Homélie de Monseigneur
Grégoire
à l'occasion de la Fête de la sauvegarde de la création
17 mai 2009
Christ
Sauveur, Œil vigilant
Christ
est ressuscité !
Il
existe dans la tradition iconographique russe une icône tout à
fait exceptionnelle, exceptionnelle car elle ne représente ni
un épisode biblique, ni une fête de l'année liturgique,
ni un saint du calendrier.
Cette
icône porte le nom de curieux de : Christ Sauveur, Œil vigilant.
En
fait si l'on traduit littéralement du russe : on devrait dire
: Œil qui ne dort jamais... Christ Sauveur Œil qui ne dort
jamais.... , Celui qui ne sommeille, ni ne dort … (1)
Cette
icône je vais tenter de vous la décrire, car sans doute
peu d'entre vous l'ont déjà vue :
Elle
représente une scène étonnante : on y voit le Christ,
sans barbe, jeune adolescent, Celui que les Pères nomment Emmanuel
[«Dieu avec nous »]. Il est allongé sur une sorte
de chaise longue couverte de coussins ; à ses côtés
se tient Marie, la Mère de Dieu et autour de Lui, des anges,
des animaux, des oiseaux, des arbres et des plantes de toutes sortes
;au
loin dans le fond, des collines et des montagnes rocheuses.
Maxime
Kovalevky possédait une telle icône et pendant l'heureuse
année où j'ai vécu chez lui nous avons, Maxime
et moi, beaucoup médité sur le message qu’ elle
apportait.
S'agit-il
d'une représentation symboliquement anticipée du royaume
des cieux ? D’une| méditation sur les « choses à
venir », une sorte d'apocalypse sereine et paisible.
Maxime
et moi nous avons fini par être d'accord sur un point essentiel
: cette icône fait allusion à la création, à
partir des citations bibliques qui sont transparents dans cette scêne
; tout d'abord, le 1er chapitre de la genèse : Dans le principe
Dieu créa le ciel et la terre. La présence des anges,
en effet, symbolise le Ciel, le monde invisible, le monde spirituel,
la vie spirituelle.
Les autres personnages sont tous des créatures visibles, c'est
la terre, le monde visible, la matière, réceptacle de
l'Incarnation du Verbe divin, figuré surtout par la présence
de la Mère de Dieu, image de l'humanité tout entière.
Une
deuxième référence biblique nous vient naturellement
à l'esprit en contemplant ce paisible spectacle : et Dieu
vit que cela était bon, et aussi le septième jour Dieu
se reposa.
Il est bien là, au milieu de sa création, sur sa confortable
chaise longue, l'œil ouvert et bienveillant, bien-veillant, bien
vigilant, jamais endormi.
Dans
ce verbe « reposer », notons qu'il y a « poser ».
Oui, le 7e jour Dieu se re-posa dans ses œuvres, c’est ce
7e jour éternel que nous vivons désormais : Dieu est posé,
est présent au cœur de chacune de ses créatures,
les visibles comme les invisibles, les célestes comme les terrestres,
les spirituelles comme les matérielles.
J'en viens donc au sujet de la fête d'aujourd'hui : fête
de la Sauvegarde de la création et je voudrais partager avec
vous les réflexions engendrées par la contemplation de
cette mystérieuse icône.
Premièrement
:
La création de Dieu se compose d'êtres visibles et d'êtres
invisibles autrement dit : la vie sur notre planète et dans l’univers
tout entier se distribue en vie matérielle et vie spirituelle.
Si nous oublions l'une, nous ne pourrons pas sauvegarder l’autre,
lit de même que nous devons prendre garde à sauvegarder
la création matérielle, il nous faut aussi prendre garde
à la création spirituelle. Mépriser la vie spirituelle
est une faute aussi grave que de saccager les forêts équatoriales,
massacrer les bébés phoques ou détruire la couche
d'ozone. Notre soin de la création visible sera à l'image
du soin que nous prendrons de notre vie spirituelle.
Deuxièmement
:
Malgré notre négligence (je dirai même : notre perversion)
Dieu veille, il ne permettra pas à l'homme de détruire
son œuvre. Soyons donc remplis d'espérance : les catastrophes
écologiques, climatiques et autres, ne détruiront pas
la création, Dieu, qui ne les produit pas, les permet seulement
parce que l'homme a le cœur dur et la nuque raide... ainsi nous
l'a déjà annoncé Jérémie dans ses
lamentations.
Pour terminer je ne peux pas passer sous silence deux événements
importants que l'on célèbre cette année : le 200e
anniversaire de la naissance de Charles Darwin et le 150e anniversaire
de la publication de son œuvre majeure : De l'origine des espèces
dans laquelle il expose sa théorie de l'évolution.
Cette
théorie a fait couler beaucoup d'encre et elle est encore controversée
aujourd'hui surtout par les chrétiens fondamentalistes.
La question est : l'Evolution est-elle contraire à l'enseignement
et à la contemplation de l'Eglise.
Faux
problème !
J'entends
une objection : la disparition de certaines espèces — je
pense en particulier aux dinosaures, ou même à ces 400
000 espèces d'insectes qui disparaissent chaque année
avant même que nous ayons eu conscience de leur existence... —
ces disparitions ne viendraient-elles pas infirmer, contrarier, Monseigneur,
ce que vous venez de nous dire à propos de la vigilance de Dieu
pour sa création ?
La
réponse nous est donnée par le Père Teilhard de
Chardin : rien ne disparaît mais tout se transforme, tout se transfigure.
Dieu est présent au cœur de chacune de ses créatures
: Il nous mène vers Lui dans un accomplissement d'amour que nul
ne pourra jamais décrire. Les insectes se transforment - certains
même durant leur propre vie : la chenille devient papillon...
Et
nous les hommes, nous nous transformerons aussi, nous serons transfigurés
à la mesure de la stature du Christ dans sa plénitude
(2) selon l’expression de l’ apôtre Paul dans l’épître
aux Ephésiens, nous deviendrons à la taille et à
la mesure du Christ « Emmanuel - Dieu avec nous - » qui
est Tout en tous, par qui tout a été fait, et qui nous
présente à son Père, pour que le Seigneur se réjouisse
de ses oeuvres !
A
lui gloire et louange aux siècles des siècles.
+
Evêque Grégoire
1 Psaume 121
2 Eph 4 :13