CHAPITRE
PREMIER
NÉCESSITÉ DE LA PRIERE
Les
Pères de l'Eglise sont unanimes à affirmer la nécessité
de la prière. Selon leur doctrine, tout ce dont l'homme a besoin
pour son corps, pour son âme, dans le temps et dans l'éternité,
il l'obtient par la prière; au point que Dieu ne fait descendre
du ciel sur la terre aucun don, aucune grâce, s'il n'en a été
préalablement sollicité. Saint Grégoire et saint
Thomas appuient leur enseignement à cet égard sur ces
paroles de Jésus-Christ : « Demandez et vous recevrez,
cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira » .
Saint Chrysostome appelle la prière le fondement, la base de
toutes les vertus. Comme une maison ne peut subsister sans fondement,
notre vie chrétienne ne peut subsister sans la prière.
Oui, il faut prier sans cesse, car la prière nous est aussi nécessaire
que l'humidité est indispensable aux racines de l'arbre. Privé
d'eau, l'arbre ne portera point de fruit; privée de la prière,
l'âme ne produira aucune bonne oeuvre. J'estime qu'il est impossible,
sans la prière, d'acquérir une seule vertu, de la sauvegarder,
de la pratiquer. Quand vous omettez la prière, votre âme
ressent un malaise semblable à celui du poisson hors de l'eau,
car si l'eau est la vie du poisson, la prière est la vie de l'âme.
Sans la prière vous êtes mort.
Saint Ambroise parle de même. La prière étant la
nourriture de notre âme, un homme qui ne prie pas meurt spirituellement.
Donc, s'il vous est impossible de prier sans cesse, consacrez au moins
un certain temps à réconforter votre âme de ce pain
de vie, de peur qu'elle ne dépérisse et qu'elle meure.
Priver son âme de la prière, c'est la tuer.
Les expressions de saint Bonaventure sont presque identiques. Comme
les abeilles privées de miel, meurent, un mur sans mortier s'écroule,
des mets sans sel se corrompent : chez l'homme qui ne prie pas, la piété
se dessèche et sera bientôt anéantie. Cet homme
n'est pas seulement misérable, il porte aux yeux de Dieu une
âme morte dans un corps vivant.
Ces enseignements des saints Docteurs établissent clairement
la nécessité de la prière et le danger imminent
qu'il y a à ne prier que rarement ou jamais.
O Chrétiens, aimez la prière, appliquez-vous-y toujours
davantage et cherchez à la rendre plus parfaite. Appliquez-vous-y
d'autant plus que le démon vous poursuit sans trêve, essayant
par mille ruses de vous tromper, de vous séduire, de vous perdre.
L'apôtre saint Pierre le dit : « Mes frères, soyez
sobres et veillez, car le démon votre ennemi tourne sans cesse
autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer
» . De son côté, saint Paul nous avertit que nous
n'avons pas seulement à combattre « contre la chair et
le sang, mais contre les princes de ce monde de ténèbres
» , c'est-à-dire contre le diable et ses suppôts,
dont la puissance surpasse la puissance du monde. Comment pauvres et
faibles hommes que nous sommes, pourrions-nous lutter contre ces lions
rugissants, ces loups ravisseurs, ces princes des ténèbres,
ces puissances infernales, sans un secours d'en haut? Comment ce secours
nous sera-t-il accordé, si nous ne le demandons instamment?
Sur ce passage de l'Ecriture : « Tant que Moïse priait, son
peuple était vainqueur, mais quand ses bras lassés retombaient,
la victoire passait aux ennemis », saint Chrysostome dit : «
Nul n'est excusable s'il est terrassé par son adversaire parce
qu'il a cessé de prier. Interrompre la prière, c'est donner
tout pouvoir au démon; l’abandonner, c'est se constituer
son prisonnier. Au contraire, chaque fois que vous priez, vous accablez
d'angoisses notre infernal ennemi qui se sent alors affaibli. L'arme
de la prière le met en déroute aussi rapidement qu'un
meurtrier fuit à l'approche de la justice. »
Ceci explique pourquoi tant de personnes, en religion ou dans le siècle,
sont si souvent et si fortement tentées et vaincues par la chair,
le monde et les créatures : elles ne prient pas, ou pas assez,
ou pas comme il faut. Saint Jean Chrysostome le dit : « Celui
qui ne vaque pas à la prière, court au devant des tentations,
et quand je vois un homme qui n'aime pas la prière, je le tiens
pour peu vertueux. Au contraire, une âme se montre-t-elle avide
de prier, estime-t-elle comme un grand dommage l'omission de la prière,
je la reconnais pour un vrai temple de Dieu, un vase plein de précieuses
vertus. »