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Commentaires sur Saint Luc (2ème dimanche de Carême)

SAINT AMBROISE DE MILAN


« Un homme avait deux fils ; et le plus jeune lui dit :

donne-moi ma part de fortune. »

Vous voyez que le patrimoine divin se donne à ceux qui demandent.

Et ne croyez pas que le père soit en faute pour avoir donné au plus jeune : il n’y a pas de bas âge pour le Royaume de Dieu, et la foi ne sent pas le poids des ans. En tout cas celui qui a demandé s’est jugé capable ; et plût à Dieu qu’il ne se fût pas éloigné de son père ! il n’aurait pas éprouvé les inconvénients de son âge. Mais une fois parti à l’étranger — c’est donc justice que l’on gaspille son patrimoine quand on s’est éloigné de l’Eglise — « après qu’ayant quitté la maison paternelle il fut parti à l’étranger, dans un pays lointain... » Qu’y a-t-il de plus éloigné que de se quitter soi-même, que d’être séparé non par les espaces, mais par les mœurs, de différer par les goûts, non par les pays, et, les excès du monde interposant leurs flots, d’être distant par la conduite ?

Car quiconque se sépare du Christ s’exile de la patrie, devient concitoyen du monde extérieur. Mais nous autres « nous ne sommes ni étrangers ni éxilés, mais nous sommes devenus concitoyens des saints et de la maison de Dieu » (Ep. 2,19) ; car « éloignés que nous étions, nous sommes devenus proches par le sang du Christ » (Ep., 2,13). Ne soyons pas malveillants envers ceux qui reviennent du pays lointain, puisque nous avons été, nous aussi, en pays lointain, comme l’enseigne Isaïe : « Pour ceux qui résidaient au pays de l’ombre mortelle, la lumière s’est levée » (Is. 9, 2). Le pays lointain est donc celui de l’ombre de la mort ; mais nous, le souffle sur notre visage c’est le Seigneur Christ (Lam. 4, 20), nous vivons à l’ombre du Christ ; et c’est pourquoi l’Église dit : « J’ai désiré son ombre, et je m’y suis assise » (Ct. 2, 3).

Donc celui-là, vivant dans la débauche, a gaspillé tous les ornements de sa nature : alors, vous qui avez reçu l’image de Dieu, qui portez sa ressemblance, gardez-vous de la détruire par une difformité déraisonnable. Vous êtes l’ouvrage de Dieu ; ne dites pas au bois : « c’est toi mon père, » (Jr. 2, 27) ; n’acceptez pas la ressemblance du bois, puisqu’il est écrit : « Ainsi deviendront ceux qui les (idoles) ont faites » (Ps. 115, 8) !


« Il survint une famine en cette contrée » : famine non des aliments, mais des bonnes œuvres et des vertus. Est-il jeûnes plus lamentables ? En effet, qui s’écarte de la parole de Dieu est affamé, puisque « Ton ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu » (Lc 4, 4). S’écartant de la source on a soif, s’écartant du trésor on est pauvre, s’écartant de la sagesse on est stupide, s’écartant de la vertu on se détruit. Il était donc juste qu’il vînt à manquer, ayant délaissé les trésors de la sagesse et de la science de Dieu (Col. 2, 3) et la profondeur des richesses célestes. Il en vint donc à manquer et à sentir la faim, parce que rien ne suffit à la volupté prodigue. On éprouve toujours la faim quand on ne sait se combler des aliments éternels.

Il alla donc s’attacher à un des citoyens : celui qui s’attache est pris au piège, et il semble que ce citoyen soit le prince de ce monde. Bref il est envoyé à sa ferme — celle dont l’acheteur s’excuse du Royaume (Lc 14, 18) — et il fait paître les porcs : ceux-là sans doute dans lesquels le diable demande à entrer, ceux qu’il précipite dans la mer de ce monde (Mt. 8, 32), ceux qui vivent dans l’ordure et la puanteur.

Et il souhaitait, est-il dit, se garnir le ventre de glands : car les débauchés n’ont d’autre souci que de se garnir le ventre, leur ventre étant leur dieu (Ph. 3, 19). Et quelle nourriture convient mieux à de tels hommes que celle qui est, comme le gland, creuse au-dedans, molle au-dehors, faite non pour alimenter, mais pour gaver le corps, plus pesante qu’utile ?

II en est qui voient dans les porcs les troupes des démons, dans les glands la chétive vertu des hommes vains et le verbiage de leurs discours qui ne peuvent être d’aucun profit : par une vaine séduction de philosophie et par le tintamarre sonore de leur faconde ils font montre de plus de brillant que d’utilité.

Mais de tels agréments ne sauraient durer : Aussi « personne ne lui en donnait : c’est qu’il était dans la région où il n’y a personne, parce qu’elle ne contient pas ceux qui y sont. Car toutes les nations sont comptées pour rien » (Is. 40, 17) ; mais il n’y a que Dieu pour « rendre la vie aux morts et appeler le non-être à l’être » (Rm. 4, 17).

« Et revenant a lui, il dit : que de pains ont en abondance les mercenaires de mon père ! » Il est bien vrai qu’il revient à lui, s’étant quitté : car revenir au Seigneur, c’est se retrouver, et qui s’éloigne du Christ se renie. Quant aux mercenaires, qui sont-ils ? N’est-ce pas ceux qui servent pour le salaire ? Ils ne poursuivent pas ce qui est bien par zèle pour la droiture ; ils sont attirés non par le charme de la vertu, mais par la recherche de leur profit. Mais le fils, qui a dans le cœur les arrhes du Saint-Esprit (2Co. 1, 22), ne recherche pas les profits mesquins d’un salaire de ce monde, possédant son droit d’héritier. Il existe aussi des mercenaires qui sont engagés pour la vigne. C’est un bon mercenaire que Pierre — Jean, Jacques — à qui on dit : « Venez, je ferai de vous des pécheurs d’hommes » (Mt. 4, 19). Ceux-là ont en abondance non les glands, mais les pains : aussi bien ont-ils rempli douze corbeilles de morceaux. Ô Seigneur Jésus, si tu nous ôtais les glands et nous donnais les pains ! car tu es l’économe dans la maison du Père ; oh ! si tu daignais nous engager comme mercenaires, même si nous venons sur le tard ! car tu embauches même à la onzième heure, et tu daignes payer le même salaire : même salaire de vie, non de gloire ; car ce n’est pas à tous qu’est réservée la couronne de justice, mais à celui qui peut dire : « J’ai combattu le bon combat » (2Tm 4, 7).

Je n’ai pas cru devoir me taire sur ce point, parce que certains, je le sais, disent qu’ils réservent jusqu’à leur mort la grâce du baptême ou la pénitence. D’abord comment savez-vous si ce n’est pas la nuit prochaine qu’on vous demandera votre âme (Lc 12, 20) ? Et puis, pourquoi penser que n’ayant rien fait, tout vous sera donné ? Admettons qu’il y ait une seule grâce, un seul salaire : autre chose est le prix de la victoire, celui auquel Paul tendait, non sans raison, lui qui, après le salaire de la grâce, poursuivait encore la course pour le gagner (Ph. 3, 14), sachant que si le salaire de la grâce (d’appel) est égal, la palme n’appartient qu’au petit nombre d’élus.


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