs, elle apparaît
comme une organisation parmi d’autres avec toute sa lourdeur,
ses limites et ses tares…) mais le lieu de rencontre réelle,
profonde, intime de Dieu et de l’homme.
«
L’Eglise est le lieu où Dieu et l’homme se rencontrent,
où ils vivent conjointement pour former une famille unie sacramentellement…l’Eglise
est sur deux plans à égalité une société
divine et une société humaine. L’Eglise nous apparaît
comme incomparablement plus grande et autrement plus profonde que toute
société humaine…Elle se présente à
nous comme le sacrement de la rencontre et de l’union du Dieu
unique en Trois Personnes avec sa créature…L’Eglise
manifeste la présence de la Très Sainte Trinité
au milieu de nous et en nous, elle est le lieu où la vivifiante
Trinité agit dans ses créatures. » (Métropolite
Antoine Bloom- Entretiens sur l’Eglise et la foi – p 96
et 181).
3- Troisième approche : les contradictions de l’Eglise
Vous
vous dites peut-être : du calme ! Et si on revenait sur terre
? Foin de ces belles envolées ! Redevenons raisonnables et réalistes.
Il
est bien beau de présenter l’Eglise comme la chambre des
Noces du Créateur et de ses créatures, mais regardons
la réalité en face : si l’Eglise est un organisme
divino-humain dans sa profondeur, elle semble hélas, en surface,
souvent bien trop humaine ! L’Eglise
paraît la plupart du temps n’être constituée
que de pécheurs qui s’égarent, cherchent, tombent,
et se relèvent (dans le meilleur des cas !). St
Ephrem le syrien va jusqu’à écrire qu’elle
est « l’assemblée de ceux qui périssent
» (voir plus loin - 9- la citation complète).
Je
suis d’accord avec cette formule à condition que «
celui qui périt » soit le vieil homme (qui cependant à
la vie dure!)
Ne
faisons pas l’autruche et admettons qu’il existe, à
tout le moins, une contradiction, une forte antinomie entre l’Eglise
visible et l’Eglise invisible, l’Eglise mystique dont la
vie est cachée en Dieu.
Attention toutefois de ne pas forcer cette opposition : il n’y
a qu’une seule Eglise à la fois visible et invisible !
Et
cette contradiction est source, il faut le reconnaître, de grandes
difficultés et de soubresauts, de rejets parfois violents. Car
l’Eglise, Corps et Epouse du Christ, Temple de L’Esprit
Saint, jeune épousée, apparaît bien souvent sous
les traits d’un vieillard ridé et acariâtre, qui
semble avoir raté sa vie et dont tout le monde se détourne
!
Le
corps de l’Eglise est travaillé par toutes sortes de forces
contradictoires, de courants contraires comme la houle sur l’océan
: ce grand corps se transforme, évolue, souffre, grandit, ou
rétrécit, craque de toute part, comme un navire dans la
tempête.
Oui,
l’Eglise, Corps du Christ est constituée de pécheurs
en marche et qui souvent s’égarent...
C’est pourquoi l’Eglise est tant décriée et
tant méconnue. On n’en perçoit que des « effets
secondaires indésirables ».
Mais,
comme dans toute approche antinomique, il est essentiel de ne pas oublie
que l’Eglise s’édifie aussi comme un Temple Saint,
un Temple spirituel qui se construit avec ses membres qui sont des pierres
vivantes comme l’écrit St Pierre (1 Pierre 2 , 5) . Elle
est le Temple vivant de L’Esprit saint …qui la travaille
de l’intérieur. Ce qui signifie que les pécheurs
qui composent l’Eglise, malgré leurs erreurs, leurs égarements,
leurs crimes parfois, peuvent aussi être transformés (comme
on le voit si bien dans les romans de Dostoïevsky)
«
Grâce au don du Saint Esprit, l’Eglise se trouve remplie
de la Divinité, notre humanité peu à peu se modifie,
va jusqu’à se transformer de fond en comble, tantôt
de manière invisible, tantôt de manière tangible.
» (Métropolite Antoine Bloom – entretiens sur
l’Eglise, page 97)
Et
cette transformation a lieu malgré notre faiblesse, et peut-être
faudrait-il dire aussi « grâce » à notre faiblesse,
quand nous prenons conscience de notre fragilité et appelons
l’Esprit Saint :
« O Dieu viens à mon aide, Seigneur hâte-toi
de me secourir ! »
Car c’est dans ma faiblesse que je suis fort, c’est pourquoi
St Paul se glorifie de sa faiblesse qui permet à Dieu d’agir
en lui, à travers lui (2 Co 12- 9).
«
Nous formons un corps malade, nous sommes malades de la mortalité,
nous sommes malades du péché, nous sommes malades dans
nos hésitations…et malgré tout, nous formons un
corps capable de faire des miracles, un corps dans lequel, malgré
son impuissance…peut se manifester toute la gloire…A travers
ce corps malade du péché, toute cette plénitude
devient accessible au monde dans lequel nous vivons. Et cela c’est
un miracle.
«
Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans
a faiblesse » (2 Co 12 – 9)…
« Il y a une faiblesse qui relève du péché,
mais il y a une autre faiblesse qui est un simple abandon et qui laisse
l’énergie agir en soi. » (Antoine Bloom - page
101)
C’est pourquoi, malgré les égarements de l’Eglise
(qu’Il semble avoir prévus) le Christ dit que les portes
de l’enfer (c'est-à-dire du non amour) ne prévaudront
pas contre elle.
Et
cela se comprend : comment imaginer que l’Eglise, qui est l’humanité
( la nature humaine) déjà unie de manière définitive
au Christ et aux trois Personnes divines, puisse un jour sortir de la
communion de la Vie trinitaire dans laquelle elle est entrée
de manière définitive par l’Incarnation, la mort
et la résurrection du Fils de Dieu ?
Lorsqu’au
spectacle, parfois fréquent, des mesquineries, des rivalités,
des étroitesses d’esprit, calomnies, ruptures de communion
…qui déchirent le corps de l’Eglise depuis ses origines,
et la fait apparaître comme une réalité étroite,
parfois pénible, nous sentons poindre la révolte et le
découragement, n’oublions jamais que l’Eglise dans
sa réalité profonde, vit de cette vie trinitaire qui l’irrigue
sans cesse, qui diffuse en elle sa chaleur comme la braise du feu divin
couvant sous la cendre de notre humanité.
Sans ce feu et ce souffle divin, l’Eglise cesserait d’exister
à l’instant même ! Et croyez- moi, ce n’est
pas une image, une métaphore, mais la réalité essentielle
de l’Eglise qui palpite de la vie divine et ne peut vivre sans
être soutenue et nourrie en permanence par les énergies
incréées.
Malgré
ses erreurs et ses égarements, l’Eglise est et restera
toujours sainte car c’est la vie divine, la vie du Christ, la
vie de l’Esprit (et du Père) qui vit en elle et communique
la sainteté à ses membres :
« Les choses saintes aux saints ! » proclame le
prêtre avant la communion.
«
Les fidèles sont appelés saints en raison de la chose
sainte à laquelle ils participent et de Celui au corps et au
sang duquel ils communient. Membres de Son Corps, chair de sa chair
et os de ses os, tant que nous lui restons unis et que nous sommes en
consonance avec Lui, nous recevons la vie, attirant à nous, par
les mystères (sacrements) la sainteté qui découle
de cette Tête et de ce cœur ». Nicolas Cabasilas
Explication de la Divine Liturgie 36)
4-
Quatrième approche : l’unité de l’Eglise fondée
sur le Christ.
Nous
avons eu l’occasion l’an dernier de contempler (ou plutôt
d’effleurer) le mystère de l’Incarnation du Fils
de Dieu dans notre nature humaine. L’essentiel à en retenir,
pour notre sujet d’aujourd’hui, c’est que le Christ
unit, en son Unique Personne, la nature divine et la nature humaine.
Confesser
cette réalité inouïe constitue l’enjeu des
luttes doctrinales et des conciles des 8 premiers siècles. Pourquoi
les Pères se sont-ils tant démenés pour combattre
les pensées qui déformaient cette réalité
?
Pour
préserver la confession (c'est-à-dire la conscience et
la proclamation) de l’union réelle et définitive
des natures divines et humaines en Christ, c'est-à-dire de l’humanisation
de Dieu (Son Incarnation dans un corps une âme et un esprit humains)
et aussi (surtout ), de la déification de la nature humaine.
Pour
simplifier (et mieux percevoir et d’exprimer en termes théologiques
cette réalité incompréhensible qui dépasse
notre entendement), la Tradition nous dit que l’oeuvre du Christ
(son Incarnation) se rapporte à notre nature qu’Il renouvelle,
restaure, rénove, déifie déjà de manière
totale, définitive (quoique cachée aux yeux du monde).
«
Dans le mystère du Christ existe cette indissoluble union
de la Divinité et de son humanité…, la theosis ou
divinisation qui est le dépassement du créé dans
son union avec l’incréé…L’union de la
nature Divine et de la nature humaine en Christ transmue la nature humaine
en une nature immortelle et incorruptible. ». (Met. Antoine
Bloom p. 178)
Si
nous transposons cette réalité à l’Eglise,
à la question qui nous réunit aujourd’hui: «
qu’est-ce que l’Eglise ? », nous pouvons répondre
: c’est la nature humaine déifiée par le Christ.
Et
cette nature humaine purifiée, rénovée, restaurée
dans sa vocation divine, et définitivement entrée dans
la communion trinitaire, nous en sommes tous porteurs. Les heureux gagnants
pourrait-on dire !
Que l’on soit chrétiens ou non, car c’est toute la
nature humaine qui est renouvelée, transformée par l’Incarnation.
Pas celle des chrétiens (qui n’ont évidemment pas
une nature humaine différente de celle des autres hommes). Il
n’existe qu’une seule nature humaine.
Et
cette nature nous la recevons par le fait même de l’Incarnation
et de l’union dans la Personne du Verbe devenu homme de la nature
divine et de la nature humaine (et cela concerne toute l’humanité
au niveau ontologique et inconscient, c’est objectif).
Prenons
l’image d’un vase transparent qui contient de l’eau
dans laquelle on verse de l’encre. L’eau devient bleutée
car l’encre et l’eau ne peuvent plus être séparées.
Il en va de même pour l’union définitive de la nature
humaine et de la nature divine.
L’Eglise, nature humaine transformée par le Fils de Dieu
est le prolongement de l’Incarnation de Dieu dans notre humanité.
«
L’oeuvre accomplie par le Christ se rapporte à
notre nature…C’est une nouvelle nature, une créature
rénovée qui apparaît dans le monde, un nouveau corps,
pur de toute atteinte du péché…C’est l’Eglise,
milieu pur et incorruptible où l’on atteint l’unIon
avec Dieu….C’est aussi notre nature, incorporée à
l’Eglise, Corps du Christ auquel on s’intègre par
le baptême.
L’unité
du Corps apparaît comme l’homme unique (le Nouvel Adam)
dans le Christ…Notre humanité devient consubstantielle
à l’humanité déifiée, unie à
la Personne du Christ. L’Eglise est le corps nouveau de l’humanité,
sa nouvelle nature divino-humaine. »
(Lossky, Théologie mystique de l’Eglise d’orient
)
5- Cinquième approche : l’unité profonde
de l’Eglise (unité et catholicité)
L’union
des membres (nous, les chrétiens) dans ce Corps qu’est
l’Eglise est bien plus forte et plus profonde qu’il n’y
paraît si on ne voit que les querelles, la petitesse, les divisions…
Des
uns et des autres, le Verbe incarné réalise un corps unique
dont les membres ne peuvent plus être séparés sur
le plan ontologique, de la même manière que les fils d’un
tissu ne peuvent plus être arrachés sans déchirer
ou effilocher l’étoffe dans laquelle ils sont entrelacés.
«
Tous reçoivent de l’Eglise une nature unique, impossible
à rompre, une nature qui ne permet plus qu’on tienne compte
désormais des multiples et profondes différences qui les
affectent…Dans l’Eglise, nul n’est séparé
de la communauté. Tous se fondent, pour ainsi dire, les uns dans
les autres par la force simple et indivisible de la foi…Le Christ
est ainsi tout en tous » (St Maxime le Confesseur –
Mystagogie).
« Divisé en personnalités bien tranchées
par quoi un tel est Pierre, ou Jean, ou Thomas, ou Matthieu, nous sommes
fondus en un seul corps dans le Christ, en nous nourrissant de son Corps
vivifiant. » (St Cyrille d’Alexandrie – Sur Jean)
C’est
l’accomplissement de la prière sacerdotale du Christ :
Qu’ils soient un, Père, comme toi et moi sommes un. C’est
unité fondamentale de l’Eglise unie au Christ par toutes
ses fibres, lui permet de traverser les tempêtes et les soubresauts
de l’histoire sans se perdre ni se briser.
Mais
cette unité profonde, ontologique, organique des membres de l’Eglise
ne peut rester cachée. Elle est appelée à se manifester
de manière concrète par une entraide fraternelle, un partage
des joies et des peines…
«
Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez le commandement
du Christ » écrit St Paul.
«
Faire notre entrée dans l’Eglise c’est nous unir
avec nos frères humains, avec les joies et les chagrins de tous
; de les sentir tous comme des proches, de prier pour tous, de nous
mettre en peine de leur salut, de nous oublier nous-mêmes. Dans
l’Eglise, nous devenons un avec tout être malheureux, toute
âme en peine, tout pécheur…Quand nous nous mettons
à part des autres, nous ne sommes pas chrétiens. C’est
quand nous ressentons profondément que nous sommes membres du
Corps mystique du Christ, dans une relation d’amour continuelle
que nous sommes vraiment chrétiens » écrit
le Père Porphyre.
Réalisant
ainsi la parole du Christ :
« C’est à l’amour que vous aurez les uns
pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples
» (Jean 13 – 35).
Et
cette union avec tous nos frères et sœurs est appelée
à s’élargir encore à toutes les créatures
:
«
Le Christ a réuni le corps de l’Eglise avec le ciel
et la terre. Avec les anges, avec les hommes et avec toutes les créatures,
avec toute la création de Dieu, avec les animaux, avec les oiseaux,
avec chacune des petites fleurs sauvages, avec chacun des petits insectes…
» (Père Porphyre)
«
Qu’est ce qu’un cœur charitable ? demande Isaac
le syrien : « c’est un cœur qui s’enflamme de
charité pour la création tout entière, pour les
hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons,
pour toutes les créatures à leur souvenir et à
leur vue, il verse des larmes abondantes… »
Il
est essentiel que percevoir que l’Eglise, Corps du Christ, a une
dimension cosmique par nature.
On ne peut imaginer qu’une Personne divine soit réellement
entrée et ait réellement vécu dans la matière,
dans notre corps, sans que toute la matière cosmique n’en
soit transformée.
«
Il n’y a pas un brin d’herbe qui ne pousse dans l’Eglise,
pas une constellation qui ne gravite en elle. Toute quête de vérité,
de justice de beauté se fait en elle (même si les prophètes
et les grands créateurs de vie ont parfois été
persécutés par l’institution ecclésiastique),
chaque parcelle de méditation, de sagesse, de célébration
est recueilli par elle (même si la chrétienté, à
certains moments, s’est constituée en société
sacrale qui ignorait ou combattait les autres » (Olivier
Clément – Sources- page 88)
Il
ne s’agit nullement de magnifier sottement une institution humaine
et d’avoir des visées impérialistes ! Encore moins
d’entrer dans des rivalités ou des comparaisons avec d’autres
traditions en vue de les discréditer ou de les dominer ! Mais
« simplement » de percevoir que l’Eglise, ancrée
dans la vie divine, nourrie du Corps et du Sang du Christ, est «
catholique » au sens premier du terme (kat’ olon
– « selon le tout ») c'est-à-dire
porteuse d’une plénitude qui dépasse de très
loin ses aspects visibles et simplement humains. Enceinte de l’univers
en voie de transfiguration, ses énergies (incréées)
rayonnent sur tout le cosmos et le travaille de l’intérieur.
6-
Sixième approche : Nous séparer du Christ c’est
mourir.
Nous
retrancher de la source de vie c’est nous condamner à dépérir.
.
Si l’Eglise visible (car l’invisible demeure et ne peut
disparaître puisqu’elle est ancrée en la Vie trinitaire),
s’éloigne du Christ (de la foi en sa divinité, en
sa résurrection, de ses sacrements…) elle ne peut trouver
la vie en elle-même, elle perd sa raison d’être son
sens, son Logos, elle perd le Souffle et la circulation sanguine…
et tel un corps que ses forces abandonnent, elle serait vouée
à la disparition
Si
l’Eglise devenait seulement humaine (une institution, une organisation
parmi d’autres avec ses rites, ses coutumes, sa hiérarchie,
ses bâtiments…) elle ne serait plus Eglise, c'est-à-dire
« l’assemblée de ceux qui sont appelés
», le Corps du Christ mais une « peau de chagrin
» (et quel chagrin !) .
«
Pas plus que le corps ne peut vivre sans la tête, de même
l’Eglise ne peut être pour Dieu un corps bien constitué
sans la tête qu’est le Christ, Dieu Lui-même. Elle
ne peut vivre de la vie incorruptible, si elle n’est pas nourrie
par Lui chaque jour. » (St Syméon le Nv théologien
- Ethique)
«
Ne nous attachons pas seulement au Christ, accrochons-nous à
Lui…Le moindre intervalle nous ferait mourir. Que rien ne s’intercale
entre le Christ en nous. S’il venait la moindre séparation,
nous péririons à l’instant. Peut-il y avoir un espace
vide entre la tête et le corps ? Qui se sépare, même
très peu, verra la brèche grandir et sera séparé…
Est-ce qu’une branche, coupée de la racine, même
délicatement, ne se dessèche pas ? Ce peu de chose, vous
le voyez, n’est pas peu, c’est presque tout ! »
(St Jean Chrysostome - Homélie 8)
Ici,
nous retrouvons cet autre beau nom traditionnel du Christ : la Vigne
dont nous sommes les sarments. Les sarments que nous sommes sont greffés
sur le pied de vigne dont ils reçoivent la sève. S’ils
sont détachés (et pas seulement émondés,
taillés, ce qui représente le combat spirituel qui porte
du fruit), ils meurent.
« (Le membre coupé du corps) est semblable aux sarments
coupés de la Vigne…
Les sarments gisent là où ils sont tombés …La
Vigne pleure partout ceux qui sont coupés. Elle dit à
tous de revenir et de se rattacher à elle. » (St Augustin
– Contre les donatistes)
7-
Septième approche : Le Christ et l’Esprit nourrissent l’Eglise
par les sacrements.
Les
sacrements nous sont donnés par Dieu comme une nourriture, des
artères qui transfèrent en nous les énergies divines.
En particulier, le baptême qui nous greffe au Christ mort et ressuscité
et de l’eucharistie, qui nous communique sa Vie même par
le don de Son corps et de Son sang.
Le
baptême nous unit, nous incorpore au Fils de Dieu mort et ressuscité.
Comme une petite plante greffée sur une autre, plus grande et
plus vigoureuse, qui lui donne sa sève, le chrétien greffé
sur le Christ accueille en ses membres une vie nouvelle, qui n’est
plus seulement humaine mais divino-humaine.
Il
s’agit d’une nouvelle naissance en Christ. Le vieil homme
meurt et l’homme nouveau apparaît qui reçoit la nature
divino-humaine du Fils de Dieu. Le baptême est le sacrement qui
réalise la parole du Christ à Nicodème : «
Nul ne peut entrer dans le Royaume s’il ne naît de l’eau
et de l’Esprit » (Jean 3,5).
«
Sortant de l’eau, nous portons le Sauveur Lui-même sur
nos âmes, sur notre tête, sur nos yeux, dans nos entrailles
mêmes, sur tous nos membres. Nous sommes réellement devenus
membres du Christ par l’œuvre du baptême. L’eau
baptismale détruit une vie et en produit une autre. Elle noie
le vieil homme et fait émerger l’homme nouveau…Le
baptême en effet est une naissance. C’est le Christ qui
nous engendre et c’est sa propre vie qui nous est donnée.
» (Nicolas Cabasilas – La vie en Christ)
L’eucharistie nous nourrit de Son Corps et de Son sang, réalisant
dans l’Eglise deux paroles essentielles du Christ :
«
Je suis le pain de vie qui descend du ciel. celui qui mangera ce
pain vivra pour l’éternité et ce pain que je donnerai,
c’est ma chair pour le salut du monde. » (Jean 6)
et
« Faites ceci en mémoire de moi » (paroles
de l’Institution)
La
communion à Son Corps et à Son corps nous unit de manière
étroite à Son Corps divino-humain et nous rend consanguins
à Lui. Jésus est devenu notre frère de sang ! Le
Sang de Dieu incarné coule dans nos veines, se diffuse dans tous
nos membres, notre âme et notre esprit.
Avons-nous
conscience de cette réalité folle, incompréhensible
?
Cette
transfusion sanguine nous unit étroitement au Christ, Grand Prêtre
de son sacrifice pour le salut du monde et Agneau, victime innocence
qui donne sa Vie pour nous. Nous sommes invités chaque dimanche
à un banquet de noces, « car les Noces de l’agneau
sont venues et l’Eglise son épouse s’est revêtue
de lin, fin éclatant et pur », dit le diacre lors de la
préparation des Saints dons.
Il
n’est pas facile pour un être rationnel (ou plutôt
rationaliste) d’admettre le réalisme des sacrements et,
parmi eux, de l’eucharistie qui, au mieux paraît un rite
purement symbolique, au pire, une superstition qui évoquerait
une réminiscence du cannibalisme rituel. La Tradition nous enseigne
pourtant que par le sacrement c’est l’énergie divine
(incréée) qui traverse une humble matière (le pain,
le vin, l’huile, l’eau…) et se communique réellement
à ceux qui le reçoivent.
Le
sacrement n’est pas un symbole mais il opère, il agit,
il communique réellement la Présence de Dieu par les énergies
incréées qui imprègnent la matière et passent
en nous, dans notre être tout entier, corps, âme, esprit.
Il transforme notre être en le greffant au Christ :
« Le Corps (humain du Christ) élevé par Dieu
à l’immortalité, une fois introduit dans le nôtre,
le change et le transforme tout entier en sa propre substance »
(Grégoire de Nysse – Grande catéchèse 37)
«
Apprenons la merveille de ce sacrement, le but de son institution,
les effets qu’il produit.
Nous devenons un seul corps, selon l’Ecriture, membres de Sa chair
et os de ses os.
C’est ce qu’opère la nourriture qu’Il nous
donne Il se mêle à nous afin que nous devenions tous une
seule réalité, comme un corps joint à sa tête
».
(Jean Chrysostome – Homélie sur St Jean)
«
Le Ressuscité se donne pleinement à nous dans l’eucharistie,
qui est ainsi une nourriture de résurrection.» (Olivier
Clément – Sources p 97)
Si
l’Eucharistie nous unit étroitement au Christ qui entre
en nous, elle nous unit aussi entre nous, puisque nous recevons tous
la même énergie incréée et la même
nature divino-humaine du Christ ressuscité. Nous sommes soudés
comme les pierres d’un mur par cette matière sacramentelle
qui agit comme un aimant, un liant puissant qui crée entre nous
un lien impossible à défaire.
«
Si le sacrement est une union au Christ et en même temps une
union les uns avec les autres, il nous procure l’unité
avec ceux qui le reçoivent comme nous. »
(St Jean Damascène de la foi orthodoxe IV)
«
Quand le Seigneur appelle Son corps le pain, fait de la réunion
d’un grand nombre de grains, il montre l’unité de
notre peuple (l’Eglise) Et quand il appelle Son sang le vin exprimé
d’un grand nombre de grappes et de grain et formant pourtant une
liqueur unique, il montre que notre troupeau est fait d’une multitude
ramenée à l’unité. » (St Cyprien
de Carthage – lettre 69)
Mais
l’eucharistie (comme l’Eglise) a aussi une dimension cosmique
car elle transfigure secrètement le monde.
Pour l’appréhender ce mystère, nous devons à
nouveau nous départir de la perception du corps, étroite,
matérialiste, rationaliste, qui divise, dissèque, sépare…
comme nous le suggère ce beau texte d’Olivier Clément
:
«
Le corps eucharistique est celui du Jésus historique aussi
bien que du Christ ressuscité. C’est le corps de l’enfant
dans la crèche, le corps souffrant passion sur la croix –
car le corps est rompu, le pain répandu - , le corps ressuscité
et glorifié. Et quand on dit « corps », il faut entendre
l’entière humanité. Depuis la Résurrection
et l’Ascension, cette humanité de Dieu englobe le monde
et le transfigure secrètement…. Le corps historique de
Jésus, tout en se laissant contenir, par folie d’amour,
dans un point de l’espace, dans un bref moment du temps, contenait
en réalité l’espace et le temps car il n’était
pas le corps d’un individu déchu qui brise la nature humaine
pour se l’approprier, mais le corps d’une Personne divine
qui assumait cette nature et tout l’univers pour les offrir.
» (O. Clément Sources p. 98)
«
Le Christ S’est élancé des abîmes dans
une lumière éclatante et, laissant ici ses rayons, Il
est monté jusqu’au trône céleste. Or c’est
ce corps qu’Il nous donne à tenir et à manger »
(St Jean Chrysostome - homélie sur la 1er lettre aux Corinthiens)
8-
Huitième approche : la croissance du Corps du Christ
Comme
tout organisme vivant l’Eglise grandit, se développe, avance,
se transforme même si, en apparence elle réunit moins de
fidèles et n’a plus le vent en poupe à notre époque
qui se déchristianise (du moins en Europe occidentale).
A
nouveau, il faut se départir d’une vision extérieure
(sociologique, psychologique statistique…) de ces réalités
mystérieuses qui nous dépassent infiniment, tel le mystère
de l’Eglise.
L’Eglise,
quel que soit le nombre visible de fidèles, est en devenir et
en croissance. Elle est enceinte de tous ceux qui s’éveillent
dans le Christ et l’Esprit Saint.
« L’Eglise est en croissance comme une femme enceinte
et en travail jusqu’à ce que le Christ ait pris forme en
nous, afin que chacun de ses saints, par sa participation au Christ
devienne le Christ » (Méthode d’Olympe)
Les
limites de l’Eglise ne nous sont pas connues car elle englobe
non seulement les vivants, mais les défunts. Non seulement les
hommes, mais les anges. Non seulement le créé, mais l’Incréé.
«
La génération présente ne compose qu’une
page du Livre de Vie…dans l’Eglise, il n’y a pas de
distinction entre les vivants et les morts, car, en Dieu, tous sont
vivants. Dieu est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob
? Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants (Mat. 22-23)
Et ceux qui ne sont pas nés, qui sont à naître,
vivent déjà dans l’éternité de Dieu…Et
le choeur des anges aussi entre dans l’Eglise..Le Fils de Dieu
a réuni ce qui est de la terre et ce qui est du ciel. Ila levé
la barrière entre le monde angélique et celui des hommes.
»
(Serge Boulgakov – Orthodoxie p 12-13)
«
En haut les armées des anges rendent gloire. Ici-bas dans
l’église, les hommes groupés en choeur reprennent
la même doxologie…La fête des habitants du ciel s’unit
à celle des habitants de la terre : une seule action de grâce,
un seul élan, un seul choeur de joie ! » (St Jean
Chrysostome - Sur Osias hom. 4)
On
pourrait ajouter : « une seule Eglise unissant le ciel et
la terre », comme le jour de la Nativité lorsque le
choeur des anges se mêlent à celui des bergers, comme dans
notre liturgie terrestre qui unit ses chants à celui des anges
qui célèbrent la liturgie céleste.
L’Eglise
dans sa plénitude est la Jérusalem céleste. Elle
est le Royaume de Dieu. Elle doit croître encore afin de contenir
tous les justes, tous les saints, tous les pécheurs aussi qui,
comme le larron en croix, se sont jetés dans les bras du Christ.
«
Les chrétiens, c’est non seulement nous qui sommes
ici, tous les chrétiens répandus par toute par toute la
terre, mais encore tous ceux qui, depuis le juste Abel ont existé
et existeront jusqu’à la fin du monde, tant que les hommes
engendreront et seront engendrés… » (St Augustin
– Sermon 341)
«
Lorsque tous ceux-là seront enfin réunis dans le corps
unique, celui du Christ, alors le monde d’en haut, la Jérusalem
céleste elle même qui est l’Eglise, aura atteint
sa plénitude…Le corps de la reine, de l’Eglise de
Dieu, qui est aussi celui du Christ Dieu sera complet » (St
Syméon le Nv théologien – Ethique 1)
9-
Neuvième approche : la communion des saints
Cette extension du Corps du Christ au-delà de l’espace
et du temps nous amène à une autre réalité
essentielle de l’Eglise dans sa plénitude : la communion
des saints. Les membres du Corps du Christ sont appelés saints
parce qu’ils reçoivent les Saints dons du corps et de son
Sang, et aussi la grâce, les énergies divines que répand
en eux l’Esprit saint.
Ils sont saints par participation à la sainteté de Dieu.
«
Les membres de Son Corps sont constitués par tous les saints…Le
Corps de l’Eglise du Christ est le résultat harmonieux
de la réunion des saints depuis l’origine des temps »
(St Syméon le Nv théologien – Ethique 1/ et 1/8)
«
Vous êtes devenus concitoyens des saints et de la maison de
Dieu » (St Paul - Eph. 2/18)
Bien
sûr, nous sommes aussi pécheurs et nous retombons sans
cesse, mais nous ne devons pas avoir le nez collé à notre
petitesse, ni nous y complaire. Nous ne devons pas oublier que la sainteté
du Christ et de L’Esprit Saint habite en nous, que nous sommes
devenus des temples, c'est-à-dire des lieux où Dieu peut
être célébré, dans notre corps, notre âme
et notre esprit.
«
Le mystère de l’Eglise est d’être à
la fois l’Eglise des pénitents et de ceux qui périssent
(comme le dit St Ephrem le syrien) et la communion des saints, la communion
des pécheurs aux « choses saintes », leur participation
déifiante au « Seul Saint »
«
L’état de péché personnel ne peut séparer
le pécheur de l’Eglise et de sa sainteté. Ce qui
est d’une importance décisive, ce n’est pas de s’être
libéré du péché, mais de suivre la voie
qui conduit à cette libération…Par là même,
le pécheur qui vit la vie de l’Eglise est saint. Bien plus,
l’Eglise ne connaît pas d’autre saint »
»
(Paul Evdokimov -) Orthodoxie p 144)
Le
Saint n’est pas un surhomme (ou une « sur-femme
» !) mais un pécheur qui le reconnaît et qui ne se
décourage pas, qui ne se désespère pas, qui se
jette dans les bras de Dieu avec des larmes de repentir et de gratitude,
qui s’ouvre humblement à la grâce.