Discours
de Jean de San Francisco
à l'occasion de l'élévation de père Eugraph
Kovalesky à l'épiscopat

La cérémonie
eut lieu à San Francisco le 11 novembre 1964.
«
Notre cher frère évêque Jean,
Depuis
ton enfance, tu fus attiré par l'Église, recevant la semence
de la foi, durant ta jeunesse dans ta patrie. Après que les malheurs
eurent atteint celle-ci, lorsque tu arrivas dans ce pays, où
dès les premiers temps fut prêché le christianisme
par les successeurs les plus proches des saints apôtres, mais
dans lequel, cependant, nu cours des siècles, la pure foi du
Christ transmise par les apôtres fui assombrie par des raisonnements
humains, ton esprit s'embrasa et tu voulus que la foi orthodoxe illuminât
de nouveau cette contrée.
Tu
rencontras alors un écho dans de nombreuses âmes qui ressentirent
que la foi confessée par elles n'était pas en accord total
avec la vérité évangélique. Brûlant
de l'aspiration d'atteindre le plus complètement et le plus rapidement
possible le but que tu avais conçu, tu te consacras à
cette œuvre, de toutes tes forces, tu te précipitas sans
te retourner, comme cela se produit dans de tels cas, et tu commis bien
des erreurs.
Mais
le Seigneur bénit ta bonne entreprise, et nombreux sont ceux
qui par toi connurent la vérité et entrèrent dans
la voie de sa confession. L'importance d'un troupeau sans cesse croissant
— des enfants de l'ancienne Gaule, la France actuelle, qui reviennent
à l'Orthodoxie — , a rendu nécessaire de nommer
un évêque à sa tête. L'amour de tes enfants
spirituels t'appelle maintenant au ministère épiscopal.
Avec
tremblement, mais aussi avec espoir dans le Seigneur, « qui guérit
les faiblesses et supplée aux déficiences », reçois
maintenant ce ministère. Dans l'exercice de celui-ci ne compte
pas exagérément sur tes forces et sur tes connaissances,
mais suis les conseils des hiérarques plus anciens et plus expérimentés.
Prêche la vérité et e efforce-toi de la répandre
chez ceux qui ne l'ont point encore connue. Mais ce faisant, agis avec
circonspection, afin qu 'en en amenant certains à la vérité,
tu n 'en repousses pas les autres.
Malheureusement,
nombre de nos compatriotes, étant de bons enfants de l'Église
orthodoxe, ne peuvent pas toujours différencier l’essence
de la doctrine orthodoxe de ses manifestations sous telle ou telle forme,
dépendant des conditions locales et du caractère du peuple
concerné. Tu devras rencontrer de l'incompréhension et
de l'adversité chez des hommes pieux et agissant non par mauvais
desseins, mais par incompréhension. Sois courageux. Supporte
toutes les afflictions et n 'en aie point peur. Sois bienveillant envers
ceux qui te feront obstacle, efforce-toi, là où cela est
possible, de ne pas être cause de scandale et de ne pas induire
en tentation, afin que eux qui s'opposent à toi parviennent à
la connaissance de la vérité car le Seigneur veut le salut
de tous.
En
prêchant aux autres, n'oublie pas de t'édifier toi-même
et d 'accomplir tout ce que tu prêches aux autres, enseignant
et agissant comme nous l'ont montré les saints Pères et
les ascètes. Souviens-toi des promesses que tu as données
et observe l'obéissance envers le pouvoir ecclésial dont
tu dépends. Souviens-toi que chaque parole dite en secret est
entendue de Dieu. Ne délaisse jamais la prière pour une
œuvre te semblant plus importante.
L'action
sans la prière est comme un arbre sans humidité. Garde
fermement les traditions et les enseignements des saints Pères.
Invoque à ton aide les saints du pays dans lequel tu prêches
: saint Martin, sainte Geneviève, les saints Germain de Paris
et d'Auxerre, et les successeurs immédiats des saints apôtres,
les saints hiéromartyrs Denys l'Aréopagite — qui
souffrit et repose dans le lieu où se déroulera ton ministère
— et Irénée de Lyon, qui reçut l'enseignement
de la foi orthodoxe de Polycarpe, disciple du saint apôtre Jean
le Théologien, et place-toi sous leur protection.
De
même, n 'oublie pas les saints et ascètes de la terre russe,
dont tu as entendu les noms dès ton enfance, prie-les afin qu
'ils t'aident. Aie toujours en esprit devant toi ton protecteur saint
Jean de Cronstadt, ainsi que le métropolite Antoine [de Kiev]
qui fut semblable aux hiérarques des temps anciens, et dans les
cas difficiles, demande-toi ce qu'ils auraient fait dans une telle situation.
Maintenant, reçois ce bâton pastoral et mène tes
ouailles non au travers la Mer Rouge, mais la mer noire du péché,
jusqu 'à la terre promise, la Jérusalem et la Sion d’en
haut, vous, Pères, pasteurs et enfants de l’Eglise française,
recevez votre nouvel éveque et obéissez-lui