A
côté de Frère Laurent, ce sont quatre sœurs
qui ont été les témoins du dernier souffle de notre
père...
Je
suis arrivé quelques minutes après pour lui déposer
la dernière onction. C'était à la fin de la nuit,
vers 3h40, Jeudi*, le Grand Jeudi Radieux pour les frères et
sœurs orthodoxes suivant le calendrier local occidental...
Jeudi
Saint pour les frères orthodoxes d'Orient, jour de la Sainte
Cène, jour de la commémoration de la première grande
Liturgie sur le monde... Jeudi comme jour du milieu de la semaine entre
les trois premiers jours et les trois derniers... La voie du Milieu
comme dernier enseignement transmis à notre Eglise...
…
L'inhumation a lieu aujourd'hui le premier dimanche après Pâques
concluant ainsi la grande semaine radieuse pour l'Orthodoxie Occidentale
; c'est aujourd'hui le jour de la grande fête de Pâques,
de la Résurrection pour les orthodoxes d'Orient...
Naissance
au ciel de notre père entre les deux Pâques... La voie
de l'entre-deux comme pour tenir ensemble
dans son propre corps, dans son propre cœur, Orient et Occident.
Vigile est le nom de Pasteur qui lui avait été confié
pour accomplir sa vocation de veilleur participant sans doute dans l'Esprit
Saint à la rédemption de ce que l'histoire des hommes
a défait : l'Unité au cœur de l'Eglise. Notre père
a accompli le grand passage de la mort à la Vie entre les deux
Pâques comme s'il voulait, jusqu'au bout de sa vie, demeurer le
témoin d'un lien mystérieux entre Orient et Occident...
Son
parcours est celui d'un homme immense, j'oserais presque dire d'un «
homme innombrable » tant par la richesse et la multitude des expériences
traversées durant son pélerinage terrestre que par les
différents climats induits par sa personnalité très
attachante. Mais il me semble que s'il existait un mot qui puisse dire
quelque chose du parfum de sa présence, du moins à partir
du moment où nous l'avons rencontré, c'est le mot de père.
On ne peut entendre la présence de Mgr Vigile que dans son lien
avec la paternité. Paternité qui est devenue au fil du
temps de plus en plus maternelle...
Issu
d'un milieu modeste d'une ville d'Andalousie, il est né en 1918
à Casablanca au Maroc où il est resté quelque 45
années. C'est en 1975 qu'avec un de ses fils spirituels, le père
Pascal, il devient père de l'Eglise Orthodoxe Française,
participant ainsi avec d'autres fondateurs de communautés religieuses
à la résurgence de l'Orthodoxie en Occident... Il est
devenu évêque dans la succession apostolique de l'Eglise
Grecque, dite « des Vieux Calendaristes ».
En
1982, sous son inspiration, débute la grande aventure de la naissance
du monastère saint Michel du Var, lieu qu'il habitera désormais
jusqu'à la fin. Du Var, il ne connaissait à l'époque
que ses plages puisqu'avec ses frères du 4ème Régiment
des Tirailleurs Marocains, alors jeune soldat, il avait débarqué
en 1944 pour participer au grand mouvement de la Libération de
notre pays.
Homme
d'engagement, persévérant au cœur des multiples épreuves,
pugnace, entouré d'une communauté d'hommes et de femmes,
il a fait de ce lieu, par l'effort de l'Homme et la Grâce de l'Esprit,
un havre de paix et de beauté. Artiste dans l'âme, grand
esthète, il a chanté, prié, contemplé la
beauté de Dieu au cœur de la Liturgie orthodoxe mais aussi
dans le grand Livre de la Nature.
… Dans le domaine religieux, il a toujours voulu privilégier
la voie de l'Amour au regard des carcans dogmatiques, l'Esprit plutôt
que la lettre. Homme épris de tradition mais aussi novateur,
il est pour nous un père ayant inspiré un vrai chemin
d'ouverture au cœur du tissu religieux... Il a beaucoup prôné
l'importance du dialogue interreligieux et a rencontré quelques
grands représentants de différentes traditions spirituelles.
…
…
Il a aussi beaucoup œuvré au rapprochement des différentes
communautés au sein de l'Orthodoxie Occidentale... Le beau fruit
que nous partageons tous ensemble aujourd'hui en est la Communion des
Eglises Orthodoxes Occidentales.
…
Monseigneur, dans la Grâce de l'Esprit Saint, puissions-nous continuer,
par l'intercession de votre prière, dans la Présence de
Marie, la Vierge, à faire croître en nous ce que Dieu,
par votre présence charismatique de père, a semé
dans nos cœurs de filles et de fils !
Beaucoup
de ce qui peut y avoir de noble en chacun d'entre nous, nous est venu
de notre relation avec vous...
Merci
pour tout. À Dieu...
Christ
est ressuscité !
*
16 avril 2009