Fête
de la Sainte Rencontre
Saint Jean de Saint-Denis - Dimanche 3 Février
1957
Au
nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
La fête de la Sainte Rencontre, de la Chandeleur comme on l'appelle
populairement, réunit deux fêtes : celle de l'Évangile
et celle du paganisme. Ne vous étonnez point. Nombre de fêtes
chrétiennes mêlent ce qui sort de la Bible et de l'Écriture
Sainte aux coutumes païennes. Ainsi Noël, la Naissance du
Sauveur, était aussi la fête du soleil. De même,
la Chandeleur avec ses crêpes en forme de soleil ses luminaires
que nous allumons et bénissons nous arrive des peuples antiques
qui bénissaient les lumières le 2 février, quarante
jours après le solstice de la fête de Noël. Car Noël
et la Chandeleur sont liées aux quarante jours. Les quarante
jours, vous le savez, signifient dans toutes les traditions un chemin
long, pénible, à travers les épreuves, vers la
terre promise et la libération.
Dans toutes les religions comme dans la chrétienne, avait lieu
aussi, la purification de la mère quarante jours après
l'enfantement, et après la mort, l'Église prie pendant
quarante jours pour l'âme éprouvée du défunt
; les chrétiens ont recueilli ces rites de la Bible et de l'Égypte.
Aujourd'hui, nous unissons donc d'une certaine manière les traditions
païennes aux traditions bibliques. Nous le faisons, d'ailleurs,
chaque fois que nous prononçons le Credo. Quand nous disons :
"Créateur du ciel et de la terre", nous employons les
termes hébreux, "du monde visible et invisible, nous nous
servons d'expressions grecques.
C'est la fête de la purification de celle qui est pure, de l'accomplissement
des lois par Celui qui donne les lois et est au-dessus d'elles. La Vierge
s'incline, acceptant d'être purifiées, elle qui est étrangère
aux souillures, le Christ se laisse porter au temple, Lui, Créateur
du temple et objet de son culte.
Pourquoi cette acceptation volontaire, cette humiliation ? Pourquoi
Marie se range-t-elle parmi les autres femmes et Dieu incarné
parmi les enfants ordinaires ? Pourquoi ne ressortent-ils point, pourquoi
ne proclament-ils pas leur supériorité ? elle par son
intègre virginité, Mère de Dieu, Lui par sa divinité
?
Leur démarche nous enseigne que les enfants de la grâce
et de la lumière n'aiment pas se soustraire aux conditions courantes
de la vie.
Comme enfants de la grâce, mes amis, vous êtes libérés
des lois, vous n'êtes plus obligés de payer à César
ce qui revient à César, ni à quiconque ; - comme
dit l'apôtre Paul : "Tout est possible pour nous", et
il ajoute : "tout n'est pas utile" - vous êtes affranchis
non point pour le désordre mais pour vous soumettre librement
aux conditions humaines, les vivre librement en Christ sans en subir
la nécessité comme les gens de ténèbres
et de chair.
La Sainte Rencontre nous donne encore une autre leçon.
Poussé
par l'Esprit-Saint, le vieillard Siméon reçoit quelque
chose dans ses bras ; il reçoit quelque chose de plus fort et
de plus admirable que ce charbon ardent qui brûla les lèvres
du prophète Isaïe. Ce vieillard qui récapitule la
sagesse de l'antiquité, tient visiblement un enfant innocent
; en réalité, il Le porte non pour le protéger
du froid ou des dangers extérieurs mais pour implorer de Lui
la bénédiction et la libération : "Et maintenant,
Seigneur" appelle-t-il cet enfant, - "Kyrios", c'est-à-dire
: Dieu - "Et maintenant, Dieu, Maître, laisse Ton serviteur
s'en aller en paix".
Insigne
mystère ! Ce geste de Siméon enferme l'âme et l'esprit
de l'Eglise ; elle est la vieillesse chargée de tradition, de
connaissance, de sagesse, de patience tenant en ses bras Dieu jeune,
Dieu-Enfant. A chaque instant, elle éclate de jeunesse divine.
Quoi de plus traditionnel, de plus vieilli que l'Eglise ; ses mains
tremblent et pourtant ces mains défaillantes soutiennent la perpétuelle
jeunesse de Dieu naissant, de la grâce et de la lumière
resplendissantes. Le même miracle se produit dans les âmes
des hommes. Un homme brisé, ridé par les épreuves
de ce monde arrive dans l'Eglise et la grâce foudroyante, invisible,
efficace, du Saint-Esprit la rajeunit.
Chaque dimanche, en communiant au Corps et au Sang, du Christ, nous
recevons le feu du charbon ardent, le Christ enfant, le Verbe incarné.
Amen !